Blessure ouverte Cuba, les temps perdus
218 pages
Français

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Blessure ouverte Cuba, les temps perdus , livre ebook

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Description

Dans La Havane de la fin du XXème siècle, un groupe de personnages voient leurs destins s'accomplir bien en-deçà de leurs illusions et de leurs engagements. Ils font le point sur leurs vies et leurs rêves de jeunesse et sont tous marqués par un obscur évènement du passé. Par la mise en musique de voix différentes solidement orchestrée, le récit se dote d'une multiplicité de points de vue dont la résonance atteint des connotations universelles sur la mort, la culpabilité et l'inexorable fuite du temps. Il apporte aussi un regard complexe et critique sur l'époque révolutionnaire à Cuba.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2011
Nombre de lectures 34
EAN13 9782296467804
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Blessure ouverte
Lettres des Caraïbes
Collection dirigée par Maguy Albet

Déjà parus

Jean-Claude JANVIER-MODESTE, Un fils différent , 2011.
Beaudelaine PIERRE, La Négresse de Saint-Domingue , 2011.
SAST, Le Sang des Volcans , 2011.
Claire Marie GUERRE, Clone d’ange , 2011.
Sabine ANDRIVON-MILTON, Anatole dans la tourmente du Morne Siphon , 2010.
José ROBELOT, Liberté Feuille Banane , 2010.
Yollen LOSSEN, La peau sauvée , 2010.
Sylviane VAYABOURY, La Crique. Roman , 2009.
Camille MOUTOUSSAMY, Princesse Sitā. Aux sources des l’épopée du Rāmāyana , 2009.
Gérard CHENET, Transes vaudou d’Haïti pour Amélie chérie , 2009.
Julia LEX, La saison des papillons , 2009.
Marie-Lou NAZAIRE, Chronique naïve d’Haïti , 2009.
Edmond LAPOMPE-PAIRONNE, La Rivière du Pont-de-Chaînes , 2009.
Hervé JOSEPH, Un Neg’Mawon en terre originelle. Un périple africain , 2008.
Josaphat-Robert LARGE, Partir sur un coursier de nuages , 2008.
Max DIOMAR, 1 bis , rue Schoelcher , 2008.
Gabriel CIBRELIS, La Yole volante , 2008.
Nathalie ISSAC, Sous un soleil froid. Chroniques de vies croisées , 2008.
Raphaël CADDY, Les trois tanbou du vieux coolie , 2007.
Ernest BAVARIN, Les nègres ont la peau dure , 2007.
Jacqueline Q. LOUISON, Le crocodile assassiné , 2006.
Claude Michel PRIVAT, La mort du colibri Madère , 2006.
Danielle GOBARDHAN VALLENET, Dumanoir, l’incroyable destinée , 2006.
Max DIOMAR, Flânerie guadeloupéenne , 2006.
Le Vaillant Barthélemy ADOLPHE, Le papillon noir , 2006.
Christian PAVIOT, Les fugitifs , 2006.
Mirta Y áñ ez


Blessure ouverte
Cuba , les temps perdus


Traduit de l’espagnol
par Colette Casado
Titre original : Sangra por la herida


© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-56120-5
EAN : 9782296561205

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
A tous mes amis
qui ont cessé de peindre,
de jouer du piano,
de faire du théâtre,
d’écrire un poème,
d’échafauder leurs rêves,
quelles qu’en soient les raisons.
L’air qui entoure les hommes est étrange et étranger et nous y sommes exposés à la destruction.
Prologue à La Célestine
Fernando de Rojas

Je suis presque sûr qu’il m’a crié « Bonne chance ! Si seulement, si seulement il n’avait pas crié cela. Moi, je ne crierais jamais « Bonne chance ! » à personne. Quand on y pense, c’est effrayant.
L’Attrape-cœurs
J.D.Salinger

A la fin, à la fin de tout, on répond à toutes les questions par les faits de notre propre vie : aux questions que le monde nous a posées. Qui es-tu ?… Qu’as-tu vraiment désiré ?… Qu’as-tu vraiment su ?… Avec quoi et avec qui as-tu fait preuve de courage ou de lâcheté ?… Ce sont les vraies questions.
La dernière rencontre
Sándor Márai
GERTRUDIS
Moi Claude, Fausta, La Chatte grise, Doña Segunda Sombra, Une Attrape-cœurs, La Petite princesse, Œdipe Reine, La Cid, Romea et Jules, La mère Goriot, La Louve des steppes, Madame Tartuffe, Les Bunddenbrook, Doña Quijota de La Mancha, L’Etrangère, La Maîtresse et Margueritte. Tout regarder par l’envers ? D’un autre point de vue ? L’histoire telle que je la connais, moi ? L’Evangile selon Marie-Madeleine ?
Parfois les morts nous posent des tas de questions. Que sommes-nous devenus ? Personne ne se souvient ? Qui va faire l’Histoire ? Il suffit juste de baisser la garde pour que les morts surgissent, impatients, et nous demandent des comptes.
Je suis venue à Comalaparce qu’on m’a dit que ma mère y vivait, une certaine Petra Páramo… Je pourrais commencer plus ou moins comme ça, non que je sois poussée par le désir de tenir une promesse, mais seulement pour que filtrent les murmures et que sautent au plafond les chattes enfermées.
Il me sera impossible de me limiter à mes propres confidences, et quelques secrets ne m’appartenant pas émergeront sans doute. Vous vous souvenez de ce film de Bergman, Sourires d’une nuit d’été ? L’un des personnages demande à une vieille dame qui se prélasse au lit pourquoi elle ne veut rien dire de certains souvenirs louches, et elle répond avec malice que ce palais où elle réside lui a été offert en échange de son silence. En l’occurrence, je peux évoquer mes souvenirs en toute tranquillité, sans trahir aucun pacte. Mémoires d’Adrienne.
La femme invisible, La Satiricone, Candida, Cyrana de Bergerac, Lady Jim, la grande Gatsby, Martine Fierro, Poétesse à New-york, Les Dames Mousquetaires, La Prisonnière du Masque de fer, Nazarine, Polyphéma et Galatée, la Lazarilla de Tormes, Huckleberria Finn, Les sœurs Karamasov, Olivia Twist, Les nues et les mortes…
Raconter encore ce vieux bobard des bons contre les méchants, des obsessions et des apprentissages de jeunesse, de la folie et de la mort, des chasseurs et des coups de harpons, avec la mer en toile de fond, la capture d’une baleine blanche, de Mobysa Dick ? D’accord, mais « appelez-moi Une telle », une parmi tant d’autres, une des Misérables en cinq tomes.
MARTÍN
L’odeur de la sauce envahissait toute la maison. Martín résista à la tentation de noter pour son manuscrit comment on élaborait une sauce cubaine, cette mode de merde d’inclure des recettes de cuisine.
Depuis un certain temps, il avait toujours ce mot merde à la bouche. Depuis que les choses commencèrent à mal tourner, tout lui paraissait « une merde ». En plus des conflits publics, des situations calamiteuses, de la difficulté à écrire, il eut à faire face à une situation de merde : habiter à Alamar, ce quartier de merde, Alamar, à l’est de La Havane. Malgré ses intentions, l’esprit de Martín accumulait sur une planche imaginaire les rondelles d’oignon, les morceaux de piment débarrassés des graines, les gousses d’ail bien épluchées et écrasées, le tout plongé dans l’huile bien chaude, dorant lentement et dégageant un parfum ineffable.
Martín ouvrit grandes ses narines et prit bien note sur l’une de ses fiches mentales que les résonances des odeurs de sauce étaient semblables à celles de la madeleine , le gâteau de Marcel Proust. Ses effluves le transportaient dans la cuisine de sa grand-mère Antonia, dans la rue Amistad, à la recherche du temps définitivement perdu. Cette association trop culte détonnait et ne pourrait lui servir que plus tard, pour donner de la densité à quelque texte.
La mère de Martín, de dos, s’acquittait de ses obligations culinaires, et n’assista pas à cette évocation partagée entre les madeleines de Proust et l’irrésistible fragrance de la sauce. Elle ne put percevoir l’angoisse de Martín, ni son haussement d’épaules qui lui aurait fait deviner d’un seul coup d’œil qu’il se passait quelque chose. Elle était absorbée et, avec la cuiller de bois, continuait à remuer les épices dans l’huile pour qu’elles ne brûlent pas et restent dorées et savoureuses.
Martín eut le temps de se ressaisir, d’avaler cette boule qui l’oppressait, montait et descendait dans sa poitrine où s’accumulaient la nostalgie de la cuisine de sa grand-mère Antonia, la madeleine de Proust quand il était sans doute un petit enfant glouton, les envies d’écrire au moins une page aussi mémorable que celle-là, et l’odeur de la sauce préparée par sa mère. Il essaya de faire durer le plus possible la scène de l’innocence dans la cuisine de sa maison, scène aussi fragile que tous les instants de bonheur inexplicable. Martín continuait à l’appeler « sa maison », alors qu’il en était parti depuis presque trente ans, au milieu des années soixante, ces années soixante de merde, comme tous ceux qui, à cette époque, abandonnèrent leur foyer, les uns, boursiers comme lui, pour aller faire leurs études, d’autres pour un exil impénitent, et d’autres encore plus loin, avec plus ou moins de chance – qui pourrait le dire ? – pour aller à la guerre et vers la mort. Mais ce n’était pas le moment d’évoquer les voyageurs, les suicidés, les expulsés, ni les bouleversements entassés dans sa mémoire. Martín ferma les archives des souvenirs générationnels et s’intéressa à nouveau à l’odeur de la sauce et aux mains de sa mère avec la cuiller en bois, remuant les oignons, l’ail et les piments dans l’huile, comme il l’avait toujours vue le faire, un peu penchée sur le fourneau, sans tablier, perdue dans ses nuages, une foule de couverts et de récipients à côté d’elle ; une main hésitante, la gauche, tenait la queue de la poêle, alors que la droite remuait avec la spatule cette mixture que les cuba

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