LE CAFE DE L ESPERANCE   ROMAN
247 pages
Français

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LE CAFE DE L'ESPERANCE ROMAN , livre ebook

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247 pages
Français

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Description

"Tu as toujours été trop sage. Il fallait bien qu'un jour un sursaut ait lieu. Ce n'est pas entre deux hommes que tu es écartelée, c'est entre toi et celle que tu veux conjuguer avec les autres".ŠHélène Dehemme va connaître ce sursaut à trente-trois ans, quand elle est parachutée en Guyane. Deux hommes, deux amours, des enfants, des projets, des doutes... Pas facile d'être un femme !Š

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2011
Nombre de lectures 41
EAN13 9782296465367
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Café de l’Espérance
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-55191-6
EAN : 9782296551916

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Bénédicte Froger-Deslis


Le Café de l’Espérance


Roman


L’Harmattan
À Vous…
LA BIFURCATION
« Nous traversons le présent les yeux bandés. Tout au plus pouvons-nous pressentir et deviner ce que nous sommes en train de vivre. Plus tard seulement, quand est dénoué le bandeau et que nous examinons le passé, nous nous rendons compte de ce que nous avons vécu et nous en comprenons le sens. »
Milan Kundera
« Risibles Amours »
Quand ?
Début septembre.
Pas question. Le climat est pourri, les enfants trop petits et moi trop Nantaise !
Profite de cette occasion ! En Guyane, tu auras la chaleur, le rhum, le tourisme à longueur d’année ! Et moi, j’en rêve de cette promotion !
Quel cadeau de la Saint Valentin ! Tu m’aurais envoyé un skud en pleine figure, j’aurais trouvé cela plus tendre.
Ma poulette, je t’assure, cela vaut le coup.
Je ne suis pas ta poulette. C’est clair : je ne par-ti-rai pas !
On en reparlera. Tiens, attrape ça ! Ce n’est pas un missile ; juste des fleurs… Mets-les au congélateur : on les ressortira dans quelques mois… Bonne fête !
La porte claque.
Et on n’en parle plus ! Seules des brochures traînent dans la chambre et le salon. On oublie Bach pour des mélopées plus chaloupées.
Le printemps s’éternise.
En moi… déroute, refus absolu !… Non mais, c’est quoi cette lubie ? Elle n’était pas prévue au programme !
Pourtant je fais des efforts : je me bouscule, me sermonne, me planifie. François, lui, est déjà inaccessible, ayant survolé les continents par la pensée.
Juillet : La Baule et ses galettes. J’ouvre la maison, dévalise Emile (Emile le crémier, sur la place de l’Église) ; un détour par le Club des Dauphins pour m’assurer que les enfants sont bien sur la liste. Tout ceci au pas de charge, sous les injonctions d’un mari béat qui n’oublie pas sa phrase magique : « Ferme les yeux. Respire un grand coup. Humm ! Cet air, cet iode, ce varech ! ». Jamais jusqu’à présent je n’ai transgressé la règle. Mais là avec l’imminence du chamboulement, j’ai des bouffées de chaleur et l’envie de me rebiffer.
Toutefois, je retrouve avec plaisir ma villa. Heureuse comme après une promenade en forêt l’hiver quand on pénètre dans une pièce chaude, un thé fumant dans les mains. En réalité, Saint-Expédit est plutôt la villa de François puisque chez les Dehemme les demeures se transmettent au fil des générations comme bijoux, meubles, recettes de cuisine et superstitions. J’ai quand même imposé ma griffe en remplaçant les fenêtres du salon par des vitraux représentant une station balnéaire des années folles : baigneurs, cyclistes, enfants jouant au cerceau. Des rouge coquelicot, jaune serin, bleu azur qui donnent à Saint-Expédit un caractère atypique. Le soir, quand l’ancestrale cheminée de granit s’embrase, on dirait une lanterne kaléidoscopique échouée au bout de la baie.
Désireuse d’occulter l’avenir, je me gorge de frivolité, séduisant mon mari (mon Franz !) tout émoustillé mais hélas trop captivé par sa pêche, son bateau, son futur équateur. Il part tôt matin sur son canot à moteur. Moi je flâne au marché au milieu d’une gaieté métropolitaine dont je me sens exclue. J’arpente les côtes, affrontant du regard l’océan, comme lui lançant un défi. Seule avec cette masse mouvante, j’arrive à me vider de ma substance. Je suis un témoin passif de ma révolte projetée à l’infini.
Là, ma décision est sans appel : mon petit gros (un mètre soixante-dix quand il se met sur la pointe des pieds, des rondeurs disséminées un peu partout, le cheveu châtain épais, des yeux gris ardoise) partira sans nous ! Revenue dans le cocon familial, je m’écrase et prépare le déménagement !
En août, retour à Nantes. Là, je bourre la caisse qui va partir sur un océan-frontière, assemble les derniers cartons pour Saint-Expédit, récure, repeins l’appartement.
Dans ce décor fin de règne… arrive Jean… Jean Gaspard (un mètre quatre-vingt-dix pieds au sol, longiligne, la chevelure ondulée miel, un regard vert tilleul) qui affiche un sourire de contrebandier.
Le tour est joué ! J’ai obtenu ma mutation en Guyane. On vous rejoint à Noël !
Agnès doit être furieuse ?
Elle hurle, m’injurie, prévoit les pires catastrophes ! Je compte sur ton rhum pour l’amadouer.
Tout à coup surgit un allié. Je vais embarquer dans mes bagages un témoin du passé, un connaisseur. Jean a toujours été présent : étudiant en architecture avec François, témoin à notre mariage, associé très professionnel de mon mari. Pourtant, là, en l’écoutant, je le découvre, tandis que la conversation glisse vers la confidence. Tour à tour nous formulons les mêmes pensées, nous devinant une réelle complicité, les mêmes aspirations. Ouah ! Quel bien-être, cette récréation !
François rentre ; nous, nous sommes toujours en conciliabules. Une pénombre nimbe le salon dévasté. Par les fenêtres ouvertes s’engouffre un vent annonciateur d’orage. Nous sommes coupés du monde, exilés dans notre imaginaire.
À partir de cette soirée, je dois me battre contre cette autre moi-même qui s’évade vers l’inconnu. Toujours un visage vient supplanter mon environnement. Mes yeux voient François… Je ne pense qu’à Jean ! La vie devient soudain insipide. Mon corps ? Doux mais mou ! Mon mari ? Un colocataire pépère ! La passion ? Pfft… Un vague souvenir !
Stop ! Suffit ce constat de grand-mère ! Prouve qui tu es !
Au fil des jours, sommeil et appétit s’envolent. Je sursaute au moindre coup de téléphone, trouve mille excuses pour aller au bureau de François, dans le seul espoir d’y rencontrer quelqu’un d’autre.
L’incroyable devient évidence. Je me sépare de ma tribu.
Venus à bout de notre ancienne vie, nous prenons enfants, cantines et mouchoirs pour accomplir le grand saut.
Je ne suis encore jamais montée dans un avion : j’en ai presque honte. François rit de mes yeux écarquillés, tour à tour émerveillés, inquiets, sceptiques, ravis.
Le bruit des roues se mettant en branle me serre le cœur ! Ce n’est pas la nausée : plutôt un coup de poignard. Je sens une secousse, une masse violente me cheville au siège, me bouchant les oreilles. François applaudit : « Baptême de l’air réussi ! ». Baptême d’enfer, oui !
Toutes les dix secondes je vérifie ma ceinture, serrée comme un corset. Je ne peux même pas me lever. Si je dois mourir, ce sera près des miens, fesses cachées ! Les turbulences me liquéfient. Je suffoque, guettant la moindre anomalie. Tout et tous me paraissent suspects. Je suis entourée de terroristes, coincée dans un coucou d’avant-guerre défaillant. Pour sûr nous allons nous crasher, dégringoler au milieu de l’atmosphère, souffle coupé, sans aucun rêve à venir !
Une voix suave annonce la fin du supplice. Je me redresse, ne voulant rien perdre de cette arrivée fantasmagorique. Je ne vois d’abord que du vert. Du vert à perte de vue – un bloc compact de feuillages. Puis soudain, plus rien. Du gris perlé. Le ciel s’insurge… Scène de nuages ! Tout alentour crépite : la carlingue est bombardée de mille catapultes pendant que nous descendons.
L’avion se pose tel un ivrogne chancelant. De gauche à droite nous balançons avant d’être projetés en avant puis brutalement en arrière.
Nous sommes le 11 septembre 1990 : sept heures du matin… vingt-sept degrés au sol ! La Guyane nous accueille sous le déluge.
Chaleur moite, foule hétérogène, plus de bagages ; les enfants qui se vautrent sur le tapis roulant, l’émissaire du bureau d’études absent, les taxis surchargés. C’est donc pour cela que j’ai quitté la Bretagne ? J’ai envie de vomir et de repartir illico !
Enfin, un squelettique blondinet se présente. Sans grande conviction il nous charge dans son minibus, répondant aux questions de François par onomatopées. Ébahie, je découvre le pays qui a hanté mes dernières nuits. Une végétation luxuriante s’étale à l’infini. Rempart touffu de palmiers, bananiers. La flore, maîtresse des lieux, semble octroyer une faveur à l’homme en acceptant habitations et bitume. Tout au long de la route de misérables maisons égaient le paysage. Peintes en rose, bleu, jaune, on dirait de gros bouquets chat

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