Le Chevalier de saint Hymetière
222 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Le Chevalier de saint Hymetière , livre ebook

-

222 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Voici le récit d'une épopée mettant en scène trois personnages dont les vies se rejoindront : Clément, égocentrique et matérialiste; Hymeterius, ermite jurassien du VIe siècle et enfin Léna, clef de voûte de leurs destins.ŠOpposant le dénuement monastique des premières heures de la chrétienté à l'opulence de nos modernités, ce roman pose la question de la décroissance. Une question essentielle à la pérennité du monde.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2012
Nombre de lectures 46
EAN13 9782296484320
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Chevalier de saint Hymetière
Damien Corban


Le Chevalier de saint Hymetière

Roman
Du même auteur

Roman

Au nom du Père, du Fils et… de la poésie, Éditions Amalthée (épuisé), Nantes, 2009.


© L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-96139-5
EAN : 9782296961395

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
À ma grand-mère disparue,
elle fut ma première lectrice.
Prologue
P our saisir la force, la puissance, la mystique même de ce qu’il se passa ce soir d’il y a fort longtemps, il serait, en préambule, nécessaire de savoir se représenter un paysage immaculé. Un paysage superbe où mille collines couvertes d’ifs se laisseraient découvrir jusqu’à mort d’horizon.
Il faudrait pouvoir se représenter ce paysage comme on observerait un tableau de style Renaissance. Les collines s’étalant à l’infini en composeraient le drapé sublime, et la lumière du jour déclinant en formerait le clair-obscur unique, un clair-obscur où la verdure se verrait tantôt candeur, tantôt ténèbres.
Pour rêver de ce tableau que Michel-Ange ou Raphaël eussent pu nommer Le Paradis d’Adam , Dieu créa la Terre ou encore simplement Nature originelle, il eût aussi fallu se représenter la cime d’où ce tableau eût pu se rendre visible.
Une cime unique, singulière. Une cime mythique même. La cime d’un mont que l’on nommait autrefois le « mont Chauve ».
Le mont Chauve : un mont orphelin de toute verdure, rocailleux à souhait et dominant de peu tous les autres. Tous les autres, oui. Tous les autres dont les sapins faisaient la banalité.
Pour saisir la force, la puissance, la mystique même de ce qu’il se passa ce soir d’il y a fort longtemps – et qui, peut-être déjà, forgea en partie le destin des hommes –, il est nécessaire donc de se représenter tout cela. De se représenter ce décor préhistorique empli de forêts primaires. De se représenter ce mont unique qui, au milieu des autres, tel le mont Olympe, semblait appeler de son charisme tous les hommes qui cherchaient la vérité des cieux…

Ce soir-là sur le mont Chauve donc – à l’aube du IV e siècle après J.-C., près de cette cité que l’on nommait « Isarnodurum » {1} , tout au sud de la Gaule séquanaise {2} –, ils étaient pléthore à s’être entassés. Pléthore à avoir gravi le sentier étroit et escarpé. Pléthore à s’être rendus à l’appel.
Fédérés par leur misère et par leur prétendu « insavoir », ils se bousculaient, même à présent que le « crâne chauve » semblait regorger d’eux comme d’autant de poux morts.
S’ils étaient si nombreux à être venus de l’antique « Porte de Fer » (ancien nom donné à Isarnodurum et à son temple), s’ils étaient si nombreux parmi le peuple séquanais à s’être réunis sous les mauvais jours de leur dieu du Ciel – lequel faisait le vent souffler, la pluie tomber et la nuit s’avancer –, c’est qu’un grand rituel leur avait été annoncé.
Le dernier, leur avait-on dit…
Face à trois officiants à la mine sérieuse et concentrée et face à la rigidité lourde qu’aussi à leur faciès ils imposaient, chacun comprenait maintenant à l’évidence que l’augure était mauvais.
Très mauvais même.
Aussi saisissant que le nombre important de fidèles pût le faire paraître, la foule restait silencieuse. SI-LEN-CIEU-SE. Pas un bruit. Pas un toussotement. Pas une respiration. Pas même le son d’une branche qui craque ou d’une pierre qui roule. Seul venait à l’ouïe le sifflement du vent. Celui-ci, bien sûr, était éternel commensal à ces cérémonies où l’altitude le conviait.
Le temps s’était figé, et le dernier rituel semblait ne jamais vouloir s’amorcer quand, soudain, juché sur un rocher surplombant la falaise, un anonyme s’écria :
Le moment est venu !
L’anonyme avait le doigt tendu vers la colline qui lui faisait face, et le regard de tous se porta vers la direction qu’il indiquait. Au loin, dans une fine bande d’éclaircie, il montrait un soleil rougissant qui se couchait au ras de la crête. Le cœur de feu disparut lentement, jusqu’à ne laisser visible que son seul reflet orangé.
Le jour est sacrifié, la cérémonie peut commencer, annonça l’un des trois officiants.
L’assemblée se tourna alors vers les trois hommes visiblement importants.
Tous trois étaient grands et dotés d’une épaisse barbe. Par leur posture et leurs artifices, ils inspiraient le respect. Chacun portait une longue tunique blanche et flottante, maintenue par une ceinture de cuir. Leurs chausses rudimentaires et leurs cheveux sales volant au vent n’étaient, quant à eux, pas des signes distinctifs de misère mais bien de dignité, car la chevalière gravée d’un chêne qu’ils arboraient fièrement attestait de leur rang : ils étaient druides.
Les antiques personnages alignés face à la foule gardaient les yeux clos et faisaient des incantations en agitant les mains au-dessus d’un superbe chaudron de bronze. Sous ce chaudron à trépied, un feu vif et démesuré faisait son œuvre ; et rien ni personne n’osait s’approcher à moins de quelques mètres des officiants. De leur bouche sortaient des sons indistincts ponctués de gloussements qui, doucement, muaient jusqu’à devenir une espèce de chant barbare.
L’homme du milieu, qui semblait être le plus vénéré des druides, cessa soudain ses incantations et entrouvrit faiblement les paupières. Se laissèrent alors entrevoir ses petits yeux rouges et malicieux qui sillonnaient l’horizon. Quand il vit l’étoile du berger briller distinctement dans le ciel devenu noir, lors, il ordonna :
Qu’on amène l’animal !
Deux hommes tenant par les pattes un jeune sanglier se frayèrent alors un chemin à travers l’assemblée. L’animal était vivant mais simplement assommé, et il fut disposé au pied du chaudron.
L’un des druides prit la parole :
Nos ennemis sont nombreux, trop nombreux ; et la nature vous rend grâce d’avoir bravé les interdits pour venir jusqu’ici. Je laisserai maintenant la parole à notre archidruide qui vous expliquera le but de cette clandestine cérémonie.
Mes amis, commença le Grand Druide, vous le savez, nos traditions sont en grand péril ici comme ailleurs ; notre culte de la nature n’est plus toléré. Après les dieux de Rome avec lesquels il avait fallu cohabiter, l’arrivée de la nouvelle croyance nous pousse définitivement vers l’abîme. Leurs croix de bois s’imposent désormais partout dans les sanctuaires de nos ancêtres. Bien sûr, le divin est dans les montagnes, les rivières et les forêts, et nous gardons notre philosophie sans avoir besoin de temple. Mais, mes amis, si ce qui fut prêtrise devient sorcellerie aux yeux de tous, si l’histoire s’acharne et nous fait moins nombreux tous les jours à croire au chant des oiseaux, il nous faut sauver l’essentiel, il nous faut sauver notre Savoir !
Vous abdiquez ! s’exclama un participant. Vous prierez pour leur Dieu du désert !
Oh non ! répondit le Grand Druide. Nos âmes immortelles continueront à honorer Teutatès {3} , Épona {4} et tous les autres dans la forêt, car les hommes de la forteresse d’Isarnos {5} ne s’avouent pas vaincus si facilement. Il nous faut cependant prévoir l’avenir et transmettre le Savoir que la nature nous a inspiré. Mes amis, si nul ne doit oublier que la vie est basée sur l’équilibre des choses de la nature, nous ne pouvons pour autant consentir à transcrire notre Savoir par écrit, ni même songer à le graver dans le marbre à la manière des Romains et de leur impie latin car, vous le savez, la langue celte est celle du cœur et de l’esprit. Elle est oralité. Aussi mes amis, si nous sommes rassemblés ici ce jour d’hui, c’est pour désigner celui qui sera le Gardien de notre Savoir, et celui-là le devra protéger comme sa vie et le transmettre à jamais à ses descendants. Mais avant toute chose et pour trouver l’élu, il faudra laisser les esprits nous guider ; aussi, laissons parler les entrailles du sacrifié. Oui, que parlent les entrailles du sacrifié !
Après que l

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents