L Origine du monde
220 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description


La suite de La Porte du Messie !


Au cœur des livres sacrés...



Sabbah Shabi a fui la Syrie après avoir dérobé à une secte judéo-chrétienne millénaire trois preuves qui remettent en question 1 400 ans d'histoire. Traquée, la jeune franco-syrienne, enceinte de quatre mois, trouve refuge dans le Nagaland au sein de la confrérie du Serpent. Elle y fera une découverte exceptionnelle : la confrérie protège de précieux manuscrits menacés de destruction, dont un rouleau biblique de Qumrân qui rétablit la vérité sur les origines de l'humanité. Susceptible d'ébranler les fondements des trois religions monothéistes, ce texte révèle aussi l'existence d'un trésor inestimable qui peut sauver le monde. Mais Sabbah a entraîné le mal dans son sillage...


Après La Porte du Messie, Philip Le Roy, grand prix de littérature policière pour Le Dernier Testament, poursuit son cycle romanesque dédié aux livres sacrés. Il remonte cette fois aux sources de l'humanité et s'attaque à sa plus grande menace : l'homme. Fondé sur des recherches historiques et archéologiques encore confidentielles, cet ouvrage spectaculaire, mystique et charnel, développe un suspense toujours plus intense qui aboutit à un dénouement pour le moins inédit.





L'écriture de ce cycle a bénéficié de la collaboration du théologien Guillaume Hervieux.




Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2015
Nombre de lectures 31
EAN13 9782749145150
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0120€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Cover

L’Origine du monde

 

du même auteur
au cherchemidi

La Porte du Messie, 2014.

TitlePage

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Direction éditoriale : Arnaud Hofmarcher

Coordination éditoriale : Marie Misandeau

 

© le cherche midi, 2015

23, rue du Cherche-Midi

75006 Paris

 

ISBN : 978-2-74914-515-0

ISBN : Couverture : Rémi Pépin 2015 – Photos couverture : © Cristina Díaz – Gettyimages & kokoroyuki – Gettyimages

 

Merci à Guillaume Hervieux,
qui a nourri ce récit de ses connaissances.

 

L’homme est un loup pour l’homme.
Surtout pour la femme.

 

Nulle parole descendue du Ciel ne nous a dit
que chaque femme devait écouter un homme.

Malala YOUSAFZAÏ
Prix Nobel de la paix 2014 à l’âge de dix-sept ans

 

 

Grâce à Dieu, je suis à moitié française. Ma mère ne m’a pas appris que ce que je portais sous mon tee-shirt était l’œuvre du diable.

Angelina JOLIE
Actrice, réalisatrice, productrice,
ambassadrice de bonne volonté
du Haut-Commissariat de l’ONU

 

 

J’ai un véritable don pour mettre mes défauts en valeur,

ça décomplexe les femmes.

Josiane BALASKO
Actrice, réalisatrice, scénariste, romancière, dialoguiste

 

LIVRE I

 

1

Le Touareg allait mourir s’il ne bougeait pas. Transformé en statue de sable sur son dromadaire, il ne parvenait pas à détacher son regard du gigantesque cercle coruscant au cœur de la tempête.

On aurait dit que le Soleil était tombé du ciel !

La nature n’était pour rien dans ce phénomène né au sein d’éléments déchaînés. Il était l’œuvre d’étranges visiteurs. Une armada de conquérants aux uniformes cendrés avait déployé une technologie inconnue pour prendre possession d’un morceau de Sahara et le transformer en barnum hollywoodien.

Le vent brûlant et sec écrêtait les dunes, claquait les murailles flottantes dressées autour d’un puits, modelait un désert mouvant qui menaçait de tout ensevelir. Le shehili, comme on l’appelait ici, criblait le paysage de grains aussi fins que de la poudre de riz jusque dans les Alpes, de l’autre côté de la Méditerranée.

Cela ne dissuadait pas les envahisseurs en gris de s’activer entre les camions blancs. De puissants projecteurs éclairaient le fortin monumental et précaire, forant des tunnels de lumière dans l’air saturé.

Le Touareg plissa les paupières à travers la fine ouverture du chèche qui protégeait son visage. Une colonne motorisée se dirigeait tous phares allumés en pleine journée vers le bivouac démesuré. Il tira le cou du dromadaire vers l’arrière et quitta sa position. En rebroussant chemin, il mesura l’inconscience de ces mystérieux occupants.

Le vent, qui avoisinait les cent kilomètres-heure et embrasait l’atmosphère au-delà de quarante degrés Celsius, était sur le point de les engloutir. Rien ne pouvait justifier de rester plus longtemps ici. Rien, sauf la venue du Messie-le-Menteur, le destructeur annoncé par la société des Touaregs.

2

La colonne de Humvee pénétra dans le fortin de toile à la vitesse d’un javelot. Des soldats refermèrent aussitôt derrière elle les parois amovibles renforcées de barres d’acier croisées. La portière de l’un des trois véhicules tout-terrain s’ouvrit sur un homme aux cheveux blonds méchés, vêtu d’un costume de marque inadéquat et escorté par quatre gardes du corps qui avaient jailli simultanément des autres 4 × 4 militaires. Il porta la main à son front pour ne pas être aveuglé par les projecteurs ni par le sable qui s’infiltrait entre les panneaux. Un individu équipé d’une paire de lunettes de protection et d’un foulard enroulé autour de sa tête vint à sa rencontre.

— Monsieur Kane ? lança-t-il en haussant la voix et en lui tendant la main.

Considérant la question comme superflue, le visiteur garda la sienne en visière et concentra son attention sur une tente gigogne dressée au centre du campement fortifié.

— C’est là que vous l’avez découvert ? hurla-t-il.

Ils pénétrèrent sans tarder sous le petit chapiteau, plus au calme. À l’intérieur, un puits était éclairé par des spots et surmonté d’un trépied métallique doté d’une poulie. Un câble descendait dans le trou jadis creusé par les Touaregs.

— Ici exactement, répondit l’homme aux lunettes de protection.

Il illustra sa réponse d’un doigt pointé vers l’intérieur du puits. Des pierres avaient été retirées pour révéler un renfoncement dans lequel un individu aurait pu tenir recroquevillé.

— Où est notre informateur ? demanda Kane.

L’homme aux lunettes écarta un pan de la tente sous le regard suspicieux de deux gardes du corps et désigna un 4 × 4 garé près d’un groupe électrogène. Un individu dont on ne distinguait que la casquette attendait sa récompense, assis sur la banquette arrière.

— Ne perdons pas de temps, dit Kane en ressortant.

Ils se dirigèrent vers un camion et s’y engouffrèrent en passant par un sas aménagé dans le prolongement de la remorque. Les deux hommes se retrouvèrent au sein d’un laboratoire équipé de scanners, d’appareils biométriques et d’ordinateurs. Quelques ingénieurs étaient assis devant des écrans, mais la plupart étaient penchés au-dessus d’une table. L’objet de toutes les attentions était un volumineux parchemin que l’on avait déballé d’un tissu en lin.

— Je vous présente monsieur Donovan Kane, annonça l’homme en retirant ses lunettes de protection.

Les regards se tournèrent vers le costume noir.

Donovan Kane fendit l’attroupement, enfila une paire de gants en latex qu’il sortit de la poche de son costume et examina le parchemin.

— Nous n’avons relevé aucune empreinte digitale, affirma l’un des scientifiques.

Indifférent à la perplexité des personnes présentes, Kane souleva avec précaution un feuillet, provoquant un craquement ténu. Il lut attentivement l’incipit rédigé en syriaque et parut satisfait.

— Il a l’air authentique.

— C’est là le problème, souligna le spécialiste.

— Comment ça ?

— Une carte mémoire accompagnait la cinquième sourate. Plus précisément le verset 21.

— Montrez-moi ça.

Le scientifique ouvrit le parchemin à l’endroit qu’il venait d’indiquer. Au moyen d’une pince, il saisit délicatement la carte numérique insérée dans la texture de la peau, en marge du verset 21 qu’un linguiste s’empressa de traduire : « Ô mon peuple ! Entrez dans la terre sainte qu’Allah vous a prescrite. Et ne revenez pas sur vos pas car vous retourneriez perdants. »

— Comment expliquez-vous qu’une carte mémoire se trouve à l’intérieur d’un Coran de plus de mille quatre cents ans ? s’étonna Kane.

— Le problème n’est pas là, bafouilla le scientifique.

— Si on occulte le fait qu’à l’époque du prophète Muhammad les cartes SD n’existaient pas, où est le problème ?

— On a lu la carte.

— Et ?

— Elle contient deux vidéos.

— Je vous écoute.

— On ne comprend pas bien. La première vidéo semble dater du temps de Jésus.

— Et la seconde ?

— Elle montre des événements qui ne sont pas encore arrivés.

3

Le convoi de véhicules tapa dans la tempête comme des esquifs sur une mer démontée. L’écume des dunes s’enroulait autour des gros Humvee conduits par des pilotes professionnels. Malgré une visibilité quasiment nulle, leur vitesse était soutenue. Cette témérité leur permit de rejoindre rapidement une piste à Matrouha et de laisser le Grand Erg oriental derrière eux. Ils contournèrent le désert salé du chott El-Jérid sans emprunter la route qui longeait l’Algérie, car les postes-frontières auraient ralenti leur allure.

Ils ne retrouvèrent le bitume qu’aux abords de Nefta.

Un jet les attendait à l’aéroport de Tozeur-Nefta. Les trois 4 × 4 poussiéreux s’immobilisèrent devant le terminal. Entouré de cinq hommes, Donovan Kane se présenta à la douane avec son passeport et une valise diplomatique en Kevlar verrouillée par un code. Deux des gardes du corps embarquaient avec lui.

Les formalités expédiées, ils montèrent dans un fourgon qui traversa le tarmac jusqu’au jet privé. Une hôtesse délicieuse les accueillit en haut de l’échelle. Donovan Kane déposa la valise dans le compartiment à bagages au-dessus de lui et s’installa confortablement. Les deux gardes gagnèrent le fond de l’appareil.

— L’escale a-t-elle été agréable, monsieur Kane ? demanda l’hôtesse en étirant un sourire exclusif.

— Techniquement indispensable.

— Veuillez attacher votre ceinture, monsieur. Nous allons décoller.

4

Le jet se posa en fin d’après-midi à l’aéroport de Poznan, qui portait le nom d’un violoniste polonais. Devant le terminal des arrivées, deux voitures blindées attendaient Donovan Kane et son escorte armée. Le cortège fila sous un ciel anthracite en direction du parc scientifique de la ville. Kane avait annoncé sa venue de Tunisie à Tadewsz Jadczyk, directeur de PRL, laboratoire de datation par radiocarbone.

Trente minutes plus tard, Jadczyk l’accueillit dans le hall de PRL en lui tendant une main qui resta dans le vide avant de se résoudre à indiquer le chemin jusqu’à son bureau. La firme représentée par Donovan Kane finançait de nombreux travaux menés par le laboratoire polonais. Un apport substantiel qui avait permis à PRL de s’installer dans de nouveaux locaux ultramodernes de la mini-Silicon Valley de Poznan. Fort de sa position, Kane n’était dans l’obligation ni de contracter auprès du Polonais des bactéries par contact palmaire, ni de perdre du temps dans des formules de politesse spécieuses.

Il le suivit le long des cloisons de verre, à travers lesquelles on distinguait des tables de manipulation et des spectromètres flambant neufs. Les deux gardes du corps leur emboîtèrent le pas.

— Qui sont les messieurs qui vous accompagnent ? demanda Tadewsz Jadczyk, soupçonneux.

— Service de sécurité, répondit Kane.

— Vous êtes bien protégé.

— Ils ne sont pas là pour moi.

— Pour qui, alors ?

Kane désigna la valise qu’il portait.

Ils laissèrent les deux gorilles sur le seuil du bureau. Kane plaça la valise sur une table encombrée. Il la déverrouilla et l’ouvrit sous le regard intrigué du directeur. Sans perdre une seconde, il ôta le tissu de lin et révéla le parchemin.

— C’est... ? s’étrangla le Polonais.

— On le saura après la datation, le coupa Kane. Combien de temps vous faut-il ?

— Deux heures environ.

— Une heure.

— Il faut alors commencer tout de suite.

— Je ne concevais pas cela autrement.

Le directeur fit venir un spécialiste. L’employé, hâve et chauve, semblait sortir d’une chimiothérapie. Il déballa des outils stérilisés comme pour une opération.

— Datation par radiométrie ou par AMS, monsieur Jadczyk ? demanda-t-il.

— Par AMS, répondit son patron. On a besoin du résultat de l’analyse avant une heure.

Jadczyk se tourna vers son client et lui expliqua la procédure :

— Nous allons mesurer directement les atomes de radiocarbone en utilisant leur masse atomique grâce à un accélérateur de particules. Cela ira plus vite.

— Cela permet surtout de prélever un échantillon de petite taille, ajouta le spécialiste cacochyme. En revanche, celui-ci doit être d’une parfaite homogénéité et exempt de pollution.

— Je ne vous demande pas un cours sur la datation au carbone 14, mais d’être le plus précis possible.

Le scientifique plaça son prélèvement dans un sachet et l’emporta pour l’analyser.

— Il y a 95 % de chances que l’âge réel du matériel analysé se trouve dans la fourchette chronologique déterminée, expliqua Tadewsz Jadczyk à son visiteur.

Donovan Kane referma sa valise et ouvrit un porte-cigarettes.

— Il est interdit de fumer dans l’établissement, signala le Polonais.

— Les résultats de cette datation devront rester confidentiels, avertit l’Américain sans prêter attention à la consigne qui venait de lui être formulée.

5

Donovan Kane avait choisi de s’installer dans le bureau de Tadewsz Jadczyk, parti superviser la procédure d’analyse en cours. Il téléphonait, nimbé d’un nuage de fumée, lorsqu’il entendit des éclats de voix devant la porte. Il mit un terme à sa communication et alla s’informer des causes de cet esclandre sans lâcher sa valise. Une employée en blouse blanche et aux cheveux blonds tirés en arrière s’en prenait aux gardes du corps.

— Elle veut absolument entrer, rapporta l’un d’eux.

— Qui êtes-vous ? s’étonna-t-elle devant Kane, qui la dépassait d’une trentaine de centimètres.

— Que voulez-vous ?

— Je veux voir Tadewsz. C’est urgent.

— Il travaille pour moi en ce moment. Et c’est sûrement plus urgent.

La jeune femme le dévisagea :

— Il est interdit de fumer dans cet établissement.

— Vous allez appeler la police ?

— Non.

Elle lui arracha la cigarette et l’écrasa sur sa valise en Kevlar. L’un des gardes la repoussa sans ménagement. Peu habitué à ce qu’on lui résiste, Kane inclina la tête et fixa l’employée comme pour la jauger.

— Que se passe-t-il, Agnieszka ? lança Tadewsz Jadczyk, de retour.

— Il y a un problème sur un comptage. Et cet homme fume dans nos locaux.

— Nous verrons cela plus tard, s’il vous plaît.

La jeune femme se retira en lançant à Kane un regard meurtrier que les deux gardes du corps aguerris ne surent parer.

Kane et Jadczyk s’isolèrent dans le bureau.

— Voici les résultats, dit le directeur en posant une feuille sur la table. Nous avons daté le matériel avec précision.

Kane prit connaissance du rapport :

 

Numéro de laboratoire PRL : 82789090

Type d’analyse : AMS

Âge radiocarbone conventionnel : 1380 ± 40 B.P.

Résultat calibré 2 sigmas (95 % de probabilité)

Cal 530 à 610 apr. J.-C.

 

— En clair ? demanda Kane.

Le directeur s’expliqua. Il fallait reporter l’âge radiocarbone de l’échantillon sur la courbe de calibration pour rectifier le résultat exprimé en B.P., c’est-à-dire Before Present. Le « présent » ayant été établi à l’année 1950. Pour les cinq derniers millénaires, la précision d’analyse était de plus ou moins quarante ans. La date d’apparition réelle de l’échantillon prélevé sur le parchemin était comprise entre 1420 et 1340 B.P.

Soit entre 530 et 610 après J.-C.

— Vous êtes sûr de votre résultat ?

— À 95 %.

Pour la première fois depuis trois mois, Donovan Kane esquissa un sourire.

6

La berline blindée filait vers l’aéroport de Poznan. La mission de Donovan Kane avait pris fin. Mais pas comme il s’y était attendu.

Il appela le Contrôleur sur un téléphone crypté.

— On a analysé le manuscrit, annonça Donovan Kane.

— Vous l’avez authentifié ?

— Oui, fin du VIe siècle. Nous détenons un Coran écrit avant qu’il n’ait commencé à être révélé à Mahomet !

Long silence à l’autre bout de la ligne.

— C’est tout ? demanda enfin le Contrôleur.

— Le parchemin contenait aussi une carte mémoire numérique.

Nouveau silence de l’interlocuteur.

— Monsieur, vous m’entendez ? s’inquiéta Kane.

— Je vous entends, mais vous ne dites rien.

— La carte SD contient une vidéo... Enfin, deux... On y voit le Messie prêcher en araméen.

— Il y a le film de sa crucifixion, aussi ? ironisa le Contrôleur.

— Non, mais il y a celui de la destruction de l’esplanade des Mosquées, à Jérusalem. Par un missile.

 

LIVRE II

 

7

Maxime Gauthier cherchait deux femmes depuis cent dix-huit jours. Il remontait peu à peu leur piste, mais elles avaient encore un mois d’avance sur lui. Les rapports qu’il consignait sur son ordinateur portable avant de les envoyer via Internet en France ressemblaient plus à un guide de voyage sur les îles méditerranéennes qu’à des comptes rendus sur la traque de deux fugitives. Il avait relevé leur passage en Corse, en Sardaigne, en Sicile, aux Baléares, dans les Cyclades et à Malte. Mais étaient-ce vraiment des cailloux blancs qu’il avait ramassés, ou des leurres ?

Car les deux femmes qu’il pourchassait étaient retorses. Toujours voilées, impossibles à identifier, elles l’avaient habilement détourné vers la Crête sur les pas de deux touristes françaises.

Accoudé au bastingage, Maxime fixait à travers ses lunettes noires le lagon bleu de la petite île de Comino, située entre Malte et Gozo. Il avait réintégré le sillage des deux fuyardes grâce à l’employé d’un ferry assurant la liaison entre Catane et Malte. Le matelot, responsable du placement des véhicules embarqués et de la sécurité des passagers, se souvenait d’avoir aperçu deux femmes vêtues de niqabs et d’abayas, à l’écart des autres, enveloppées dans leurs tissus noirs sous une chaleur torride. « On aurait dit des pestiférées », avait souligné le témoin.

Maxime détacha son attention de Comino et fixa Gozo, la troisième île de Malte, vers laquelle il voguait. Il plissa les paupières malgré ses verres fumés. La luminosité transformait la mer en un miroir qui l’aveuglait, signe supplémentaire de la cécité dont il était frappé depuis le début de cette mission.

Il retira ses lunettes, se frotta les yeux et se massa l’arête du nez. Maxime Gauthier avait les traits fins. Un physique à l’image de son caractère : raffiné, lissé, épuré. Cheveux ras, glabre, dénué de tout signe ostentatoire capillaire, cutané, ornemental ou vestimentaire. D’une taille inférieure à la moyenne, il portait un costume noir comme une ombre. De loin, il reflétait l’humilité, l’ascétisme, la discrétion. De près, il impressionnait par sa distinction, son regard sombre et sa voix grave.

Il regagna la cale où étaient garés les véhicules et s’installa dans sa voiture de location, une vieille Datsun sur le point de rendre l’âme. Assis à droite derrière le volant, il se demanda ce qu’il allait trouver sur Gozo. Au terme d’une enquête infructueuse auprès des hôteliers et des commerçants de La Valette, sa raison avait cédé la place à l’intuition. L’île de Gozo, isolée et calme, imprégnée de mythologie et de mysticisme, collait plus à la personnalité des deux fugitives. Du moins à l’une d’elles.

Maxime ouvrit pour la millième fois le dossier jeté sur le siège passager. Il en sortit une photo numérisée qu’il posa sur le volant.

Sabbah Shahi.

Âgée de trente ans.

Née à Damas.

Père syrien ingénieur, mère biologiste d’origine française.

Sabbah suit l’exemple parental en effectuant ses études en France. Diplômée en langues et en sciences politiques, elle intègre l’Unesco à Paris. Elle est très vite envoyée en mission pour l’étude du classement des sites au Patrimoine mondial.

Au cours d’un déplacement en Syrie, elle se rapproche des nazôréens, secte millénaire judéo-chrétienne qui prétend être à l’origine du Coran. Grâce à son travail au sein de l’Unesco, Sabbah Shahi étend leur influence à travers le monde, jusqu’au jour où elle décide de les trahir.

Sabbah Shahi était recherchée aujourd’hui par les nazôréens pour leur avoir dérobé les trois preuves sacrées de leur implication dans la création du Coran : le Codex Coranicum, la carte antique de Syrie, les lettres diplomatiques.

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