Alice au-delà du réel
163 pages
Français

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Alice au-delà du réel , livre ebook

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163 pages
Français

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Description

A son grand désarroi, et celui de sa famille, Alice, 27 ans, passionnée par les mots, anime des ateliers de recherche d'emploi à l'ANPE. Tandis qu'elle s'apprête à partir en vacances, identiques d'une année sur l'autre, un fâcheux incident vient perturber ses plans, semblant briser les rêves qu'elle nourrit depuis l'enfance. Un premier roman émouvant et "ébouriffant".

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2010
Nombre de lectures 348
EAN13 9782296691513
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Alice au-delà du réel
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-10916-2
EAN : 9782296109162

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Elodie Aeck


Alice au-delà du réel


roman



L’Harmattan
D is Tonton, comment t’aurais réagi, toi, à ma place ? Tonton, il ne dit rien, il ne peut plus répondre ; il aurait bien du mal à réagir, il est mort. En face de moi, je contemple mon reflet dans la glace ; le chignon hirsute, les yeux rouges d’avoir trop pleuré et de continuer à hoqueter ; encore un de mes caprices de gamine.
Ma fille, grandis, m’aurait-il sûrement dit.
Je roule un joint, je le fume jusqu’à me prendre son cul dans la tronche, je me sens mieux, je me sens bête, les imbéciles heureux sont donc tout puissants sur terre.
Tonton, ça fait un bail qu’on ne se voit plus. Depuis 2002. Son cancer fut foudroyant, il me manque, mais après tout, c’est comme ça. C’est la vie. On vit, on meurt aussi, surtout, c’est la fatalité, l’explication est tellement évidente qu’elle en devient stupide.
Parfois, j’aimerais disparaître, juste pour ne plus y penser à cette putain de mort. Je prends la mouche, je m’énerve, et voilà que j’ai pété ma glace d’un grand coup de pied ; elle est tombée ; une heure du mat, les voisins vont encore gueuler.
C’est idiot. Dans une semaine je suis en vacances, j’ai pris mes billets de train, puis ma grand-mère m’a appelée. Je n’ai pas décroché, j’étais encore bourrée. Un samedi soir entre collègues, comme si on ne se voyait pas assez la semaine, sauf que là ce n’était pas pareil, il y avait l’alcool et ses illusions éphémères, un instant j’ai vraiment cru qu’on était pareil.
Et toi Alice, tu pars où cet été ?
Une semaine à la montagne, une semaine à la mer !
Pour déconnecter ; une semaine chez les parents, une semaine chez les grands-parents, deux semaines pour déculpabiliser quand on ne voit pas sa famille de l’année ; surtout, deux semaines tous frais payés.
J’ai pris mes billets, les moins chers, une affaire, non remboursables, non échangeables ; pour ainsi dire, je pars ce jour-là, ou bien je ne pars pas du tout.
Donc le téléphone a sonné, et je n’ai pas répondu ; heureusement, car j’aurais pu dire des choses que par la suite j’aurais regrettées. Ma grand-mère m’a laissé un message ; je viens de l’écouter.
Alice, j’ai bien reçu ta lettre nous indiquant que tu arrivais le vingt et un ; sauf que ça n’est pas possible pour nous de te recevoir. Je te l’avais pourtant dit, tes cousines seront encore là.
Elle me déçoit ; les gens finissent toujours par me décevoir. Mais je devrais être contente déjà qu’elle m’avertisse, même la veille du départ. Je n’ai pas le monopole de ses préférences, et encore une fois, mes cousines me font le pied de nez.
Chloé et Pauline, ce sont les filles du frère de mon père, de mon autre oncle, celui qui est encore vivant, même si ce n’est pas forcément dans cet ordre que j’aurais voulu que ça se passe, même si ça non plus ne se dit pas. Xavier, directeur commercial d’une grosse boîte informatique, est le frère de Philippe, mon père, ex-directeur commercial, au chômage maintenant depuis trois ans, cinquante ans passés, peu de chance pour lui de retrouver un poste à la hauteur de ses aspirations. Xavier, c’est le petit dernier, le cadet que la mère prend dans ses bras quand elle veut câliner. C’est celui à qui elle tartine le pain, à deux heures du matin quand il rentre de soirée, jusqu’à ses trente ans, jusqu’à ce qu’il rencontre une fille qui prendra le relais. Xavier s’est marié tard, il a eu raison, la différence d’âge qu’il entretient avec sa femme est d’autant plus élevée. Elle est jeune, elle aime encore baiser. C’est un cliché ; une secrétaire, son ex-secrétaire précisément, lasse de se limer les ongles au boulot plutôt que de fréquenter les instituts huppés. Maintenant, elle s’y rend au moins deux fois par semaine. Pour sûr, elle est un peu vénale, mais je pense qu’elle l’aime, son Xavier. Et lui également semble amoureux. Aussi, elle est blonde, blonde décolorée, tandis que leurs deux filles rayonnent d’un blond naturel ; deux petites pestes de treize ans, des jumelles. Elles sont belles, déjà plus grandes que moi, élancées, et elles doivent faire du 85C. Je suis jalouse, même si on ne se voit pas tant que ça. Dire que Xavier c’est mon parrain. J’aurais pu devenir sa fille si mes parents étaient décédés. Lui n’y a sûrement jamais songé, à ça, à tout ce qu’implique le baptême d’un enfant ; la foi religieuse, ce n’est pas son credo ; son truc à lui, c’est lui, tout simplement. Ce type a toujours été obsédé par son image ; et quand il vivait encore seul chez papa maman, il n’avait de yeux que pour ses Porsche, qu’il collectionnait au garage ; il avait de quoi lustrer le chrome de ses bolides puisqu’il ne payait toujours pas de loyer. D’ailleurs, un loyer, il n’en a jamais payé. Il a tout de suite acheté, une grande villa à Saint-Germain-en-Laye. Peut-être aurais-je pu y grandir avec lui, mais voilà, mes parents ne sont pas morts, et maintenant, ça ne servirait plus à rien de les pousser dans les escaliers. C’est trop tard ; trop tard pour changer de vie ; j’ai vingt-sept ans, suis éligible au RMI depuis un an déjà. Puis c’est à vingt-sept ans qu’on devient un mythe ou non ; vingt-sept ans, c’est l’âge auquel Kurt Kobain, Jim Morrison, James Dean, ou encore Jeff Buckley, ont été inhumés. Ça me fait flipper ; il ne me reste guère plus le temps pour rien.
M oi, je voulais faire philo ; philo puis prof de philo ; dans un lycée de banlieue où ça craint, parce que c’est là que se cachent les vrais philosophes. C’est quoi un vrai philosophe ? Ben je n’en sais trop rien, mais je suis sûre que ces mômes, ils m’en auraient appris. C’est qu’il faut drôlement philosopher pour pouvoir habiter leurs tours en asphalte, qui creusent des sous-terrains dans le ciel.
Philo… ! Et pourquoi pas socio pendant que t’y es ! Laisse la fac à ceux qui n’ont pas le niveau de faire autre chose ! A moins que tu veuilles toi aussi finir ta vie à l’ANPE ?
Pressentait-il ce qui lui pendait au nez ? Mon père s’est opposé à mon inscription à l’université, ce qui ne m’empêche pas d’être à l’ANPE aujourd’hui, ou plutôt devrais-je dire Pôle Emploi ; de l’autre côté du guichet, en tant que prestataire de services, un électron plus ou moins libre, prisonnier malgré tout du système. Je suis animatrice d’atelier, la formatrice qui apprend aux chômeurs à rédiger leur CV ; et leur lettre de motivation ; moi qui suis tellement motivée.
Mon père, à l’époque, je le traitais de vieux con.
Fais chier ! je lui balançais, hystérique.
Il n’y avait pas un repas qui ne se finît pas ainsi. Il se levait d’un bond. Sa chaise tombait à la renverse, et il choppait la première assiette devant lui, soucoupe volante qui s’envolait aussitôt s’écraser contre la porte, ou plutôt ce qu’il en restait depuis. Et moi, je n’attendais pas mon reste ; la bouche encore pleine, je courais me réfugier dans ma chambre, derrière mon lit. Evidemment, depuis le temps qu’on se prenait la tête, et avec le bruit des portes qui claquent, il n’avait aucun mal à me retrouver. Il entrait dans ma chambre comme une furie, traversait d’un pas le tapis, et se penchant à peine au-dessus de ma couette, m’attrapait par la peau du dos, me hissant jusqu’à la hauteur de ses épaules, d’où il m’assénait ensuite un soufflet particulièrement violent, à cause de son alliance qui durcissait encore ses coups. Nez éclaté, lèvres en sang, ça le faisait quand même un peu culpabiliser, alors après sa sieste et son café, il venait bafouiller quelques excuses, se tenant devant moi droit et fier, la tête haute qu’il ne baissait jamais, de peur de croiser mon regard, et de ne plus jamais pouvoir la relever.
Tu sais, si je t’engueule, c’est pour ton bien. Le chômage, ce n’est pas terrible, crois-moi.
Je le

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