La négresse de Saint-Domingue
186 pages
Français

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La négresse de Saint-Domingue , livre ebook

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186 pages
Français

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Description

Dans ce récit à la fois d'histoire et de vive passion, Beaudelaine Pierre nous retrace la conversion d'Haïti, d'une riche colonie de France en la première République noire du monde, vue par un jeune blanc planteur et propriétaire d'esclaves. L'histoire est dite de manière classique où la passion est la machine même de la transformation à venir. C'est une vision à la fois utopique et néanmoins confiante dans le progrès historique qui doit conduire inévitablement vers la lutte pour la liberté. Pierre construit ici, un édifice narratif à l'intérieur duquel le lecteur d'aujourd'hui peut à la fois éprouver et surmonter le sentiment profond de l'esclavage.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2011
Nombre de lectures 90
EAN13 9782296803671
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Négresse de Saint-Domingue
 
Lettres des Caraïbes
Collection dirigée par Maguy Albet
 
Déjà parus
 
Claire Marie GUERRE, Clone d’ange , 2011.
Sabine ANDRIVON-MILTON, Anatole dans la tourmente du  Morne Siphon , 2010.
José ROBELOT, Liberté Feuille Banane , 2010.
Yollen LOSSEN, La peau sauvée , 2010.
Sylviane VAYABOURY, La Crique. Roman , 2009.
Camille MOUTOUSSAMY, Princesse Sitā . Aux sources des  l’épopée du R ā m ā yana , 2009.
Gérard CHENET, Transes vaudou d’Haïti pour Amélie chérie, 2009.
Julia LEX, La saison des papillons , 2009.
Marie-Lou NAZAIRE, Chronique naïve d’Haïti , 2009.
Edmond LAPOMPE-PAIRONNE, La Rivière du Pont-de  Chaînes , 2009.
Hervé JOSEPH, Un Neg’Mawon en terre originelle. Un périple africain , 2008.
Josaphat-Robert LARGE, Partir sur un coursier de nuage s, 2008.
Max DIOMAR, 1 bis, rue Schoelcher , 2008.
Gabriel CIBRELIS, La Yole volante , 2008.
Nathalie ISSAC, Sous un soleil froid. Chroniques de vies croisées , 2008.
Raphaël CADDY, Les trois tanbou du vieux coolie , 2007.
Ernest BAVARIN, Les nègres ont la peau dure , 2007.
Jacqueline Q. LOUISON, Le crocodile assassiné , 2006.
Claude Michel PRIVAT, La mort du colibri Madère , 2006.
 
Beaudelaine PIERRE
 
 
La Négresse de Saint-Domingue
Roman
 
 
L’Harmattan
Note de l’auteure
 
Ce roman est une œuvre de fiction avec, pour fond, des faits historiques. La chronologie de certains événements a été quelque peu modifiée, en vue de faciliter la narration.
 
 
Saisie du texte: Densie Pierre.
 
 
 
 
© L’HARMATTAN, 2011
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
 
Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
 
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-54418-5
EAN : 9782296544185
 
A Mariette Belhomme,
ma mère
 
Pour Ann-Lyse et Maxence
 
"Depi nan Ginen nèg renmen nèg".
Suze Matthieu
 
Depuis la Guinée, le nègre aime le nègre
(Traduction, Marie Lily Cérat)
 
Ce coin de terre dont je vous parle est aujourd’hui connu de tous. Pourtant, à une époque pas trop lointaine, son histoire se perdrait entre les plis du vent comme l’eau douce se mêle à l’océan. Ainsi qu’il arrive que le volcan devienne cendres, il peut advenir aussi qu’un grain de poussière éclate et vole sa gloire au soleil.
Vint une époque où des hommes se firent Dieu dans une grande île des Caraïbes. Ils prirent femme comme partout ailleurs. L’histoire en parle très peu. Mais comme beaucoup d’autres, mon esprit s’illumina et construisit sa propre histoire. C’était, à l’époque, la colonie de Saint-Domingue. C’était aussi le temps de vie de sa Négresse.
 
4h du matin. Les coqs n'ont pas encore chanté. Je quitte rapidement mon lit. Je ne l’aime pas ces derniers jours. Commence peut-être la crainte de ne pas me lever un de ces matins. Mes mains sont froides. Mes lèvres sont sèches. Ma salive a le goût de l’amertume.
Je me dirige vers la cuisine d’un pas chancelant. Un kafe griye me remontera peut-être le moral. Au centre de la table mon godet m’attend. La carafe aussi. Je remplis rapidement le godet avec la fébrilité de quelqu’un qui évite d’être seul avec ses pensées. Mes lèvres tremblotent. Mes paupières tombent. Mon cœur se fend. Je respire, haletant. Puis je me jette sur mon fauteuil. Le seul dans la maison. Je ne bois pas mon kafe . Ma bouche porte l’odeur du vide. J’avale difficilement ma salive. Je respire à grands coups. Je réalise avec dégoût que la terre ne veut plus de ma personne.
J’éclate tout à coup d’un fou rire ! L'écho qui s’ensuivit emplit l'atmosphère de traces de solitude et de désespoir. Un rictus se dessine lentement sur mes lèvres. Ma vie s’envole comme une brise qui vient et qui part sans laisser de traces. J’ai le sentiment de vivre un de ces moments qui laissent à l’âme un arrière-goût de désillusion. De vide. Tout s’embrouille dans ma tête et dans mon cœur. Mes plus beaux souvenirs s’effritent au passage du temps. Je ne me souviens plus de rien.
Soudain, ce qui reste de mes souvenirs s’entrechoque et se croise. Dans ma tête et dans mon cœur, c’est la lutte pour la survie. Une lutte pour que la vie m’accorde sa grâce. Une seconde, une heure, un jour de plus. Je ne sais pas. Peut-être qu’après je saurai me retirer sans trop me battre. Il est sage de s’en aller de soi-même quand on est de trop.
Viennent les ténèbres. L’obscurité m’envahit. Je n’ai conscience de rien. Je sens venir mon heure avec le dégoût de quelqu’un qui part sans avoir rien fait de sa vie ; je m’abandonne à mon invincible adversaire. J’attends, je ne sais quoi. Je ferme les yeux. Je suis vaincu. Ma salive s’attache à ma gorge. Le godet s’échappe de ma main droite et tombe. Le bruit est grinçant, moqueur. Le kafe griye délaisse ma chemise et mon pantalon. Il se répand sur le sol. Il est noir. Senteur néant. Couleur du vide.
Soudain un rayon de lumière me transperce l’âme. L’éclat de rire qui monte à mes oreilles est vrai ; l’odeur du kafe griye envahit ma bouche ; mes yeux s’ouvrent à la lumière. Mes doigts se referment. Mes lèvres se joignent. J’avale ma salive. C’était il y a bien longtemps.
 
 
Première partie
 
L’arrivée
 
Je l'ai connue, la fille de Saint-Domingue. De nous deux, elle est partie la première. Cette histoire est avant tout la sienne. Je n’existe pas non plus en dehors d’elle. J’aurais aimé la commencer en vous disant, « il était une fois ». Mais Tara et moi nous ne vécûmes pas un conte de fées. Nous n’avions pas eu d’enfants non plus. Tout ce que nous possédions, c’était nos deux peaux, nos deux couleurs, si différentes l’une de l’autre, et qui auraient pu avoir raison de nous. Tout ce que nous vécûmes, c’est cette histoire de peau, d’esclavage et de sang. Où la couleur est tout. Où le destin est tracé avant même qu’on soit expulsé des boyaux de sa mère.
Voilà qui m’a tout l’air d’une confession, mais qui n’en est pas une. Je n’ose pas non plus l’appeler mon testament ; c’est un bien trop gros mot pour moi. Même si j’ai entamé, depuis peu, ce satané cinquantième anniversaire, il n’est pas encore le temps de dire au revoir. Mais, voyez-vous, je n’ai jamais tant senti le besoin de me raconter, de débarrasser mon cœur d’un secret trop bien gardé. J’éprouve, en ce moment, les douleurs terribles de l’enfantement.
L’heure est venue de vous dire mon témoignage. Oui, je préfère ce mot-là. Mais quand j’aurai fini, appelez-le comme bon vous semble. Parce qu’au bout du compte, ils sont tous les mêmes, ces mots que l’on utilise à tort et à travers pour dire la même chose. Au fin fond de mon cœur, je sais que je ne serai plus là pour en juger. Mais j’aurai quand même eu le temps de vous faire mes confessions.
C’est elle mon histoire, la fille de St-Domingue. Histoire comme on en voit à chaque coin de rue. Je doute que la brise, dans les plis de son jupon, en ait gardé quelques traces. Mais c’est surtout l’histoire de son peuple. Je n'ai pas tout vu ; je n'ai pas tout entendu. Mais je vous dirai bien plus que ce que j'ai vu et entendu. Je vous dirai aussi ce que m'ont raconté mes frères et ceux de mon peuple. Comment, dans un coin du monde, sur une île que les dieux et les esprits ont arrosée de leurs pleurs, un peuple a construit sa destinée dans les larmes et dans le sang.
 
Chapitre 1
 
Le ciel était bleu par certains endroits. Il revêtait une teinte de pourpre du côté où le soleil s’en allait. Par-delà les montagnes, il avait une couverture grisâtre qui vous fendait le cœur. Le ciel n’avait pas de couleur tout simplement. Ici, il paraissait plus grand qu’ailleurs. Ici se dressait le joyau des colonies françaises : Saint-Domingue.
Le capitaine du bateau donna le signal d’arrivée. On gag

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