La rivière Aramis
261 pages
Français

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La rivière Aramis , livre ebook

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Description

Le premier tome de La Rivière Aramis s'ouvre à l'époque du Chah, alors qu'il prétendait faire de l'Iran une des plus puissantes nations du monde. S'appuyant sur les souvenirs de son adolescence vécue dans l'une des régions les plus reculées, le narrateur, donne quelques clés pour comprendre comment l'Iran, un des berceaux de la civilisation, a brutalement basculé dans l'Islam.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2008
Nombre de lectures 32
EAN13 9782336258645
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La rivière Aramis

Khorram Rashedi
Du même auteur
Les femmes en Iran avant et après la révolution Éditions Nouvelle Rupture, 1983
Darius roi des rois Éditions n°1 Calmann-lévy, 2003
Le couronnement d ’ Ester Éditions n°1 Calmann-lévy, 2004 Avec la collaboration de Bernard Hebert
L’auteur
Publication de centaines d’articles et d’éditoriaux en différentes langues Fondation de la revue cuiturelle Les pays des 1001 nuits en France Création de la télévision on line www.Orientpresstv.com Contact : info@orientpresstv.com
© Éditions Orierrt Presse, 2008 7, rue des Fossés ; 94350 Villiers-sur-Marne
tél/fax: 00 33 (1) 49 30 34 88
9782296067479
© L’HARMATTAN, 2008 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@\vanadoo. fr harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-06747-9 EAN ; 9782296067479
Sommaire
Page de titre Du même auteur Page de Copyright
Je remercie infiniment Yvonne Savary, dont la collaboration littéraire m’a permis la rédaction de ce livre
La rivière Aramis déroule ses méandres dans la plaine côtière située non loin du détroit d’Ormuz. Les crues gonflent ses eaux deux fois par an mais, le reste du temps, seul un léger courant s’écoule entre les bancs de sable. Des palmiers géants à perte de vue abritent du soleil impitoyable une cinquantaine de huttes posées au milieu des palmiers.
Cependant que je jouais au kir jangua dans le lit asséché de la rivière en compagnie de camarades de mon âge, deux hommes, deux fumeurs de cigare, penchés sur un globe terrestre, se partageaient le monde. L’entrevue se déroulait à Yalta, sur les bords de la Mer Noire, à des milliers de kilomètres, dans des lieux et entre des personnages que je ne pouvais imaginer. Staline et Churchill avaient de bonnes raisons de s’intéresser à l’Iran, ce beau pays qui flottait sur un lac de pétrole. Ils avaient aussi quelques bons prétextes pour se l’approprier : le roi d’Iran, Reza Shah Pahlevi, resté neutre pendant le conflit qui s’achevait, n’avait jamais caché ses sympathies pour l’Allemagne hitlérienne. Pour prix de son imprudente amitié, les Russes et les Anglais se partageraient le pays.
A cette époque, vers la fin de la seconde guerre mondiale, mes parents étaient revenus vivre avec leurs deux enfants, Skandar mon petit frère, et moi, l’aîné, dans l’extrême sud de l’Iran. Dans notre village moyenâgeux, sans électricité ni eau potable, tous les habitants étaient pêcheurs ou ouvriers agricoles ; ils vivaient de fèves, de dattes et de poissons. L’orge et les lentilles étaient réservées aux jours de fête.
Les huttes misérables, couvertes de feuilles de palmiers, abritaient les villageois de la chaleur excessive de l’été durant la journée, mais, le soir venu, le lit de la rivière, large par endroit de près d’un kilomètre, faisait office de grand dortoir. Les hommes s’éloignaient pour palabrer, tandis que les jeunes garçons se livraient à des jeux quelque peu indécents avant de s’écrouler pour dormir au clair de lune sur le sable fin.
Torses nus, effleurés par un très léger zéphyr qui transportait les effluves du jasmin et de l’oranger, ils s’adonnaient à leur jeu favori, le kir jangua, la bataille des zizis. Les aînés, venus en arbitre ou en spectateurs, formaient arène autour des gamins dénudés qui se caressaient en éclatant de rire pour obtenir les plus belles érections ; puis, les mains derrière la nuque, c’était à qui frapperait du sien le zizi de son adversaire. Le gagnant était bien sûr le plus vigoureux parvenu à faner successivement tous ses rivaux. Ce jeu innocent nous amusait fort, même ceux qui comme moi étaient encore trop jeunes pour se mesurer aux grands.
Nous aimions la rivière Aramis comme notre maison, comme notre patrie, elle était notre fierté. Rien n’était comparable à la douceur des soirées sur ses sables. Pourtant notre bonheur allait être perturbé pour quelque temps. A Téhéran, le pouvoir de Reza Shah Pahlevi sortait très affaibli d’une guerre à laquelle il n’avait pas participé. Des troubles éclataient dans les zones frontalières, plus personne n’était là pour faire respecter la loi, notre village lui-même devint la cible de brigands.
L’attaque survint peu après minuit. Les Bashakardis, nomades et pillards, vivaient dans le désert au-delà des collines qui surplombaient le fleuve. A la faveur de la nuit, venue par petits groupes, ils razzièrent le village puis s’évanouirent dans la nature, emmenant avec eux des femmes et de jeunes garçons.
On devine sans peine le sort réservé aux femmes, celui des garçons était pire encore. Embarqués sur une felouque, ils traverseraient la mer jusqu’à quelqu’île déserte au large des Emirats arabes, pour y être échangés contre des armes et des munitions. Promis à l’esclavage, les plus beaux partageraient la couche de vieux cheiks riches et dépravés, ceux que leurs maîtres anglais appelaient avec mépris dirty old men . L’horreur chez ces gens-là avait un nom, le kharaspou. Une pièce de bois tournant que les tortionnaires utilisaient pour rendre propre à la sodomisation le derrière de ces pauvres enfants, pour satisfaire la sexualité débridée de leurs maîtres arabes.
Les victimes de la première nuit appartenaient à notre famille. Pour échapper à un nouveau malheur, nous nous vîmes contraints de fuir avant la tombée du jour afin de nous réfugier dans un grand sérail au cœur de la petite ville de Minâb, une citadelle très ancienne située à six kilomètres en amont.

Ce premier exode restera marqué dans ma mémoire à jamais. Un crépuscule mélancolique, une chaleur accablante ; les aboiements des chiens ; les cotonnades transparentes collées sur la poitrine nue des femmes qui se précipitaient pour quitter le village.
Chacun enfin s’était mis en route. Comme mon petit frère Skandar et moi-même faisions partie des privilégiés, notre oncle nous avait attachés dos à dos contre le bât de son âne famélique. Puis il avait placé sa chique contre ses gencives et s’était baissé devant l’animal, semblant le supplier d’avancer, une poignée d’herbe tendue en guise d’offrande. Tout au long du trajet, entre deux rations, il levait des yeux inquiets pour s’assurer que nous tenions toujours. Et nous étions bien là.
Précédant notre bourricot, un baluchon sur la tête et les manches relevées jusqu’aux épaules, les femmes portaient leurs jeunes enfants dans leurs bras. Du haut de notre perchoir, nous regardions la triste cohorte des réfugiés, gênés de voir nos cousins et nos cousines courir pieds nus sur tant de kilomètres depuis notre village jusqu’à la ville.
Skandar riait en tirant le licou et battait de ses jambes les flancs de notre pauvre âne, profitant lâchement de son mutisme assuré. Quant à moi je soupirai avec tristesse, et regrettai seulement de ne pouvoir m’endormir sur le sable chaud et sec de la rivière.
Cette promenade vespérale de deux heures à travers les potagers, les palmeraies et les plantations de flamboyants, de goyaves et d’agrumes, me permit pour la première fois de découvrir la région au-delà du village. Le chemin, qui serpentait d’un village à l’autre, empruntait de petits ponts à claire voie que l’âne, dérouté, refusait de franchir, menaçant de nous désarçonner. Plusieurs fois il nous fallut mettre pied à terre.
Au coucher du soleil, notre petite troupe arriva au sérail qui s’élevait aux abords de la cité, sur les bords du Goraz 1 , un minuscule ruisseau dont le cours traversait la ville et les villages blottis au creux de ses méandres, jusqu’à la mer. Forteresse et hôtellerie à la fois, le sérail abritait une écurie, des fours et un bassin dans lequel hommes et bêtes trouvaient de quoi se rafraîchir. Aucun bandit n’aurait le courage de mettre les pieds dans un lieu si bien protégé, nous y passerions les nuits en sécurité. Les gamins en tête, nous grimpâmes sur le toit immense d’où nous dominions la ville. Les adultes installèrent la nuitée. Les lumières scintillantes des lanternes allumées tout au long de la grande rue clignotaient comme autant d’étoiles étincelantes ; parfois, venu du levant, le chant d’un passant brisait le silence de la nuit.
Le sérail appartenait à un certain Hajabdollah, un négociant en dattes sèch

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