Je reviendrai à Tahiti
128 pages
Français

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Je reviendrai à Tahiti , livre ebook

128 pages
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Description

C'est dans un Tahiti démystifié qu'évoluent des personnages attachants, dans un récit mêlant scènes burlesques, violentes, sentimentales ou érotiques... C'est ainsi qu'une jeune métisse, demi-Tahitienne demi-Française, souffre de vivre dans cet "entre-deux-mondes" où elle ne sait pas se situer. A la recherche de son identité, elle ne se complétera que dans la figure emblématique et charismatique Maohi. Je reviendrai à Tahiti est un regard intérieur d'une Polynésie à redécouvrir, c'est l'écriture du manque, imprégnée du désir d'Indépendance.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2005
Nombre de lectures 159
EAN13 9782336283302
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’HARMATTAN, 2005
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
L’HARMATTAN, ITALIA s.r.l, Via Degli Artisti 15 ; 10124 Torino L’HARMATTAN HONGRIE Könyvesbolt, Kossuth L. u. 14-16 ; 1053 Budapest L’HARMATTAN BURKINA FASO 1200 logements villa 96 ; 12B2260 ; Ouagadougou 12 ESPACE L’HARMATTAN KINSHASA Faculté des Sciences Sociales, Politiques et Administratives BP243, KIN XI ; Université de Kinshasa — RDC
http://www.librairichamiattan.com harmattan 1@wanadoo.fr
9782747590464
EAN : 9782747590464
Je reviendrai à Tahiti
Roman

Ariirau
À Assis Djebar, sa voix et ses mots, Son amour des êtres humains. À Assia, et à mon peuple, Te Ao Ma‘ohi, génération Taui.
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Dedicace Pu Fenua :
Le cœur, le sang, le souffle. Monoi et Gauloises Dans les Vignes du Seigneur
N-B T. : Te Ma‘ohi before the Eternal
Le 9 juin 2004, à Faa’a L’Homme de l’Ombre Le Négrier Catalan Qu’un Sang abreuve l’Océan
Murphy : Ubi nihi lvales, ibi nihil velis. Là où on ne vaut rien, on ne peut rien vouloir. Samuel Beckett
La clinique de Randall Tyler. Les mouches pisseuses Paofaï, Les Paroles Mortes. Onanisme à NYC
Épilogue, dans un meilleur des mondes Littérature à l’Harmattan
Pu Fenua :
1- cœur ( Pu ) de la terre ( Fenua),
2- le Placenta.
Le cœur, le sang, le souffle.
Seizième siècle. Un navire de la flotte française. Les hommes à bord, des hommes à la peau brûlée par le soleil et durcie par les vents et la mer, ces hommes à bord pêchèrent un de ces beaux rois de l’océan et le placèrent sur le pont. La bête grise et lisse gesticulait, asphyxiée, prise de douleur, sous les rires et la joie de ces maîtres du monde. Deux hommes s’approchèrent, l’un tenant le roi des mers, l’empoignant par ses ailerons frontaux, s’asseyant à califourchon sur le museau du requin pour l’immobiliser. L’autre, avec son couteau de fortune, découpa, lentement et difficilement la peau épaisse et dure, amputant un à un les ailerons du roi agonisant la gueule à peine ouverte et silencieuse, sous les rires et la joie de ces maîtres du monde. La sueur du bourreau, sous le soleil tapant, se mêlait au sang de la bête. Acier planté, enfoncé, englouti dans la chair palpitante. Le sang coulait, tâchait les mains du marin, souillait le pont de bois. Le corps fuselé argenté serpentait tant bien que mal, trouvant je ne sais où, quelque force pour se débattre. Les érudits de l’ancien monde infligèrent le traitement humiliant à ce porteur des esprits ancestraux du peuple ma‘ohi, sans y percevoir de réelle offense. La torture expiatoire fut un véritable spectacle. Les hommes, accoudés et penchés sur le pont de leur navire, fixaient, la joie au ventre, le monstre sacré, encore vivant, qui avait retrouvé son souffle dans l’océan, mais qui, dans une douleur déchirante, les membres amputés, se mit à couler au fond des mers. Ce point de l’océan rougi attira les autres requins qui descendirent dans la tombe de leur feti’i, leur frère. Un, deux, une dizaine d’ailerons transpercèrent la surface de la mer de sang. Puis une cinquantaine d’ailerons, peut-être plus. Les visages des hommes se crispèrent à la vue du rassemblement d’autant de monstres. Ils s’attendirent au carnage, à les voir dévorer le requin mutilé, dont le cœur battait probablement ses derniers tambours. Mais il n’en fut rien. Les requins encerclèrent le navire, à une distance suffisante pour accompagner la conscience de ces hommes. Quelques uns se mirent à compter les ailerons, afin d’évaluer le nombre des prédateurs qui entouraient le navire. Mais ce fut peine perdue, le capitaine de bord les rappela à l’ordre, il fallait reprendre ses fonctions. Le second jour, puis le troisième jour, alors que l’embarcation bravait la mer, les requins suivaient inlassablement l’immense coque humaine. Un des marins prit alors les ailerons mutilés, car leur vue le dérangeait. Soudainement il s’était mis à penser que ces requins avaient quelque chose d’humain. Il balança les ailerons par-dessus bord. C’est alors que les requins disparurent progressivement et s’enfouirent dans la profondeur océane.
Herenui, le grand amour, nage au-delà du lagon, son corps agile ondule, ses cheveux ambrés flottent et se meuvent comme les algues. Les yeux ouverts, elle nage, elle sent la présence des requins. Sans avoir peur. Chez elle, dans ce silence de l’océan, la souplesse de ses membres et la danse de ses boucles harmonieusement bousculées par les vagues. Un spectacle irréel et flou, une beauté muable, confondue dans la nature océane. Les requins dormeurs, inoffensifs, autour d’elle, la retrouvent. Êtres majestueux et terrifiants, porteurs des varua tupuna, les esprits de nos ancêtres, notre mémoire. Elle les toucherait bientôt, le temps s’arrêterait pour un instant. Ils la frôleraient sans la heurter, la jeune femme, la petite, l’enfant. La sensation du toucher serait celle du bonheur, de la retrouvaille entre la nageuse de notre monde et cette mémoire ancestrale qu’on lui avait mutilée; une génération couleur d’eau, sans langue, une génération “ inclassifîable ”. La nageuse avait langui d’eux, comme eux avaient langui d’elle. Le silence de l’océan, où tout s’arrête, tout est si beau, si clair, où tout mène au Bleu. Elle touche la peau lisse et dure du dieu requin, Pohu. Les vibrations du passé lui pénètrent la peau, le sang, le cœur. Maintenant, elle sait.

L’île vivante ne porte pas ce nom et pourtant Herenui sait que cette terre perdue respire la vie. À cette époque lointaine, où les mots transcrits n’existaient pas et la mémoire défiait les hommes, à chaque naissance de l’enfant, nos tupuna enterraient le placenta. Pour que l’enfant, si un jour il devait s’exiler, revienne à l’île, Comme des aimants amants accrochés à leur terre par le cordon invisible, les îliens ne pouvaient trouver la paix que s’ils retournaient sur leur terre flottante. L’île est vivante, la terre, l’air, les plantes, aux âmes coexistantes et cacophoniques à vous faire oublier le reste du monde. Île à la dimension humaine : elle est vivante, non pas par les hommes qui la peuplent, mais par sa matière même, sa sève, son vent, son sable, ses odeurs, son cœur assoupi au creux du volcan éteint... Comme le corps d’un être humain et son sang, son souffle, sa peau, sa sueur, son cœur. La tyrannie de l’éloignement n’appartient qu’aux “ ex.-îlés, ex-îliens ”.
L’île est vivante, elle nous a séduits, tous, jeté un sortilège. Malicieuse de maléfices. Comment peut-on aimer de la terre, pourquoi s’attacher à du sable et des cendres. Le placenta enterré, la seule terre au monde, fertile de placentas, où les requins esprits pourchassés par la paranoïa humaine demeurent les silencieux gardiens de l’île. Des êtres majestueux, même lorsque le harpon les transperce et qu’on les étale fièrement, butin de prestige harangué, dents de requin qui pendent en médaillon. Comme si leur puissance se transmettait au vainqueur.
Une immense tristesse emplit la nageuse qui veut se fondre dans l’eau salée. C’est l’osmose de la femme et de la mer. Si les évènements tournent mal au pays, pense la nageuse, je ne dois pas avoir peur, ni des hommes ni de leurs furies, je ne dois pas avoir peur de ceux qui oublient pourquoi et pour qui ils se battent. Je ne dois plus avoir peur, comme je ne crains plus de toucher les requins. Un jour, je retrouverai les miens. Ne plus être orpheline de leur présence, leur amour, les aimer dans l’intemporel. Ma force d‘aujourd’hui est confondue à leur passé, à notre mémoire. Ne plus jamais se sentir vulnérable, véritable handicapée de la langue, semi linguiste en mal d’identité, requin mutilé.
L’esprit de la nageuse se noie dans une limpidité mirifique, il parle ...

Tahitiens de sang, Tahitiens de cœur. Exilée par le destin, je me suis perdue et je ne peux plus vous retrouver. Je suis la nageuse, je languis de toucher ces ancêtres oubliés. J’ai marché dans les rues grises et enfumées et rien n’a arrêté mon regard, je n’étais pas chez moi, je n’ai reconnu personne. L’amour enfoui à l’intérieur, croupi, gâché, indivisible, se pourrit, car il ne peut être que pour l’île vivante. Tahiti, ma peau de chagrin, je me suis perdue dans le labyrinthe du destin et je languis de fouler ton sable, de frôler tes fleurs, d’aimer tes hommes. Tahitiennes de sang, Tahitiennes de cour, protégez l’île vivante, la terre aux placentas, la jeteuse de sortilèges amoureux. Aue tatou e! Pauvres de nous! Les expatriés qui crèvent d’envie d’y retourner. Quinze ans d’exil, comme l’autre, l’homme de l’histoire, Pouvanaa a Oopa. Quinze années d’errance. Quinze.

Roselyne-Manureva vole, elle plane. Le vent caresse ce visage humain, ouvert au bleu océanique. Les bras étendus, elle flotte au dessus de l’île. Le souffle du vent, seul son, seul bruit, la berce

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