Je suis debout
70 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

Novembre 2005. À la barre des témoins de la cour d'assises de Paris, Chérif Delay, 15 ans, subit les foudres des avocats de la défense. Traité de menteur, tétanisé, il ne peut que chuchoter : " Je sais pas, je sais plus... "







Le procès bascule...







Le " fiasco " d'Outreau, c'est, pour toute la France, le drame d'adultes accusés par des enfants menteurs, avant d'être acquittés. Invités par les plus hautes instances de l'État et sur tous les plateaux de télévision, les acquittés ont raconté leur calvaire et rencontré l'empathie du public. Ce qui leur est arrivé pourrait arriver à n'importe qui... Quant aux enfants violés ? Oubliés, escamotés...







Humilié, traumatisé, Chérif Delay est devenu SDF le jour de ses 18 ans. Sa souffrance et sa colère ont fait de lui une menace pour l'ordre public. Il est passé par la case prison avant de se retrouver en Afrique.







Chérif Delay, un mythomane ? S'il souffre aujourd'hui, c'est bien de s'être tu : " J'aurais pu sauver mes frères et les autres enfants si j'avais parlé plus tôt, mais j'étais menacé de mort. J'ai été lâche... "







Cet ouvrage ne refait pas le procès et ne conteste pas la chose jugée. Il révèle une seconde vérité judiciaire occultée : douze enfants, dont Chérif, ont été officiellement reconnus victimes de violences sexuelles et de viols.







Devenu adulte, Chérif a désormais le droit de parler. Malgré les pressions et les menaces, il témoigne. Un document sans complaisance, qui bouleverse par sa force et sa pudeur.







Un livre choc qui nous place devant deux vérités judiciaires difficilement conciliables. Celle des acquittés et celle, inédite à ce jour, de l'aîné des enfants victimes.





Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 06 octobre 2011
Nombre de lectures 215
EAN13 9782749123219
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0090€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture

Chérif Delay
en collaboration
avec Serge Garde

JE SUIS DEBOUT

L’aîné des enfants d’Outreau
sort du silence

COLLECTION DOCUMENTS

Description : C:\Users\DVAG\Desktop\1_EPUB_EN_COURS\Images/Logo_cherche-midi_EPUB.png

Couverture : Corinne Liger 2011.
Photo de couverture : © Serge Garde.

© le cherche midi, 2011
23, rue du Cherche-Midi
75006 Paris

Vous pouvez consulter notre catalogue général
et l’annonce de nos prochaines parutions sur notre site :
www.cherche-midi.com

« Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales. »

ISBN numérique : 978-2-7491-2321-9

Avant-propos

L’enfant bredouille, chuchote : « Je ne sais plus, je ne sais pas... » Les avocats de la défense exultent. Le procès d’Outreau bascule définitivement. Le 1er décembre 2005, les six adultes condamnés en première instance1 par les assises de Saint-Omer sont acquittés à Paris, au « bénéfice de la certitude » selon les réquisitions de l’avocat général.

Le garçon devenu muet à la barre s’appelle Kévin, ou plus précisément Chérif Delay. C’est le fils aîné de Myriam Badaoui-Delay, la femme qui avait chargé ses coaccusés, avant de se rétracter à Saint-Omer. Telle mère, tel fils, a-t-on dit ! Les commentaires n’ont pas fait dans la nuance. De l’affaire d’Outreau, vous pensez tout connaître. Et pour cause ! Depuis dix ans, les médias ont ressassé la même version : des adultes, accusés à tort des pires turpitudes sexuelles sur des mineurs, ont été incarcérés de longs mois et, pour certains, pendant trois années, avant d’être innocentés. Les victimes d’Outreau ? Ces adultes finalement acquittés. Les responsables de ce « fiasco » ? Le juge d’instruction, Fabrice Burgaud, trop jeune, influençable tout en étant trop sûr de lui ; une mythomane, Myriam Badaoui, la mère de Chérif Delay ; et les enfants qui ont menti et accusé n’importe qui de n’importe quoi. Florence Aubenas, la journaliste qui a donné le la à ses confrères, s’est même interrogée. Comment un juge a-t-il pu prendre au sérieux « des déclarations si farfelues qu’elles feraient rire les enfants2 » ?

 

Tous les Français connaissent cette version, bétonnée à partir d’une vérité judiciaire inattaquable : sur les dix-sept adultes mis en examen en 2001, quatre ont été condamnés, un est décédé en prison à la suite d’une surdose de médicaments. Tous les autres ont été acquittés.

Il existe pourtant une autre vérité judiciaire dans cette affaire : douze enfants, dont Chérif Delay, ont été reconnus victimes de violences sexuelles par la justice, et indemnisés3 à ce titre par la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI). Douze mineur(e)s qui ont totalement été évacué(e)s du champ médiatique. Disparues, ces victimes ! Pendant dix ans, elles ont été diffamées, accusées de mensonges, sans pouvoir répondre puisqu’elles n’étaient pas majeures.

Au total, cela fait beaucoup de victimes. Mais s’il n’y a, dans ce dossier, que des innocents, où sont donc les coupables ? En prison, direz-vous, puisque quatre adultes ont été lourdement condamnés à Saint-Omer et n’ont pas fait appel : Thierry Delay et Myriam Badaoui-Delay, respectivement beau-père et mère de Chérif Delay, et leurs voisins complices, David Delplanque et Aurélie Grenon.

Le problème, et il n’est pas mince, c’est qu’il est difficile d’imputer autant de viols à ces quatre-là. Et la mission devient quasiment impossible si l’on accorde quelque crédit aux déclarations initiales des enfants, recueillies par la police, alors qu’ils étaient séparés dans des familles d’accueil différentes, ainsi qu’aux aveux circonstanciés de certains adultes qui corroboraient précisément la parole de ces petites victimes. Myriam Badaoui n’a été ni la seule ni la dernière à reconnaître les crimes sexuels dénoncés par les enfants... Or les aveux, on le sait, ne sont jamais des preuves. Maints innocents ont avoué des crimes imaginaires... Mais, en général, ces aveux restaient solitaires...

Comme l’a si bien résumé Pierre Joxe4, lors d’un colloque à la faculté de droit d’Assas-Panthéon, à Paris, le 24 février 2011, on se retrouve, dans ce dossier, avec deux vérités judiciaires qui provoquent cette désagréable impression que l’on ressent lorsqu’on veut faire entrer de force « deux pièces » dans un mauvais puzzle.

Circonstance qui n’a pas aidé au raisonnement et à la sagesse, le fait divers d’Outreau a été promu au rang d’une véritable affaire d’État. Ce rappel ne sera pas inutile : à peine le verdict de 2005 rendu, les plus hauts dirigeants de l’État se sont précipités pour honorer les acquittés. Le ministre de la Justice, Pascal Clément, a renvoyé le juge d’instruction, Fabrice Burgaud, et le procureur Lesigne devant l’instance disciplinaire de la Justice, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Le Premier ministre, Dominique de Villepin, a ouvert les portes de Matignon aux six « victimes » d’Outreau. Le président Chirac leur a adressé une lettre d’excuses personnalisée. L’Assemblée nationale s’est empressée de constituer une commission d’enquête parlementaire. Peu après sa prise de fonction, le nouveau président de la République a invité les acquittés à l’Élysée. Et dix ans après le déclenchement de l’affaire, le 10 février 2011, le même Nicolas Sarkozy continue à s’indigner sur TF1 du fait que le juge Burgaud, à l’issue de sa comparution devant le CSM, n’a reçu qu’un simple blâme ! Était-il raisonnable d’instrumentaliser à ce point ce fait divers, même pour convaincre l’opinion publique qu’il faut en finir avec ces magistrats potentiellement incontrôlables : les juges d’instruction ?

Outreau, ce tranquille chef-lieu de canton, à proximité de Boulogne-sur-Mer, dans le Pas-de-Calais, ne méritait sûrement pas d’être ainsi stigmatisé. Son nom s’est retrouvé associé à ce que la presse a qualifié de « fiasco », voire de « Tchernobyl » judiciaire. Le juge Burgaud a été insulté et même comparé... à un tortionnaire nazi ! Depuis l’affaire Dreyfus, aucune affaire n’avait provoqué une telle réactivité. Et encore ! Du temps de Zola, le monde politique s’était divisé sur la question de l’innocence du capitaine. Cette fois-ci, aucune note discordante dans le microcosme politique. Aucune prudence, aucune nuance !

 

Les acquittés ont été choyés par les radios et les télévisions. Ils ont pu clamer leur innocence. Personne n’a pu ignorer leurs souffrances. Chacun a d’autant plus frémi au récit de leur calvaire que ce qui est arrivé aux acquittés aurait pu, pourrait nous arriver. Des livres ont paru. L’un d’eux5 servira de base à un film de fiction dont la sortie est prévue en septembre 2011.

Quant aux enfants victimes, oubliés ! Implicitement et souvent explicitement, ils ont été accusés de mensonges. Cela, six ans durant, sans discontinuer !

À bien y réfléchir, la situation est très inconfortable pour nous, citoyens. D’abord, parce que ces deux vérités difficilement conciliables ont été rendues « au nom du peuple français », donc en notre nom. Ensuite, parce que nous avons tous été priés, par la magie de la télévision, d’endosser les habits des jurés dans le procès parallèle de l’affaire, devant l’opinion publique. Mais, devant ce tribunal populaire, fictif et permanent, une seule des deux vérités nous est parvenue.

Les années ont passé. Devenu adulte, Chérif Delay est le premier des douze enfants reconnus victimes à parler. Gageons qu’il ne sera pas le seul. Il faudra faire avec !

Un détail à préciser : ce que nous révèle Chérif dans le livre, il l’avait dit dès le début de la procédure. Il n’a jamais varié dans ses déclarations. Et s’il s’est tu devant les assises de Paris, il nous explique pourquoi. Il dénonce des dysfonctionnements choquants qu’on a minimisés ou qu’on nous a carrément cachés. Et il nous montre les conséquences dramatiques qu’ont générées les dysfonctionnements de la Justice, le concernant.

Journaliste, grand reporter à L’Humanité, j’ai dénoncé plusieurs affaires pédocriminelles depuis 1984 et révélé en France, en février 2000, l’affaire du CD-Rom de Zandvoort6, un disque rassemblant plus de 8 000 documents pédocriminels. En revanche, je n’avais pas travaillé sur l’affaire d’Outreau. J’ai suivi son déroulement comme tout le monde, par les médias. J’ai été troublé par l’unanimité des commentaires et la lapidation médiatique du juge Burgaud m’avait choqué. Faire supporter à une seule personne un éventuel dysfonctionnement institutionnel m’a toujours paru suspect. Quant au discrédit jeté sur la parole des enfants, il m’a révolté. J’ai trop constaté les dégâts causés à des victimes qu’on a traitées de menteuses. Répéter à l’envi qu’« avant Outreau on sacralisait la parole des enfants » ne crée pas une vérité. On pourra toujours trouver un dossier dans lequel cette parole a pesé plus lourd que celle d’un adulte. Cela reste marginal. Je me penche sur ces dossiers depuis bientôt trois décennies. J’ai surtout constaté que la plupart des plaintes basées sur les révélations de mineur(e)s étaient classées sans suite...

Aussi, lorsque Karl, un ami, et l’ONG internationale Innocence en danger, m’ont encouragé à tourner un documentaire sur « l’affaire », j’ai accepté en me fixant un objectif : rendre visible l’autre vérité judiciaire, celle des enfants victimes, et donner la parole aux professionnels livrés en pâture à l’opinion publique. J’ai pu mesurer, de refus en refus, le traumatisme toujours actuel du lynchage médiatique dont ils ont été les cibles. Aujourd’hui encore, des gens ont peur de parler, peur de témoigner à visage découvert.

Je n’ai pas baissé les bras. Avec mon ami cameraman Jean-Michel Garcia, nous avons cherché le premier des enfants devenu adulte. Cela a demandé sept mois. Nous avons retrouvé Chérif Delay en Afrique. L’image qu’il avait des journalistes était un réel handicap. Il avait toutes les raisons de refuser de parler devant notre caméra. Il a finalement accepté. J’espérais dix minutes d’interview. Chérif nous a parlé pendant cinq jours ! Nous l’avons filmé pendant plus de sept heures. Un témoignage exceptionnel dont j’étais certain de n’utiliser que quelques dizaines de minutes dans le film. L’idée de ce livre est née du désir de ne rien perdre du récit de Chérif. Le jeune homme a d’autant plus adhéré au projet qu’il l’avait formulé dans une lettre qu’il avait adressée au juge Burgaud, en 2008 : « Je vais écrire mon histoire... »

Il restait à l’écrire et donc à trouver, Chérif et moi, un langage commun qui soit respectueux de nos pensées et de nos syntaxes... Certaines idées, si elles sont partagées et approuvées par Chérif, sont des réflexions personnelles que je développe depuis des années dans mon engagement contre la pédocriminalité. Ces passages sont imprimés en italique. Nous avons poursuivi le dialogue, croisé nos réflexions et nos expressions. À vous de dire si nous avons réussi.

Je voudrais, pour finir, remercier Chérif de la confiance qu’il m’a accordée. Et lui dire qu’il m’a étonné par son courage. Il en fallait. D’autant qu’il n’a jamais cherché à se montrer en héros positif. Il repousse tout ce qu’il assimile à de la pitié. Nul tribunal ne pourrait être aussi sévère que celui qui siège en permanence dans sa tête. Paradoxalement, lui qu’on a fait passer pour un affabulateur, accusant tout le monde et n’importe qui, se reproche de ne pas avoir parlé plus tôt. « J’aurais pu, dit-il, sauver mes petits frères et les autres enfants... » Mais Chérif délivre aussi un immense message d’espoir : quel que soit le drame traversé, on n’est jamais victime à vie.

Serge GARDE

 

. En 2001, dix-sept adultes avaient été mis en examen pour viols et agressions sexuelles sur mineur(e)s. En juillet 2004, dix ont été condamnés en première instance, à Saint-Omer. Quatre ont accepté leur peine. Les six autres, qui avaient fait appel, ont été acquittés. L’un des mis en examen est mort en prison après une surdose de médicaments.

. Florence Aubenas, La Méprise, l’affaire d’Outreau, éditions de Noyelles, 2005, p. 11.

. Selon les informations disponibles, les enfants reconnus victimes ont été dix fois moins indemnisés que les adultes acquittés.

. Pierre Joxe, ancien ministre de l’Intérieur, ancien président de la Cour des comptes et ancien membre du Conseil constitutionnel, s’est inscrit au barreau et se consacre à la défense des enfants.

. Alain Marécaux, Chronique de mon erreur judiciaire, victime de l’affaire d’Outreau, Flammarion, 2005.

. Voir Le Livre de la honte, coécrit avec Laurence Beneux, le cherche midi, 2001, et Le Fichier de la honte, documentaire (90 min) diffusé sur 13ème Rue en 2010 et en 2011 dans la série Les faits Karl Zéro.

1

Kévin

 

Écrire pour en finir...

Ma mère, je dois la tuer. Dans ma tête. Dix ans que je ne l’ai pas revue. De passage en France, j’avais demandé un parloir à la prison de Rennes où elle purge les derniers mois de sa peine : quinze ans de réclusion criminelle pour viols. Ma mère m’a violé comme elle a violé mes petits frères et d’autres enfants...

Oh ! je ne voulais pas renouer avec elle, mais simplement, face à face, je voulais qu’elle me donne les informations qu’elle m’avait toujours cachées. Mon père, pas Delay, je parle de mon vrai père, qui est-il ? Comment s’appelle-t-il ? Où vit-il ? Quel est son prénom ? Et celui de ma grande sœur que je n’ai pas revue depuis ? Depuis quand d’ailleurs ? J’étais si petit quand ma mère m’a arraché à mon vrai père en lui abandonnant ma sœur. Pourquoi m’a-t-elle choisi plutôt qu’elle ? Était-ce le signe d’une préférence ou s’agissait-il pour elle de punir mon père en lui enlevant son fils ?

Comment vivre quand on ignore d’où et de qui on vient ? Pas le moindre repère pour dire « Papa ». Dites-moi, vous qui savez, comment on se lève le matin en lui disant bonjour ? C’est comment la chaleur protectrice de sa grosse main, sur le chemin de l’école ?

C’était cela que je voulais demander à ma mère. Et voilà qu’elle m’écrit qu’elle veut me « serrer » contre elle et « m’embrasser » ! Comment ose-t-elle ? C’est la dernière femme au monde qui a le droit de me toucher.

Dans ma tête, c’est le marigot, la mangrove... Un marécage puant où s’enchevêtrent des racines qui s’y noient et des lianes qui ne mènent nulle part. Un endroit hostile infesté de moustiques et de vermines qui vous sucent le sang. Une eau trouble d’où jaillissent régulièrement les crocodiles du passé...

Alors, ce livre, ce film qui se tourne parallèlement me permettent de remettre de l’ordre dans cette exubérance insupportable. Parfois, les souvenirs se chevauchent, les dates s’estompent. Jamais les faits. Écrire pour survivre ? Non, j’ai survécu sans le faire, mais si mal. Écrire pour avoir un passé, même s’il n’est pas simple. Écrire pour ne plus être ce passé. En permanence. Je n’ai que 21 ans mais je trimbale des valises aussi lourdes que trois siècles. Quand j’y pense froidement, je sais que la vie est devant moi. Mais mon corps et mon âme me tirent sans arrêt en arrière. Alors j’écris pour pouvoir poser ce livre à côté de mon lit et me dire :

– Ta vie est là, désormais tu peux dormir...

Écrire pour noyer les crocodiles dans leur boue puante...

Écrire...

– Kévin, tu vas écrire un livre !

Si on m’avait dit ça, du temps où tout le monde m’appelait Kévin, j’aurais ouvert des yeux grands comme ça, j’aurais peut-être haussé les épaules. Je me serais sûrement mis en colère, car je n’aime pas qu’on se moque de moi. Quand on grandit dans la tour HLM des Merles à Outreau, quartier de la Tour du Renard, l’horizon est plombé. Je viens de l’autre monde, celui dont on ne parle que lorsqu’un fait divers rappelle son existence. Je viens d’un monde où la misère n’est pas que de la pauvreté. Un monde où on lit peu, où on n’écrit pas. Alors, de là à m’imaginer écrire un livre...

Je viens d’un monde où les gens ne comptent pas, sauf dans les statistiques du chômage. RMI ou RSA ? RAS. Je viens d’un monde où les gens passent sans histoire, sans laisser de trace. Je viens du silence.

Écrire un livre, c’est comme niquer le destin. C’est être dans la lumière. D’un certain côté, j’aime. Mais, franchement, j’aurais préféré rester un enfant, puis un jeune homme anonyme.

Je n’ai pas choisi d’être violé. Je n’ai pas choisi d’être jeté dans cette tempête médiatique, comme un emballage de Carambar froissé, jeté dans le caniveau.

Mais j’ai choisi d’écrire ce livre. Je vais enfin pouvoir répondre à ceux qui, sans me connaître, m’ont traité de menteur, d’affabulateur, de mythomane et j’en passe... On m’a diffamé alors que je ne pouvais pas répondre. Silence aux mineurs puisque, selon la loi, ils sont incapables. Pour être totalement honnête, je n’étais pas prêt.

J’ai choisi d’écrire avec Serge Garde. Ce n’est pas le premier journaliste qui m’a approché. Mais lui ne m’a pas proposé d’acheter mon témoignage. Il a respecté ma parole, sans me ménager. Ni pitié ni complaisance. J’ai apprécié. La confiance s’est installée entre nous et, franchement, ce n’était vraiment pas gagné d’avance, car je traîne un problème : comment accorder ma confiance à un adulte, qui plus est journaliste ?

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