Au fond du chaudron
233 pages
Français

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Au fond du chaudron , livre ebook

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233 pages
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Description

Le Chaudron, banlieue de Saint Denis de la Réunion, qui traîne une réputation sulfureuse. Luderce y mène une existence solitaire qui le fait osciller entre révolte et apathie. Une circonstance malheureuse modifie, de fond en comble, le cours de sa vie. L'amour de Vanessa l'empêche de sombrer mais tout n'est pas si simple lorsqu'on est tiré à hue et à dia par la raison et l'extravagance...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2010
Nombre de lectures 48
EAN13 9782296699359
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Au fond du chaudron
 
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
 
Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
 
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
 
ISBN : 978-2-296-11912-3
EAN : 9782296119123
 
Janick Tamachia
 
 
 
Au fond du chaudron
 
 
 
Roman
 
 
 
 
 
L’Harmattan
 
À Christelle, Evelyne et Jacqueline
À ma mère
 
[…] il n’y a des résurrections que là où il y a des tombeaux.
Friedrich Nietzsche ( Ainsi parlait Zarathoustra )
 
1
 
 
J ’habite au Chaudron et je m’appelle Ifouz Luderce. Pour faire cultivé, je pourrai dire que je vis en banlieue mais ce terme seriné sur tous les airs ne sucre que très imparfaitement mon oreille qui a pourtant appris, depuis belle lurette, à ne pas faire de triage dans son café.
Passons plutôt à plus immédiat.
Mon appartement ou, plus exactement mon « parc cochon » comme on dit ici sans rire. La faute, à moi, bien sûr mais aussi et surtout à une réhabilitation d’immeubles qu’on qualifie inlassablement et très sérieusement de prochaine.
Maigre consolation, l’asphalte des parkings a eu un coup de neuf tout récemment et les fissures des escaliers sont en passe d’être colmatées d’après certains dires.
Le jour de la Fête des letchis, un élu qu’on n’a bien sûr plus jamais revu avait pourtant cru bon de beugler : « Dernière ligne droite ! Qu’on se le dise ! » Le «  shargèr dlo  », un grand type à barbe rousse avait même eu le front d’écarter les bras en V.
Et depuis, ça patiente à grand renfort d’imprécations et de gueulantes que le temps s’est chargé d’assourdir.
Mais attention pangar  ! Ici plus qu’ailleurs des envies de sang et de chambardement surgissent comme un furieux besoin naturel. Il suffit pour cela de se souvenir des cuvées de 1973 et 1991. Ces noires années ! En une débandade d’images, je revois comme si c’était hier notre cher quartier se transformer en champ de bataille pour CRS casque en fer et jeunes encagoulés tout fiers de jouer aux ninjas sous l’œil complice de leurs aînés.
En attendant que ça pète ou pas et comme je n’ai ni l’esprit ronchon, ni des prétentions de devinèr, je ne me tourmente pas outre mesure. Avant tout, il y a cette journée qui s’amorce, vraisemblablement moche plus qu’à demi.
En ce début d’hiver austral, l’air encore frais s’infiltre à travers les volets que j’ai la flemme d’entrebâiller. Dans une exhalation d’herbes imbibées de rosée, quelques bouffées essaiment jusqu’à ma nuque encore sous le joug d’une parcelle de nuit.
Mine de rien, mes paupières commencent à s’alourdir.
Du fin fond de mon canapé, je savoure cette gratification en me disant qu’il aurait été diablement bon de forcer la dose.
Mais là, j’en demande trop malgré les promesses de cette matinée.
Sans plus m’appesantir sur la question, je soulève mes paupières qui peinent fort pour cette manœuvre restreinte.
Bon Dieu ! Alors que les dernières grosses pluies remontent à plusieurs semaines, ces saletés de cloques sur les murs ne se sont toujours pas décidées à crever.
Le morceau de linoléum, quasiment à l’état de glu répugnant que je m’obstine à garder comme descente de lit, est bien entendu parsemé de mégots.
Comme si c’était quelque chose d’irréel, mes yeux errent stupidement sur le tableau.
L’œil toujours scrutateur, je me lève en grattant mon nombril qui reste particulièrement granuleux malgré tous les petits soins que je lui prodigue en continu.
Fiak ! Je décide de tirer le rideau en feignant l’insouciance. À parler franchement, ce bluff ne me satisfait qu’à moitié puisque je sais que je vais me retourner sur moi-même sans coup férir et alors, hop, les retrouvailles avec mes vieilles histoires où deux et deux ne font pas forcément quatre.
Ah, que je donnerais cher pour me payer un blindage à toute épreuve contre cet ordinaire qui n’a jamais eu la riche idée de s’éclipser !
Faute de ce tour de passe-passe, vite, une issue de secours et bien entendu un truc qui marche !
Je passe un index sévère sur mon menton. Tout paraît correct.
Qu’il pleuve ou qu’il vente, je prends entre dix et quinze grosses minutes à me raser chaque matin. Pour tout vous dire, je me brosse aussi les dents au moins deux fois par jour et surtout, uniquement avec du dentifrice Signal Haleine Pure.
Oui, je sais, tout ça donne envie de se marrer, mais c’est une réelle obligation pour ma petite personne que je pense connaître par cœur.
Je grimace en battant des cils. Malgré le mal de chien que je me donne, je laisse mon regard virevolter comme si j’allais tout de go découvrir une nouvelle réalité.
Nouvelle réalité. Que vais-je chercher là ?
En face de mon lit, sur le poster qui a tout l’air d’avoir profité de la nuit pour se gondoler encore plus, Bob Marley semble désigner du doigt les trois bandes de son blouson Adidas.
Avec une dévotion qui aurait rendu jaloux l’Enfant Jésus, je m’empresse de lisser le poster. Toutefois, et ça c’est nouveau, mon application est dénaturée par une impression assez prononcée de ridicule.
Comme si j’étais dans l’attente d’un magistral coup de pied, je serre les fesses avec une raideur d’automate.
Aujourd'hui, en lieu et place de sa placidité habituelle, Bob semble avoir le sourire de travers. À croire qu’il attend, lui aussi, quelque chose de plus craquant.
Pendant qu’on y est, il va peut-être jusqu’à branler la tête.
Cette haute inspiration ne fait que m’irriter et j’abandonne bien vite ma sotte affectation. Une envie d’apostropher l’ami Bob sans aucun égard étreint ma gorge. Pour un peu, je déchirerais le poster à coups de dents.
Je souscris à sa lutte contre l’esclavage mental, mais je ne crois que très moyennement à son Jah et à sa copie conforme que serait l’empereur Haïlé Sélassié. Chez ce dernier, mon opinion est faite, c’est le portrait tout craché d’un fieffé filou, bien loin de celui d’un Roi des Rois, nimbé de piété et de majesté. Et je n’en démords pas, surtout depuis que j’ai vu notre homme dans un vieux magazine engraisser consciencieusement ses lions alors que son peuple crevait de faim sous les yeux de la planète entière.
Là-dessus, comme par enchantement, mon esprit fait l’impasse sur ce sujet.
Je palpe les poches de mon jean Levis 501 où j’ai logé mes deux portables Samsung et Nokia. Les deux appareils sont bien à leur place. Ma main traîne plus que de raison.
Je hais pourtant Babylone et ses totems. Comprenne qui pourra !
Avec toute la ferveur possible, je chuchote ces mots qui ne sont pas les miens.
J’arrive à me retenir de rigoler devant ce pis-aller.
Dédaignant de jeter un œil à ma montre, je me tourne vers la fenêtre pour estimer au pif l’heure présente.
En bas de l’immeuble, des voitures s’arrêtent, des voix pétulantes se répondent. Des bribes de phrases montent avec une excessive résonance. Juste sous ma fenêtre, un zigue grasseye à n’en plus finir « kouvertir péi, kouvertir péi » puis s’arrête soudainement avec le bref gargouillis de quelqu’un qui se serait fait égorger dans les règles de l’art. L’idée de vérifier si le type a eu effectivement son quota me traverse à peine.
En me forçant un peu, je tends l’oreille. En dehors de toute une gamme de gros rires et d’exclamations déversés en mitraille, rien d’autre à piocher.
Je me suggère de passer à plus varié.
Sans attendre mon inspiration, la pièce paraît soudain rétrécie et encore plus assombrie. Pour ne pas être en reste, ma respiration fait ce bruit bizarre, entre chuintement et sifflement.
Que de l’ordinaire ! C’est même pour ainsi dire du réchauffé.
En attendant, il me faut trouver une porte de sortie.
Au fait, une intuition comme une autre : peut-êtr

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