Alambic des mots
158 pages
Français

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Alambic des mots , livre ebook

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Description

Albert mène une existence ordinaire. Yova conduit une opération commando pour protéger une ville. Alice de Yayaimé part dans le désert sur les traces du Petit Prince. Dans le 93, Antale, Marie-Catherine, Makana et Madame Honoré forment une communauté d'entraide. Tous les personnages de ce spicilège distillent, tel un alambic, une part de nous-mêmes avec notre questionnement incessant sur la finalité,la fragilité et la vacuité de la vie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2011
Nombre de lectures 24
EAN13 9782296469020
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Alambic des mots

Nouvelles
Sylvain Josserand


Alambic des mots

Nouvelles
Du même auteur

Aux éditions L’Harmattan :
- Sur les Traces du Passé, des Cévennes au Mexique
- Vassilia et le Lechlii
- Haïku de cœur
- La DRH et autres nouvelles au sein du monde du travail

Aux éditions Publibook :
- Contes et nouvelles du temps présent
- La vie en plein mouvement

En autoédition :
- Un Bon-Abri (vie d’un Home d’enfants au Chambon-sur-Lignon 1953-1986)

Participations aux anthologies :
- Le chant des villes (Dianoïa)
- Attention travail (L’Harmattan)
- Les Fontaines de Paris (chapitre XII Bruxelles Paris)
- Le passage des choses (Aleph-écriture)
- Voyages en lignes (Aleph-écriture)
- Couleur Femme (Les Poètes Français)
- Florilège de la Saint Valentin (Éditions Thierry Sajat)

Écriture de nouvelles pour la revue Rue Saint Ambroise.


© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-55516-7
EAN : 9782296555167

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Un hôtel à Cardiff
La ville étouffe dans sa geôle les âmes rebelles. Tu reposes le livre d’üzevir Lokman Cayci, poète turc ayant apporté sa contribution à l’anthologie du Manoir des Poètes, Le chant des villes. Tu es seul, Albert, dans ta chambre d’hôtel. Les longs rideaux à rayures rouges, roses et violettes, le bureau orange sans âme, le miroir noir avec son œil bleu ciel inquisiteur, la gravure murale figurant une sanguine, le grand lit recouvert d’un drapé à fleurs écarlates, la moquette rouge sang, la porte couleur rouille te font monter la colère aux joues. Tu voudrais méditer mais tu n’y arrives pas. Tu aimerais te détendre, profiter entièrement de ce moment de repos bien mérité, après toutes ces années d’errance, mais tu n’y parviens pas. Ne dit-on pas que la couleur régule les humeurs ! Tu aurais besoin de bleu. Te perdre dans l’immense perspective d’un océan, d’une mer ou d’un lac. Tu songes au lac du Bourget évoqué par Lamartine. Entendre le murmure d’une rivière ou le flux et le reflux des vagues sur la grève. Quitter cette chambre sordide. Voyager par la pensée dans ces lieux bénis où coule en cascades, en torrents ou en ruisselets l’eau des montagnes, à la sortie des glaciers à la fonte des neiges. Ton imaginaire gazouille avec les pinsons dans les buissons, chante avec le merle dans les vorgines et discute avec la pie perchée au faîte d’un mélèze ?

Tu aspires à la paix après toutes ces années de guerre. Tu faisais partie du bataillon en faction aux portes de Briançon pour protéger la ville contre les Italiens – ladite ville ayant été, d’après les historiens, édifiée par Vauban –, bataillon ayant fait preuve d’une telle bravoure que ses exploits, connus jusque dans le Piémont, contraignirent les alpini à renoncer à leur projet d’envahir la France, on ne peut que s’en réjouir, par le col du Montgenèvre, situé comme chacun le sait à 1 200 mètres d’altitude. Aidés d’anciens officiers du génie autrichiens, lesquels avaient déserté après la bataille de Rivoli, les fantassins de montagne italiens installèrent sur les pentes escarpées du col de l’Échelle – au pied duquel coule la Clarée, affluent de la Durance –, des via ferrata, ensemble de câbles, de marches métalliques et de tyroliennes dont se servirent les mercenaires pour déjouer les passages protégés par des batteries d’artillerie françaises.

Tu te souviens que tu avais dû quitter Cardiff où tu vivais avec Angéla, une danseuse de French cancan. Tu étais alors docker. Angéla avait la jambe fine, souple mais légère. Elle se produisait tous les soirs dans un cabaret de la ville industrielle et côtière. Des messieurs en jacket, en chapeau haut-de-forme et gibus, le ventre dégoulinant de leur gilet boutonné trop serré, la moustache coquine, l’œil mi-clos mais malin, reluquaient les dessous d’Angéla. Elle portait des bas aussi rouges que les rideaux de ta chambre d’hôtel, des bottines noires qui lui fuselaient la cheville, une robe à froufrous et un appareillage compliqué de jupons à dentelle qu’elle agitait devant elle, au rythme endiablé de la Gaîté parisienne d’Offenbach.

Tu restais là des heures, seul dans un coin du dancing, devant ta bouteille d’absinthe, impuissant que tu étais à surveiller les galipettes audacieuses d’Angéla et/ou à censurer les regards obscènes posés sur elle lorsqu’elle effectuait sur un pied une pirouette – l’autre pied étant maintenu par son bras à l’épaule –, pas de danse qui offrait à tout le monde la vue de son caleçon transparent et provoquait chez ces dames de petits toussotements ou chez ces messieurs des rires gras et des mines égrillardes. Tu attendais avec impatience le final du morceau de musique qu’elle honorait alors d’un majestueux grand écart sur le sol. Tu te couchais vers deux heures du matin pour embaucher vers cinq heures aux docks de Cardiff. Dans la brume opaque, dans les vapeurs d’usines et des locomotives, supportant le vacarme des convois de marchandises, le crissement des wagons sur les voies humides, le bruit lancinant des grues roulant sur des rails de chemin de fer, le cliquetis des chaînes, le cri des contremaîtres, tu portais sur ton dos des charges d’au moins cinquante kilos. Tu te nourrissais de peu mais tu buvais beaucoup. En poussant de lourds chariots, avec tes compagnons d’infortune, tu pensais à Angéla. Tu songeais que l’un de ces bourgeois prospères, actionnaire le plus souvent des docks et des usines de la cité, croisé au dancing, irait probablement la rejoindre, pendant la journée, dans votre masure des rives de la Taf. Comment donc expliquer toutes ces toilettes soignées, ce parfum à la fragrance musquée, ce maquillage de qualité et tous ces accessoires luxueux indispensables à l’exercice de son métier de danseuse.

Un soir, au dancing, dans les brumes alcoolisées de l’absinthe, où tu exerçais une fois encore, en amant fidèle d’Angéla, ta surveillance assidue, tu croisas le regard d’une femme élégante, gantée de noir, portant un chapeau à plumes jaunes en panache, une robe élégante rose, serrée au buste et à demi-cerceau à la taille, un col de fourrure et des bottines de daim. Elle te fit signe de l’index droit de la rejoindre à sa table, où trônait une bouteille de champagne La veuve Clicquot à moitié entamée et deux coupes de cristal de Bohème. Tu ne compris pas tout de suite cette invitation insolite adressée à toi, le cheminot habillé d’un froc et d’une veste de miséreux, arborant une casquette vissée sur la tête avec la visière tournée sur le côté droit. Elle insista. Tu te levas. Tu la rejoignis non sans difficulté tant tes jambes étaient cotonneuses, tes yeux brouillés et ta tête vide.

Je vous observe depuis plusieurs soirs. Vous êtes très différent des hommes qui fréquentent ce cabaret
Ah bon ?
Vous avez l’air solide.
Je viens tous les soirs pour protéger mon amie.
Angéla. Oui, je sais…
Comment le savez-vous ?
On vous connaît…
Qui ça, on ?
Vous n’avez rien de bon à attendre de cette Angéla !
Je ne vous permets pas !
Nous avons mieux à vous proposer.
Qui ça nous ?
Nous savons que vous ne rechignez pas à la tâche, que vous êtes robuste et que vous pouvez porter des charges lourdes.
Et alors ?
On vous demande simplement de signer au bas de ce papier.
Je ne comprends pas !
Voulez-vous gagner mille livres par semaine ?
Mille livres par semaine !
Alors, signez !
Tu es seul dans ta chambre d’hôtel. Tu n’as plus de travail. Tu fumes toute la journée, couché sur ton lit en soufflant en volutes la fumée au plafond. Tu bois plus de bière brune que tu ne manges. De cette fichue guerre, tu es revenu mutilé et meurtri. Tu te souviens que tu faisais partie d’un corps d’élite. On t’a envoyé sur tous les terrains d’opération. Tu voudrais méditer, mais tu n’y arrives pas. Le rouge te monte aux joues, aux tempes et aux yeux. Le rouge sang du décor de ta chambre. Le rouge du sang qui maculait les murs de la cité Vauban à Briançon quand ton bras a été arraché par un boulet de canon.
Le fé

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