Afrique aux épines
277 pages
Français

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Afrique aux épines , livre ebook

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Description

Ici s'entretient, sous silence, une espèce de microclimat irrespirable ailleurs. De tout jeunes instituteurs risquent leur vie à rouvrir des écoles de brousse à jamais fermées, pour des raisons locales inavouables.
Des agents de l'Etat posent quotidiennement des actes liberticides, dont des barrages routiers sans nombre. Les candidats au baccalauréat sont confrontés à des formes variées de corruption dont le droit de cuissage.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2010
Nombre de lectures 141
EAN13 9782296699274
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1150€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Dessin de couverture : Sa’ah François Guimatsia
Afrique aux épines
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-11902-4
EAN : 9782296119024

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Hilaire Sikounmo


Afrique aux épines

Nouvelles


L’Harmattan
Du même auteur


D ÉBRIS DE RÊVES, pensées à la carte, essai.
Editions L’Harmattan, 2010


A U POTEAU, roman.
Editions L’Harmattan, 2010


J EUNESSE ET ÉDUCATION EN A FRIQUE NOIRE, essai.
Editions L’Harmattan, 1995.


L’E COLE DU SOUS-DÉVELOPPEMENT, Gros plan sur l’enseignement secondaire en Afrique, essai.
Editions L’Harmattan, 1992.
PIONNIERS SANS GLOIRE
Avec près d’un quart de siècle de loyaux services sur le dos, l’instituteur Bogne attend l’échéance de la retraite sans se faire trop de soucis. Même si l’aggravation de la Crise doit la précipiter comme le laisse entrevoir le dernier train de mesures anti-crise. Ayant vécu sans excès notoires, l’homme a conservé bonne sa santé et appréciable sa force de travail. Il est surtout resté jeune par son esprit. Jusqu’ici, l’éducation de ses sept enfants n’a pas posé de problèmes particuliers. Il possède deux maisons de standing moyen dont une en location, un riche verger de trois ha ainsi qu’une surface semblable de jardin potager. Tout cela, ajouté aux revenus de sa femme, couturière de renom, lui permet d’envisager l’avenir avec optimisme.
Mais il aurait voulu continuer à enseigner, cinq ou six ans encore ; surtout pour son plaisir. Il est à l’aise en classe, à la façon d’un poisson dans l’eau. Plusieurs fois, il a été nommé Directeur d’école, sans que cela découle d’une démarche de sa part. Et c’est dans la dignité, sans déchirement malsain, qu’il a chaque fois perdu son poste. En général, cela se conquiert par l’argent, le sexe, l’habitude de l’obséquiosité. Mais lui n’en attendait pas les mêmes avantages sous-entendus que nombre de ses pairs. Il s’est longtemps signalé par son peu d’empressement à passer administrateur scolaire et, le cas échéant, par son indifférence devant le risque de « dégringolade » dû au manque de « réalisme » dans ses relations avec ses Patrons. Certains prétendent qu’il serait l’un des rares maîtres de sa génération et de sa compétence à tenir encore la craie, avec application et enthousiasme, à la grande satisfaction des amateurs, de moins en moins nombreux, du travail bien fait, accompli au confluent du talent, du jeu et d’une noble vision du métier.
Bogne est passé par les principaux paliers de sa profession. Instituteur adjoint auxiliaire à ses débuts, il est devenu instituteur plein dans la première décennie de sa carrière. Il a présenté à deux reprises le concours d’entrée à l’E.N.S. Chaque fois, il est parvenu à l’oral, mais le tribalisme et la gêne qu’il éprouve à verser dans la corruption ont conjugué leurs effets pour le faire échouer. Par la suite, il n’en a plus eu l’âge. C’est un indice révélateur de son caractère qu’il ait été plus tenté par le professorat du secondaire que par la possibilité de devenir Inspecteur de l’enseignement primaire. Il avait choisi d’instinct et se montre, même aujourd’hui, peu bavard quant à la justification de son option. Il est possible que ses origines paysannes lui fassent nourrir une peur superstitieuse du commandement, à moins que son amour de la droiture ne l’amène à regarder d’en haut le monde des Inspecteurs « primaires », ces Sous-Préfets de l’éducation trop enclins à multiplier les sordides à-côtés de leur situation, à saisir des deux mains toute occasion d’abuser de leur pouvoir de décision, tant qu’ils peuvent en espérer quelque profit personnel.
A l’approche de la fin d’un parcours quelque peu singulier, il est tentant de souvent scruter le point de départ afin de pouvoir apprécier dans quelle mesure il a influencé les contours les plus marquants du trajet. Bogne évoque toujours avec émotion les souvenirs de son tout premier poste vers la fin de la première décennie de l’Indépendance. Il venait de sortir sans diplôme professionnel de l’ENIA de Samba. Tous les membres d’un chaleureux groupe d’études dont il était l’un des pivots avaient réussi, sauf lui. Ce qui avait surpris presque tout le monde. On raconta par la suite que c’était une camarade de l’équipe qui avait été la cause involontaire de son échec.
Toujours selon les mêmes rumeurs, à force de parler, parfois sans façons, des qualités du jeune homme, même en présence de son mari, la belle dame avait fini par pousser son homme dans des accès chroniques de jalousie, crise contenue mais suffisamment lancinante pour amener un jour sa victime à corrompre certains professeurs qu’il chargea de saboter l’élève « criminel. » Son affectation dans la lointaine et inhospitalière Province du Moyen-Nord résultait du même processus de vengeance. Il fallait réduire au strict minimum inévitable tout risque de rencontre entre lui et sa sympathique collègue. Et tant mieux si les périlleuses difficultés escomptées de la mystérieuse région pouvaient rapidement avoir raison de sa constance. Curieusement, lui-même est resté peu loquace sur cette tranche de sa vie et accueille d’un haussement d’épaules pareille interprétation de l’incident.
A son arrivée à la mi-septembre, il fut mis à la disposition du Sous-Inspecteur Bikoula basé à Deguir. On lui offrit de choisir entre trois postes : la direction de l’école de Guilfi en remplacement d’un instituteur adjoint auxiliaire natif de la région, dont l’absentéisme et le laisser-aller frisaient la délinquance ; seconder le Directeur de l’E.P. de Gobo ou aller créer de toutes pièces une école à Djidaba.
Un lundi matin, Monsieur Bikoula signa les notes de service correspondant aux postes à pourvoir, les emporta dans son gros cartable impressionnant de vétusté et entreprit - en compagnie du jeune maître - de faire le tour des localités concernées pour voir où les difficultés seraient moins ardues, plus compatibles avec son manque quasi total d’expérience. Tout au long du voyage, et malgré l’inconfort d’une Land Rover essoufflée, l’état cahoteux des routes, le nouveau venu se montra on ne peut plus sensible à l’envoûtante beauté du paysage. Il ne pouvait alors soupçonner que dans quelques mois toute cette délicate et immense verdure à perte de vue, à laquelle réagissaient voluptueusement tous ses sens, allait disparaître sous les rayons d’un soleil de plomb, porteur de mort, pour laisser place à la désolation d’un sol dénudé, fréquemment balayé par de dévastateurs vents de sable.
Le lamido {1} de Guilfi refusa de laisser partir le Directeur de son école qui était en même temps son interprète auprès des autorités administratives ; surtout qu’on allait le remplacer par un Binam {2} incapable de dire bonjour en foulfoulde.
Celui-ci trouva bizarre l’accueil qui leur fut réservé au village de Djidaba. Le chef Bouba devint subitement triste lorsqu’il apprit qu’il était question d’ouvrir une école dans son fief. Il dit sèchement aux arrivants : « Si vous pouvez créer une école, voilà un abri. » Dans l’immédiat, il n’y eut en réponse à ce curieux défi qu’un long et embarrassant silence du Sous-Inspecteur. Bogne n’y comprenait rien du tout. En fait de salle de classe, il s’agissait d’un petit hangar circulaire au toit très bas sous lequel deux bœufs et un âne passaient leurs nuits à l’étroit.
A quelque trente pas de la « salle de classe », le chef et ses notables désignèrent une case qu’ils affectèrent au logement du maître, une hutte que l’on dit habitée par une fille déjà majeure du propriétaire ; elle était sortie de grand matin, en fermant sa porte à clé. On décida de forcer le cadenas afin d’installer les affaires du moniteur, après avoir évacué celles de la demoiselle. Le jeune homme s’y opposa le plus courtoisement qu’il put et exprima son dé

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