Ancienne demeure turque
126 pages
Français

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Ancienne demeure turque , livre ebook

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Description

Les dernières heures de la guerre d'Algérie sur fond de conflits familiaux. Au sein de l'ancienne demeure turque, qu'ils habitent et aiment très fort., les protagonistes de ce roman en subissent l'impact au plus profond d'eux-mêmes. Quatre décennies plus tard, Claire, l'épouse, garde l'espoir de retrouver son mari présumé "disparu" durant la guerre. La rencontre insolite d'un étudiant américain lui permettra-t-elle d'éradiquer ses chimères?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2011
Nombre de lectures 25
EAN13 9782296473027
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

ISBN : 978-2-296-54-697-4


Photo de couverture : L’ancienne demeure turque, document privé.

© L’Harmattan, Paris 2011

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
L’ancienne demeure turque
Du même auteur

Jeanne , roman, L’Amitié par le livre, 1970.
L’autre rivage , roman, L’Amitié par le livre, 1972.
Rio Salado , chroniques, Privat (Toulouse), 1980. (Prix de l’Afrique Méditerranéenne).
Les persiennes , roman, L’Amitié par le livre, 1984, (Prix des Aurès).
Le cri retenu , récit, L’Harmattan, 1987.
L’Algérie source d’inspiration littéraire d’Hérodote à Camus, essai, L’Atlanthrope, 1991.
Le sentier aux agaves , roman, Lacour, 1992.
Vie et œuvre d’Isabelle Eberhardt, biographie, L’Atlanthrope, 1993.
Les vignes rouges , roman, Seuil, 1994, (Prix du roman de l’Académie du Languedoc).
Le refus, une vie de femme , roman, L’Harmattan, 1996 (Prix Crevaux décerné par la Société de Géographie Humaine de Paris).
La branche sciée , roman, L’Harmattan, 2001.
Trois visages de femme , roman, L’Harmattan, 2004.
Au pied de la Tour , roman, L’Harmattan, 2009.
Andrée Montéro


L’ancienne
demeure turque


roman


L’Harmattan
Pour Philippe
La seule dignité pour l’homme, n’est-ce pas sa révolte tenace contre sa condition ?
Albert Camus
Première partie
Chapitre I
O n y arrivait par l’allée des mûriers dont la frondaison formait une voûte dense.
Le soleil s’y infiltrait à peine mais dansait sur le sol en filets scintillants, en pastilles dorées.
Il regardait la jeune femme assise dans la voiture à ses côtés et essayait de comprendre ce qu’elle ressentait. C’était la première fois qu’il l’emmenait chez ses parents, dans le domaine face à la mer ; elle semblait tendue, lointaine.
Il craignait de quitter l’arc feuillu et d’affronter la blancheur aveuglante des murs ; la luminosité de midi risquait d’accentuer son malaise.
Elle ne lèverait donc pas les yeux vers les gardefous crénelés des terrasses, vers les moucharabiehs qui, des tours quadrangulaires, scruteraient d’un regard acéré celle qui deviendrait peut-être une des maîtresses des lieux.
Il aurait du dire quelques mots, faire allusion à ces choses qu’elle pressentait et dont il n’avait osé parler. Mais il se taisait, incapable d’émettre un son.
Sous ses lunettes sombres, les paupières closes, elle ignorerait aussi les larges grilles aux barreaux lourds et ronds qui encageaient les portes-fenêtres, leur fronton en demi-lune, carrelé d’azulejos… l’énorme porte à deux battants d’un rouge fané, et cloutée d’or terni.
Il l’aimait, et parviendrait à atténuer ses craintes, à la faire entrer dans son univers, à rejeter ce qui pouvait les empêcher d’être heureux.
Les membres de sa famille n’étaient pas sans pitié, comme le colportait certaine rumeur. Ils étaient intransigeants envers les autres mais bien plus envers eux-mêmes.
Il ralentit ; la voûte feuillue, les petites lueurs sur le sol le rassuraient ; ce cadre familier, cette impression de fraîcheur lui donnaient espoir. Peut-être sortirait-elle de son mutisme, serait-elle intéressée par ce qu’ils appelaient leur petit musée…
Mais par cette chaleur, pourrait-il lui expliquer qu’ils avaient sorti de terre, lors des travaux, ces pierres creuses, rectilignes, ces autres rondes et creuses également, des meules sans doute où l’on pilait le grain, et qu’ils avaient sagement alignées au pied de la tour gauche.
Le mot pueri , lui dirait-il, est inscrit sur beaucoup de ces pierres. Ma famille et moi-même avons pensé qu’il s’agissait de sarcophages d’enfants. Était-ce les vestiges d’une nécropole, d’une école punique ou romaine ?
Nous avons toujours éprouvé du respect, poursuivrait-il, pour ces vestiges. Mais les efforts constants afin de mettre en valeur cette terre et le souci de l’avenir de ce pays ont mobilisé les forces de la plupart d’entre nous. Le passé nous échappait. Les coutumes et la culture des autres ethnies nous les avions en permanence sous les yeux, sans parfois songer qu’elles existaient bien avant notre venue.
La voiture avançait à peine. Non, il n’avait pas envie d’expliquer cela. Le regard absent, il songeait qu’il était inutile de lui faire visiter le patio, ses caoutchoucs qui longeaient les quatre pans de la maison et frôlaient les persiennes des premiers étages. Il était bon qu’elle ne soupçonnât pas qu’à l’ombre de cette frondaison paisible se jouait, souvent, la triste comédie des petites jalousies, se nouaient ou se dénouaient les conflits dus aux affrontements familiaux.
Il finit par arrêter le moteur. Le soleil jouait toujours entre les branches, clignotait sur le sol, et il entoura les épaules de la jeune femme. Il n’y eut aucun éclat dans ses yeux. Mais il savait qu’elle réagirait face au jardin et au parc… qu’elle redeviendrait la femme émouvante qu’il connaissait. Elle était sensible aux espaces arborés et fleuris, rares dans cette région. Il imaginait sa joie, son sourire, face à cette flore grimpant haut vers le ciel, et qui, à gauche, cernait la maison, l’abritait sous ses palmes, la caressait, l’étouffait parfois. Et surtout face au parc qu’il lui avait souvent décrit et qui descendait vers la mer.
Lorsqu’enfant il jouait à se cacher parmi le feuillage, il imaginait bien des fois les embarcations de naguère, carthaginoises, romaines ou andalouses, accostant sur le rivage face au jardin. En existait-il un déjà ? Un embryon peut-être !…
Plus tard, adolescent, se délassant dans ces mêmes lieux, il se remémorait aussi les paroles de son père lorsque celui-ci racontait l’achat de son domaine.
Le dey d’Alger, disait-il, l’avait vendu au comte de Flandre qui, lui, l’a revendu à un immigrant français. Ce dernier me l’a cédé dans les années 1920 après de tumultueuses transactions. Cette terre n’est donc pas une concession, je l’ai payée de mes propres deniers, ajoutait-il ; et il défiait quiconque prétendait qu’un jour il pourrait le perdre, son domaine.
Le jeune homme s’appelait Jean ; Claire, la jeune femme, qui, sous l’allée des mûriers, l’accompagnait, et craignait d’être présentée à sa famille. Ils avaient vingt-ans. Cela se passait en Algérie où l’indépendance se profilait.
Il l’avait fait descendre de voiture et, par la main, l’avait conduite vers le jardin et l’orangeraie. Elle s’était, peu à peu, ressaisie et émerveillée face à l’enchevêtrement joyeux de hautes tiges, de fleurs, de troncs… toutes ces allées entourant l’orangeraie, cernant le tennis et menant vers le rivage. Bouffées de fraîcheur, de senteurs et d’odeurs qui, insensiblement, avaient effacé appréhension et craintes.
Dans la mémoire de Claire, le souvenir de cette première visite est demeuré intacte. Les yeux fermés ou le regard au loin, elle peut aussitôt retrouver le moindre détail des lieux.
Tout en haut, au niveau de l’allée de mûriers et, perpendiculaire à celle-ci, s’étendait celle des grenadiers aux grandes fleurs rouges. Dès septembre, leurs fruits coriaces s’écartelaient en graines rosâtres dont le goût aigrelet lui plaisait.
Puis le regard plongeait dans l’allée des lataniers, et l’aile gauche de la maison s’abritait sous leurs palmes en éventail. Au pied de leurs troncs élancés, coulait, dans un caniveau, une eau douce, claire, une eau venue des hauteurs du Murdjajo. Un parterre d’iris bleus le bordait, le suivait, chantait avec l’eau.
Mais au sommet des arbres, elle l’apprit très vite, les rats menaient un curieux tapage. Friands des dattes coriaces et peu comestibles de ce palmier, ils se mettaient, dès la nuit tombée, à les croquer. Et les invités d’un soir leur demandaient souvent d’où provenaient ces bruits. De la longue galerie qui longeait l’appartement des parents et, plus tard, celle de leur couple, et où s’accrochait un bougainvillier aux épines agressives, ils cherchaient à entrevoir ces animaux, mais n’y parvenaient guère. Les palmes les protégeaient. Elles bougeaient, frémissaient, mais ne livraient jamais ces squatteurs qui ponctuaient la nuit de bruits secs, de notes furtives, inquiétantes.
Encadrant toujours l’orangeraie, une allée de rosiers aux fleurs jaunes et pulpeu

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