Allegro Neutrino ou l attrape-temps
266 pages
Français

Allegro Neutrino ou l'attrape-temps , livre ebook

-

266 pages
Français

Description

C'est l'histoire d'un enfant qui découvre la vie. Autour de lui, il y a la famille et puis il y a les neutrinos, ces mystérieuses particules qui sont immortelles et qui le relient au monde magique de l'invisible. S'agit-il d'un rêve ou d'une réalité ? L'auteur, universitaire, responsable de plusieurs expériences en physique des neutrinos, signe ici son deuxième roman et nous propose de nous interroger sur notre mystérieux périple d'homme vers un but incompréhensible au milieu d'un univers infini.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2013
Nombre de lectures 20
EAN13 9782296513662
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1150€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

François Vannucci
Allegro Neutrino ou L’attrapetemps Roman
collection Deux Infinis science et littérature
Allegro Neutrino ou L’attrape-temps
Deux Infinis : Science et Littérature Collection dirigée par Gérard BonneaudConstruction rigoureuse pour l’une, libre élaboration pour l’autre, science et littérature se conjuguent dans une collection où des thèmes scientifiques toujours renouvelés fondent un espace littéraire à la recherche de l’émergence de nouveaux infinis de l’imaginaire. DéjàparusWilliam ROSTENE,L’héritage de Paul. Paul Bert, l’homme des possibles (Roman), 2012. Maeva SANDEAU,Au pays des chercheurs.La vie entre post doc, précarité et jeux de pouvoir,2012.
François VA1NUCCI Allegro Neutrino ou L’attrape-temps
Du même auteur Les neutrinos vont-ils au paradis ?Bulles de sciences, Ed. Coll. EDPSciences, 2002 Combien de particules dans un petit pois ? Coll. Petite pomme du savoir, Ed. Le Pommier, 2003
Le miroir aux neutrinos, Ed. Odile Jacob, 2003 L’homme est-il au centre de l’univers ? Coll. Petite pomme du savoir, Ed. Le Pommier, 2004 Qu’est-ce que la relativité ?Coll. Petite pomme du savoir, Ed. Le Pommier, 2005
Marcel Proust à la recherche des sciences, Coll. Transdisciplinarité, Ed. Le Rocher, 2005
Atlas, le nouveau défi des particules élémentaires, Coll. L’esprit des sciences, Ed. Ellipses, 2007 L’astronomie de l’extrême univers, Ed. Odile Jacob, 2007 Le vrai roman des particules élémentaires, Ed. Dunod/La Recherche, 2010 La vitesse de la lumière et les neutrinos, Ed. Ellipses, 2012 © L'HARMATTAN, 2012 5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Parishttp://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-336-00527-0 EAN : 9782336005270
C’est parfois au moment où tout semble bouché devant soi qu’un événement fortuit arrive pour offrir un nouvel élan à la vie. On s’est cogné pendant des années contre les mêmes habitudes, et un jour on heurte par hasard la porte qui ouvre sur de nouvelles perspectives. Alors, temporairement, toute inquiétude sur l’avenir s’estompe. Ma situation est banale. Je viens d’atteindre l’âge de soixante et un ans, et la retraite approche. La grande ville me fatigue. Sans plus d’attaches à Paris, j’ai décidé de m’installer à la campagne pour me rapprocher de mes racines. Or, en faisant du rangement, je viens de retrouver un vieux cahier d’écolier dans lequel un enfant se raconte. J’en avais oublié l’existence. Quand une vie se prolonge suffisamment, le hasard ramène parfois à la surface de curieux vestiges du passé. Je dois admettre que la mienne fut riche en événements, elle a laissé dans son sillage de précieux fossiles. Or, d’après ce que je déduis des premières pages, l’enfant qui s’exprime, c’est moi, il y a exactement cinquante ans. Il parle de ses soucis d’école, de ses espoirs, et je suis ici, un demi-siècle plus tard, juge et parti, pour peser la consistance d’une vie qu’il déroule dans son imagination et que j’ai en bonne partie réalisée. L’enfant de jadis se retrouve aujourd’hui vieilli, seul devant un cahier exhumé. La destinée l’a conduit par bien des détours. Quelle mystérieuse orientation l’a guidé ? Une banale suite de hasards ? Mais tous les actes se tiennent par une nécessité, cela je le ressens confusément. C’est une curieuse impression que distille un tel pèlerinage dans un passé qu’on croyait enterré à jamais. En sondant les profondeurs de ma mémoire, les souvenirs rejaillissent comme ces esquisses de fleurs découpées dans le papier que les Japonais plongent dans l’eau pour leur redonner formes et couleurs. Que d’années vécues et que de chemin parcouru ! J’avais oublié les rues empruntées, qui pour certaines n’existent plus. Elles se dessinent à nouveau dans mon esprit et font renaitre une histoire triste et douce. Dans ce cahier, sont enfermées toutes les mélancolies de ma jeunesse, et c’est un sentiment d’effroi qui me saisit, à sentir tout ce temps, dévidé jour après jour, figé par la pesanteur de tant d’activités accumulées. Dès que les choses sont réalisées, nous ne pensons même plus qu’elles auraient pu ne pas être. Ce cahier m’oblige à un saut vertigineux au-dessus d’une existence désormais appesantie par toutes les émotions vécues. Lire les mots écrits jadis, c’est parcourir l’itinéraire d’un explorateur guidé par une
5
prémonition, hanter des aventures vécues, revivre des pensées ressassées. Cela console et cela effraie. Mais laissons l’enfant s’exprimer dans sa langue encore libre de tout préjugé.
I Je suis né un beau matin du mois d’août… Vous me direz que commencer comme ça ma petite histoire, c’est vouloir me mettre trop en avant, et maman n’aime pas du tout. Mais j’ai mes raisons, et elles sont bonnes parce qu’après tout, je suis vraiment spécial. Vous devez me croire sur parole, et vous vous en apercevrez bientôt. Donc, je reprends mon discours depuis le début. Je suis né un beau matin du mois d’août dans une grande ferme perdue au milieu des champs de blé. J’arrivais avec trois jours de retard. À croire que je me sentais bien au chaud dans le ventre de maman. Trois jours, direz-vous, ce n’est pas la mer à boire pour un petit d’homme, ce serait beaucoup plus dramatique pour, disons au hasard, une libellule. C’est malgré tout significatif, et d’ailleurs le docteur, appelé en urgence, prit les choses très au sérieux. Il paraît qu’il pesta contre la sage-femme qui ne connaissait rien à son métier. Il me tira énergiquement par les deux pieds sans aucun égard pour ma frêle personne, et me balança vigoureusement hors de la fenêtre pour me forcer à respirer. Il faut dire que, d’après des témoins dignes de foi qui assistaient à l’opération, j’étais tout noir, je suffoquais. D’ailleurs j’ai une preuve. Il m’en reste comme un creux au milieu du front à cause d’un volet mal attaché, vous savez bien, ces volets de bois peints en rouge qu’on voit à toutes les fenêtres, là-bas au pays. Il faut dire que le crâne est assez tendre à cet âge-là. Maman, qui attendait mon arrivée avec impatience, fut très contrariée de ce retard dans mon entrée en scène. À preuve, elle garda le lit une longue semaine pour se remettre de ses émotions. Ce n’est pas dans ses habitudes, parce qu’en temps ordinaire elle est courageuse, travailleuse et toujours sur la brèche. Mon grand-père décida de rattraper le temps perdu. C’était un paysan bien droit dans ses bottes, du type à dire : «Je compte mes vaches et mon argent de peur de les perdre, mais je ne compte pas mes années, je sais bien qu’on n’en perd jamais une seuleC’est ce qu’on. » appelle un exemple de sagesse populaire. Pour faire de moi rapidement un homme, il n’y alla pas par quatre chemins. Quand je commençai à me nourrir au biberon, un peu tard, puisque maman
7
m’allaita jusqu’à presque un an et demi, il décida de couper le lait, généreusement produit par les gros pies pas toujours superpropres des vaches, avec le vin de la petite vigne qu’il s’était plantée dans un coin du jardin potager, du producteur au consommateur, comme on dit. Et il n’y alla pas de main morte, mesure pour mesure, pardi. À ce qu’on m’a raconté plus tard, c’était un vin âpre et acide que grand-père confectionnait lui-même selon une recette maison jalousement transmise de père en fils. À propos, les vaches ont la belle vie, quand on y pense sérieusement. Elles sont toujours à meugler dans l’étable en ruminant tranquillement, quand elles ne sont pas dans le pré à brouter l’herbe sans se presser. Elles ne s’en font vraiment pas pour deux sous en ce bas-monde. Dans la vie, elles ont tiré le bon numéro, elles ne se font de bile ni pour Adam ni pour Ève. Du vin dans du lait, c’était un breuvage original, digne d’un brevet et apte à requinquer les êtres les plus faiblards. Le résultat final est positif, je suis assez gaillard dans mon genre. Depuis ce temps-là, mon grand-père est mort et la vigne a été convertie en un carré d’artichauts, c’est moins dangereux pour les nouveau-nés. Papa n’avait guère voix au chapitre pour décider du contenu du biberon. Il était au loin, prisonnier en Allemagne, ce qui permettait à de vigoureux Teutons, en grand uniforme et portant un lourd ceinturon, de me faire sauter dans leurs bras à toucher le plafond. Cela m’amusait beaucoup, paraît-il. Les pays de frontières aiment mélanger les nationalités. Je n’ai pas gardé de grands souvenirs de cette époque, ce qui ne devrait pas vous surprendre outre mesure. Je sus marcher avec un retard qui approchait cette fois plus les trois mois que les trois jours, et quand je pus me déplacer seul, j’aimais monter jusqu’au grenier à la force des bras et des jambes. J’en ai gardé un faible pour les escalades, ce qui est heureux puisqu’à Paris, nous habitons un troisième étage sans ascenseur. Maman me laissait vagabonder assez librement. Elle n’avait guère le temps de me surveiller de trop près, comme font les mamans des villes. Les mamans des champs laissent plus de place aux initiatives personnelles. Les hommes étant au loin, sauf grand-père, mais lui ne s’intéressait qu’à sa vigne, c’est elle qui devait s’occuper du bien-être de tous les animaux, et il y en avait beaucoup parce que la ferme était du genre plutôt cossu. La preuve
8
en est que la famille possède toujours deux tombes allongées côte à côte au cimetière, à l’ombre du mur de l’église. C’est la seule de tous les environs qui a ce privilège. Mais c’est aussi une responsabilité. Ça demande le double de travail pour l’entretien hebdomadaire puisqu’il faut amener deux bouquets de fleurs le dimanche pour ne pas faire de jaloux. Pendant que maman s’activait sans répit avec la seule aide d’une nièce adolescente, j’avais pris l’habitude d’explorer la ferme dans tous ses recoins. Un jour, arrivé au grenier après une pénible montée à quatre pattes, je me dirigeai à l’instinct vers une énorme malle poussée dans un coin. Elle était là depuis au moins des siècles. Quelques tuiles du toit, déplacées par le vent un jour d’orage, laissaient apercevoir une fente de ciel bleu, ce qui expliquait la présence de seaux judicieusement disposés pour recueillir l’eau en cas d’averse. On devinait le manque d’homme à la ferme, parce qu’on n’imagine pas maman montée sur le toit, ses jupes flottant au vent, pour remettre les tuiles en place. Des sacs pleins de blé et de maïs multipliaient les obstacles sur mon chemin, mais je n’en continuais pas moins ma marche héroïque. La malle seule m’attirait. Une épaisse couche de poussière la rendait historique, mais c’était son intérieur qui me fascinait. En effet, quand je fus capable d’en soulever le couvercle, - il faut dire que j’étais plutôt costaud pour mon jeune âge, et je le suis resté, peut-être est-ce la conséquence bienheureuse du biberon coupé -, je pus y distinguer, du fond de la pénombre, une myriade de points lumineux dansant dans tous les sens. C’était un spectacle fascinant qui littéralement me ravissait. J’admirais le féerique ballet pendant de longues minutes. Dans les contes lus par la suite, je reconnus ma malle que s’était appropriée tour à tour Ali-Baba ou un quelconque pirate des Caraïbes. Ces points éblouissants qui virevoltaient dans l’espace, je les appelai des bulles, faute d’un meilleur vocable, parce qu’elles fourmillaient comme les lucioles d’un soir d’été, ou comme les bulles d’une bouteille d’eau minérale, celle gazeuse qui picote les muqueuses, bien entendu. Mon vocabulaire était plutôt limité à l’époque, j’étais encore un mioche haut comme trois pommes incapable d’une conversation suivie.
9
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents