Chroniques d une cité ordinaire
195 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Chroniques d'une cité ordinaire , livre ebook

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195 pages
Français

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Description

Pourquoi ce livre ? Parce que je voulais vous faire partager l'enfance qui a été la mienne dans une cité défavorisée de la banlieue du Havre et vous faire vivre ces moments forts, bons ou mauvais, qui ont rythmé ma jeunesse.
Ce voyage que je vous propose est empli de larmes et de rires, de douceurs et de violences. Ce sont là des histoires de vie dans l'ombre écrasante des HLM. Ma vie...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2010
Nombre de lectures 299
EAN13 9782336279596
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Chroniques d'une cité ordinaire

Rachid Sakji
En couverture : Les enfants de l’auteur.
© L’HARMATTAN, 2010
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296120242
EAN: 9782296120242
Pour Laurence, Andi, Chems, Hélel et Hilmi.
Et à mes parents.
Sommaire
Page de titre Page de Copyright Dedicace Introduction Sylvie Pompom La bibliothèque Le petit voleur Les échecs L’incruste L’école Vacances d’été, le départ Marina Marina (suite) Magid Vers la campagne Journée de grève Sortie scolaire L’affaire La descente Élection Saïd La fuite Aujourd’hui Le quartier Remerciements
Introduction
Toutes ces histoires sont vraies. Elles nous sont arrivées à mes amis ou à moi, cela dépend. Je vais tenter de vous les raconter avec mes yeux de l’époque. J’ai donc entre 9 et 16 ans je crois. La mémoire étant ce qu’elle est, je ne suis pas sûr que tout cela soit dans le bon ordre. Je compte donc sur votre indulgence pour ne pas m’en tenir rigueur.
J’ai sélectionné des faits ou des histoires qui ont ponctué ma jeunesse dans ce quartier que j’ai tenté d’oublier passé mes dix-huit ans. Mais que voulez-vous, mes parents y habitent encore (cela fait deux fois que via le paiement du loyer ils payent la valeur totale de l’appartement HLM qu’ils occupent depuis 40ans !) et sitôt que j’y remets les pieds, les souvenirs affluent. Les bons comme les mauvais.
Le mieux pour moi est de vous les raconter, de les exorciser en quelques sortes. J’ai tellement voulu vivre la vie des autres pour oublier la mienne quand j’étais jeune qu’il est temps maintenant que vous veniez vivre la mienne.
Bonne lecture.
Sylvie
Nous formions un groupe. Celui que la destinée vous assigne de manière aléatoire quand vous naissez et grandissez dans un quartier défavorisé. Un peu comme cette famille que l’on vous donne à la naissance et sur laquelle vous ne cessez de jeter un regard circonspect tout au long de votre vie. Nous nous étions rapprochés, disons plutôt naturellement, habitant le même immeuble ou vivant dans la même portion de quartier. C’était le plus souvent à coup de « je peux jouer ? » ou de « tu t’appelles comment ? ». Nous nous étions découverts vers l’âge de sept, huit ans, âge difficile où tout nous paraissait mieux chez l’autre, ses fringues, sa famille, ses jouets et même sa coupe de cheveux !
Dans le groupe, nous n’avions pas réellement de place ni de véritable meneur, chacun se différenciait de par ses problèmes, le plus souvent familiaux. Celui qui n’avait pas l’air d’avoir de soucis nous fascinait et on s’imaginait très bien être à sa place et n’avoir, dans la vie, à répondre qu’à un seul problème crucial : savoir ce qu’on allait manger ce midi.
Il y avait donc Magid, fils de parents mixtes qu’on entendait s’engueuler régulièrement lorsque nous l’attendions dans la cage d’escalier de son immeuble.
C’était un garçon très beau, avec un visage fin et agréable à regarder ; il avait beaucoup de succès auprès des filles, même s’il ne semblait pas s’en soucier. Apparemment, ce qui se passait chez lui et les scènes auxquelles il assistait accaparaient continuellement ses pensés et je lui notais très souvent des absences d’attention, comme s’il se projetait sur un mur les images invisibles d’un film apparemment triste ; d’un coup il paraissait plus vieux et très abattu. Puis venait Ahmed, fils d’immigrés algériens, le roi de l’embrouille, toujours fourré dans des coups tordus qui finissaient invariablement mal. Pas très beau, un nez qui lui mangeait la figure, il n’avait pas son pareil pour imaginer des situations qui devaient lui procurer un quelconque bénéfice, les mettre en pratique et, après que tout ait logiquement foiré, disparaître pour éviter de rencontrer les types qui le recherchaient pour lui demander de physiques explications.
Laurent, lui, était le fils d’un ancien para et d’une mère kabyle, ramenée dans les bagages après la fin de la guerre d’Algérie. En plus de l’épouse qu’il semblait avoir arrachée à sa famille, comme elle nous l’avait dit un jour sur le ton de la confidence, le père de Laurent était revenu de sa guerre avec une espèce de case en moins, ce qui le rendait extrêmement violent et totalement lunatique. Et malgré les efforts incommensurables pour éviter son regard, je voyais quelquefois passer cette lueur métallique qui lui voilait les yeux et m’indiquait que ce type était vraiment fou. Cela me terrifiait au point de me donner la chair de poule. Je l’évitais du mieux que je pouvais et nous n’attendions jamais Laurent dans son escalier comme nous avions l’habitude de le faire entre nous. La présence de ce père juste au-dessus de nos têtes nous filait de drôles de sensations, un peu comme un enfant qui a peur de regarder sous son lit la nuit, persuadé que le croque-mitaine va l’attraper par les cheveux.
J’aimais beaucoup Laurent, c’était de nous tous celui qui avait le plus de problèmes et, pourtant, c’était celui qui riait le plus et le plus souvent. Même si sa mère et lui étaient régulièrement battus, nous le savions parfaitement, il tentait toujours de ne rien laisser transparaître. Lorsqu’il était avec nous, il avait une attitude que je trouvais un peu étrange, comme s’il respirait un air extrêmement pur qui le rendait totalement euphorique. Petit, des yeux clairs sous une coupe de cheveux hirsutes, il me donnait toujours l’impression, lorsqu’il sortait de chez lui, qu’il venait de s’exercer à des séances d’apnée. Le souffle court, les joues creuses et les yeux très rouges, il nous entraînait vite très loin de chez lui, le cou et la tête tendus vers l’avant. A chaque fois je me disais que cela avait dû sacrément barder derrière la porte de son appartement. Laurent, bien qu’ayant continuellement une épée de Damoclès au-dessus de la tête, cherchait continuellement à nous faire plaisir, comme s’il voulait se convaincre lui-même qu’il existait un autre monde que celui des coups reçus pour un oui ou pour un non. Mais, n’ayant pas grand-chose et étant sans le sou, il employait des trésors d’ingéniosité pour que l’on remarque sa présence dans notre groupe, à tel point qu’il lui arrivait quelquefois de voler pour nous offrir un cadeau lors de nos anniversaires respectifs. La vue d’un parfum offert à mon frère m’avait particulièrement ému quand je pensais, en frissonnant, aux conséquences paternelles s’il venait à se faire attraper. Il le savait mais il prenait quand même ce risque immense. Il était comme ça Laurent.
Puis il y avait Virgile, le fils d’un facteur, un nanti comme nous le supposions, la preuve : il possédait un chien. Un basset court sur pattes qu’il fallait aider à monter les marches en le poussant au cul… Virgile était de la race des peureux sympathiques, toujours prêt à envoyer une vanne blessante et à se cacher derrière un gars plus costaud que lui. Il arrivait toujours à éviter les coups. Je pense qu’il était très calculateur et n’ouvrait la bouche qu’en étant sûr d’une solution de repli ou de la défense d’une tierce personne. Blond et plutôt beau, il ressemblait vraiment beaucoup à sa mère. Ils avaient exactement le même visage, à part que celui de sa mère se plissait plus souvent de nombreuses rides quand elle nous voyait nous éloigner des terrains en face de l’immeuble où nous avions l’habitude de jouer.
Jean-Marc, lui, était devenu notre mascotte. Petit, claudiquant suite à un problème de hanche dû à une maladie infantile, il était notre petit protégé.
Sa mère, au début très hésitante, l’avait finalement poussé dans nos bras, ou plutôt dans nos jeux, car sachant son fils timide et de peur qu’il soit rejeté, elle avait tout fait pour que les gamins du coin l’acceptent en distribuant limonades et gâteaux. Elle en profitait alors pour nous brosser un portrait de son fils, comme quoi il était fragile et qu’il fallait faire attention et qu’il allait se faire opérer et que nous ne devions pas le bousculer… Ce qui le rendait fou de rage… Entre deux bouchées et sans vraiment l’écouter, nous la rassurions sur l’attention que nous lui portions, et au vu de nos regards inquiets, elle semblait ravie d’avoir été comprise alors que nos craintes se dirigeaient

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