La dernière lettre de Stalingrad
85 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

La dernière lettre de Stalingrad , livre ebook

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85 pages
Français

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Description

Septembre 1942. Dans une petite ville de Basse-Normandie. Un officier allemand occupe une partie du deuxième étage de la maison du notaire. Pianiste et compositeur, c'est ainsi que le présente la rumeur publique. Avant son brusque départ pour le Front de l'Est et Stalingrad, il fera la conquête du plus jeune des deux frères, déjà épris de musique classique. Le piano du petit salon servira d'intermédiaire. Peu de paroles échangées, mais des oeuvres de Mozart, Grieg, Schumann...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2009
Nombre de lectures 307
EAN13 9782296682900
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La dernière lettre de Stalingrad
Du même auteur


Discographie récente

Parmi les nombreux enregistrements (CD « Skarbo ») de ses œuvres récentes se détachent :

Les symphonies n° 8, 9 et 10 ;

Les trois concertos pour violon ;

Laure ou la lettre au cachet rouge, son premier opéra ;

Omaha, Songs for the dead soldiers, Airmen, A l’étale de la basse mer ;

Mémorial Dieppe 1942, Ballades du soldat, Battle pieces, Time Landscapes ;

In ricordo Arturo Toscanini, le Concerto pour harpe, Elégie à la mémoire de Samuel Barber, L’Hiver qui vient…
Aubert Lemeland


La dernière lettre
de Stalingrad


roman


L’Harmattan
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan1@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-09831-2
EAN : 9782296098312

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Chapitre I
P endant les trois semaines où il logea chez nous, il occupa, au second étage, l’appartement de ceux qui l’avaient précédé – une grande chambre et un minuscule cabinet de toilette réquisitionnés depuis juillet 1940. Cette année-là, un chef de gare déjà âgé, ressemblant à un facteur qui aurait eu la casquette d’un officier de marine, en avait été le premier occupant allemand. Mais celui qui nous arrivait maintenant, nous l’avons toujours connu en uniforme, le plus souvent tête nue, comme sur des photos retrouvées dans sa chambre.

Assez grand, mince, blond aux yeux clairs – bien des Normands de son âge avaient le même type mais un autre teint. Il flottait dans une tunique de drap vert pourtant ajustée et portait des lunettes à monture si fine que, de profil ou de face et même à quelques mètres de lui, on les oubliait. Derrière ces petits carreaux, un regard vous prenait droit devant, comme ses doigts qui, sans qu’il les eût vraiment regardés, s’emparèrent un jour des touches du piano. Et cela me frapperait d’emblée la première fois qu’il jouerait dans le petit salon.

Pour les besoins de la guerre, bien que simple lieutenant, il était devenu une espèce d’ingénieur, construisant des ponts – dans les deux camps, on passait souvent son temps à les faire sauter ! –, des routes ou des voies ferrées. Mais c’était surtout un musicien et un pianiste. La « rumeur » le présenta ainsi et les langues se déliaient autant dans les lieux publics que dans le confessionnal du curé ! Dans une Basse-Normandie encore paisible, ce fut pourtant lui qui fit l’actualité à ce moment-là.

La chambre du second, où l’avaient devancé d’autres gradés de l’armée allemande, était l’une des mieux meublées de la maison. Une table Empire recouverte d’un cuir patiné, mais bien conservé, s’adossait au mur entre les deux fenêtres, avec vue sur la grande place et l’église, à gauche.

Placé où j’étais, je ne perdais rien de la scène. Après tout, il m’apparaissait assez normal d’être là et de voir ce qui se passait dans notre maison ! Mais c’était plus que de la simple curiosité !

J’en profitai pour avancer et passai ma tête par l’embrasure de la porte. Au même moment il m’aperçut, découvrant ainsi le plus jeune des deux frères ! Ce fut la seule et unique fois où je le vis en uniforme de la tête aux pieds, avec un képi à large visière. Aussi sembla-t-il plus âgé, le prestige de l’uniforme le vieillissant prématurément.

Colette me fit un geste discret : il fallait nous retirer et nous n’avions plus rien à faire ici. C’était nouveau de penser qu’une partie de la maison était maintenant la propriété de l’armée victorieuse ! Une impression indéfinissable qui traîna un peu partout, mais, dès lors qu’il s’agissait d’un musicien, les malheurs d’une guerre perdue seraient peut-être moins lourds à supporter ?

La porte de la chambre se referma sur eux. Quelques instants plus tard, on entendit le bruit de valises que l’on traînait sur le parquet : le pianiste s’installait ! Dépassant Colette, je me mis alors à dévaler bruyamment les dernières marches du petit escalier, tantôt sur un pied, tantôt sur l’autre…

En bas, Stéphane était resté à relire l’île au Trésor et sans doute m’avait-il vu monter vers les étages supérieurs, tel Jim Hawkins allant retrouver le vieux loup de mer à l’enseigne de l’Amiral Benbow !

Mais les temps avaient changé. En présence d’événements si menaçants, n’étions-nous pas logés à la même enseigne, Ile au Trésor ou pas ?
Chapitre II
D epuis plus de deux ans la guerre était partout et les journaux en faisaient le plein. Cependant l’Angleterre était toujours sur son île, en Russie on se déplaçait à grandes enjambées et le Japon avait réveillé l’Amérique !

Souvent, après le repas du soir, Stéphane, mon frère aîné, posait invariablement à mon père les mêmes questions sur cette guerre devenue mondiale. Leurs conversations s’éternisaient et au début je m’y ennuyais. Je remontais alors dans ma chambre relire des séries d’illustrés dépareillés, en superposant des histoires imaginées sur celles dont je n’avais que des fragments ! C’est souvent au milieu de ces lectures que le sommeil venait me prendre.

Le mercredi, en soirée, sauf coupure de courant, la Guerre à l’Est passait, rapide et brutale, aux actualités du cinéma : images tragiques accompagnées de musiques qui me restaient en mémoire, tout autant que les noms des villes russes ravagées, ou encore ceux de généraux me rappelant les histoires de Pouchkine, de Tourgueniev ou celles de la Grande Guerre.

Mais il y avait là de quoi alimenter des discussions entre mon frère et moi et j’avais fini par prendre goût au sujet. Les jours suivants, les nouvelles à la radio ou dans les journaux donnaient tort ou raison aux uns et aux autres. Cependant, que savions-nous vraiment de la grosse bête qui arrivait sur nous ?

Un moment, mes pensées s’étaient envolées bien au-delà des rangées de peupliers qui marquaient, entre les jardins et les grands espaces à leur suite, le véritable début de la campagne environnante. Comment imaginer que, dans moins de deux ans, notre gros bourg ressemblerait à l’une de ces petites villes russes dévastées. Guerre à l’Ouest, guerre dans le Pacifique : Colleville {1} et Guadalcanal, Caen et Voronej et la Sixième Armée vers Stalingrad !

En bas, les deux chiens avaient aboyé, peut-être à cause d’un petit vent que l’on n’attendait pas ou du passage d’avions vers la côte anglaise.

Le soleil disparaissait derrière les grands murs qui nous entouraient. Chaque soir, il s’en allait ainsi, suivant le même parcours.

Pauvres de nous, petits Français héritiers d’une débâcle politique et militaire à nulle autre pareille ! Et tous égaux devant l’éternité du malheur qu’apportait cette guerre !

En septembre 1942, la bataille pour Stalingrad s’intensifia brusquement et l’on ne parla plus de celle qui se déroulait autour de Moscou. La radio diffusait souvent des communiqués de victoire. Mais que se passait-il vraiment là-bas ?
Chapitre III
L es jours suivants, presque à heures fixes, l’ordonnance montait faire la chambre. Une fois ou deux, je le vis descendre des livres ou monter des paquets, puis il nettoyait et cirait les bottes de l’officier dans la petite cour, devant la porte de la vieille cuisine.

Colette s’en amusait et ironisait derrière ses fenêtres sur les activités plutôt débonnaires de ces rudes guerriers ! Lorsque la buée sur les carreaux l’empêchait de distinguer ce qui se passait dans la cour, elle dégageait son horizon d’un revers de la main et ce bruit d’essuie-glace me rappelait celui de la Citroën familiale !

Anne, ma sœur aînée, était revenue passer avec nous la fin de ses vacances. Elle terminait ses études dans un pensionnat des environs – ce qui nous pendrait au nez dans moins d’un an ! Mais une partie de l’été, elle revenait s’installer ici, retrouvant sa chambre et tous ses souvenirs. Dans cette vaste pièce du premier étage on avait remisé une petite bibliothèque vitrée mi-Empire, mi-Directoire. Il y avait aussi des livres, des magazines en bon état et des journaux assez récents.

Début août, Anne repartit pour une semaine chez sa grand-mère et le jour de son départ coïncida avec l’arrivée de l’officier allemand chez nous. Ce fut la seule fois où ils se virent et se croisèrent « solennellement » dans le vestibule du rez-de-c

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