Le crépuscule des moeurs. Roman
288 pages
Français

Le crépuscule des moeurs. Roman , livre ebook

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288 pages
Français

Description

Dans ce roman, on est éprouvé par les difficultés que rencontre un protagoniste, victime de l'injustice et des menées cyniques des hommes. On est réconforté par l'intervention salvatrice de Wefiat, qui met fin à une suite de désordres sociaux.


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Informations

Publié par
Date de parution 02 juin 2016
Nombre de lectures 10
EAN13 9782140011665
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Marc KÉOU
LE CRÉPUSCULE DES MŒURS Roman
Lettres camerounaises
Le crépuscule des mœurs
Lettres camerounaises Collection dirigée par Gérard-Marie MessinaLa collection « Lettres camerounaises » présente l’avantage du positionnement international d’une parole autochtone camerounaise miraculeusement entendue de tous, par le moyen d’un dialogue dynamique entre la culture regardante – celle du Nord – et la culture regardée – celle du Sud, qui devient de plus en plus regardante. Pour une meilleure perception et une gestion plus efficace des richesses culturelles du terroir véhiculées dans un rendu littéraire propre, cette collection s’intéresse particulièrement à tout ce qui relève des œuvres de l’esprit en matière de littérature. Il s’agit de la fiction littéraire dans ses multiples formes : poésie, roman, théâtre, nouvelles, etc. Parce que la littérature se veut le reflet de l’identité des peuples, elle alimente la conception de la vision stratégique. Déjà parus Maboa BEBE,Salmat la musulmane et Alan le chrétien, 2016. Maboa BEBE,Dangereuses fréquentations. Une arnaque financière, 2016. OPIC Saint Camille,Les chansons du cœur, 2016. Patricia NOUMI,Une aube nouvelle, 2016. Marie-Louise BILO’O NDI,À contrecœur, 2016.MADJIRÉBAYE HERVÉ,Déportation rémunérée, 2016. Hubert ONANA MFEGE,Au fond du crépuscule, 2016. Calvin Blaise MANJIA,Un amour empoisonné, 2016. Ebenezer KOB-YÈ-SAMÈ,L’équation de mon pays. Jour et nuit / Buose na Bulu, 2016. Jules Darlin NAKEU TSAGUE,Le drépanocytaire, un malade victorieux, 2016. Mukoma LONDO,La fille du procureur, 2016. MASSONGO MASSONGO,En rime, de l’abîme à la cime,2015. Appolinaire NGANTI NGONGO,Laid comme Belzébuth,2015. Charles SOH,L’homme qui creusait, 2015. Jean-Baptiste MAPOUNA,Les pieds sur terre, 2015. Christiane Louise Félicité KADJI,Au pays de la magie noire, 2015. Dieudonné MBENA,Offrandes poétiques aux Mères, 2015. André LAM, Les étoiles voilées du Sahel, 2015. Désiré MBEKE,Le ventre de mon village, 2015. Grégoire NGUÉDI,Les ombres oppressantes, 2015. Careen PILO,Les vagues tumultueuses de l’amour, 2015. Rodrigue Péguy TAKOU NDIE,Le fardeau de nos pères, 2015.
Marc KÉOU
Le crépuscule des mœurs Roman
© L’Harmattan, 2016 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-08790-0 EAN : 9782343087900
Première partie
CHAPITRE I
- C’est donc un désavantage que d’être né sous cette couleur ! - Regarde à travers le monde. Les mêmes scènes : exploitation, famine, traitements cruels, souffrances, injures à mon être… Les épines me piquent les pieds et me déchirent la chair dans cette brousse, par manque de routes. Sous des cieux bénis, elles sont bien faites. Regarde encore : mes chaussures usées, mon estomac vide, ma santé précaire, mes enfants analphabètes, par défaut de ressources. - Jésus est né en Asie, a pourtant séjourné en Afrique. Pourquoi son passage ici ne t’a-t-il pas porté bonheur ? - C’est la faute à pharaon. Ils marchaient longtemps sur la piste de la brousse et recevaient de temps à autre des gouttelettes d’eau des branches d’arbustes. Ils avaient abandonné la voie principale très longue pour s’engager sur cette ligne droite, mais encombrée, à travers la futaie. Les hautes herbes mouillées de rosée étaient en travers du chemin et freinaient leur course. Quelquefois, elles renversaient le promeneur. Wefiat tira sa machette du fourreau pour couper les plus gênantes. Lentement, le jour pointait. Malheureusement, ils ne percevaient pas les effets lumineux, car annulés par le feuillage touffu. Ils progressaient néanmoins, tantôt à pas de caméléon, tantôt rapidement suivant les difficultés naturelles du passage. De temps à autre, ils levaient haut les pieds pour écraser des herbes géantes couchées sur le sol. Plus loin, Wefiat vit dans la lueur du matin un tronc qui obstruait le chemin. - Il n’y a pas eu d’orage cette nuit. Qu’est-ce qui aurait arraché cet arbuste ? s’étonna l’oncle Nana. Une peur passagère le fit frissonner. Il pensait déjà à l’effort supplémentaire qu’il fournirait pour franchir le gros tronc. Les deux hommes s’avancèrent, muets, à pas réguliers, jusqu’au voisinage de l’obstacle en forme de cylindre. L’attaque fut foudroyante. Un boulet osseux fendit l’air en direction de Wefiat. Il fit un écart à temps. La tête de l’énorme python aux aguets passa en flèche et se projeta dans un enchevêtrement de lianes. Encore sous le coup de la surprise, il ne parvenait pas à définir l’action à entreprendre aussitôt, soit donner la réplique, soit s’enfuir. - Va vers la queue, je m’occupe du reste du corps, dit l’oncle Nana. Le choix était motivé. Le reptile éprouvait de la peine à ramener sa tête coincée entre des plantes grimpantes dont certaines portaient des épines. L’oncle Nana le frappa énergiquement à l’aide d’un solide morceau de bois frais. Il n’entendait pas utiliser sa machette par crainte d’abîmer la précieuse peau de l’animal. Wefiat, mi-
courageux, mi-peureux, s’embrouillait à l’autre bout, reculait de temps en temps, puis s’élançait. Nana matraquait sans arrêt le gros serpent qui se raidissait. « Je ne dois rien à personne », ne cessait-il de répéter. Puis il reprenait opiniâtrement le combat. Enfin, l’animal fatigué, la chair molle, mourut. Le duel avait créé un espace vide. Nana tira et y étendit son gibier. Il fixa le corps pour en évaluer la longueur. Pendant qu’il circulait le long de l’animal, son index fit neuf fois le geste ascendant et descendant. - Ce raccourci a failli nous coûter cher. - Nous nous sommes quand même bien tirés d’affaire, répondit Wefiat… Et puis, tu as de la viande à gogo. Ce n’est pas rien. Les habitants du village qui se rendaient aussi sur les lieux des obsèques les rejoignirent en chemin, courbés sur leur fortune. - La journée vous sera bonne, dit l’un d’entre eux. J’aurais bien souhaité partager votre combat. C’est la sale femme qui occupe ma maison qui m’a retardé avec ses jacasseries, ajouta Siewe en promenant sa langue sur ses lèvres. Il roulait ses yeux comme un démoniaque, fixait avec envie la viande étalée sur des brindilles rassemblées dont le tas ressemblait à un mauvais nid d’oiseau. - Occupez-vous uniquement de la chair, dit Nana avec l’orgueil d’un vainqueur de grande épreuve. Il enroula la peau fraîche et molle et l’enfouit dans son gros sac à bretelles. Ceux qui l’entouraient prirent chacun un morceau et le placèrent également dans leurs sacs. Siewe n’était pas du tout gai. Il savait qu’il aurait empoché un peu plus de viande s’il avait été l’un des acteurs principaux de la scène. Aussi maudissait-il son épouse qu’il appelait « moulin à paroles ». Sur la place des cérémonies, les hommes déblayaient des espaces réservés à la danse. Ils déterraient de vieilles souches et brûlaient des herbes mortes en sifflotant gaiement. Leur esprit survolait des chèvres, des poulets, des bananes et le très grand nombre de marmites d’aliments qui cuisaient au-dessus des fours. Les batteurs réchauffaient des tam-tam pour rendre le cuir plus résonant. Les danseurs demandjô’paraient dans leur cachette. On entendait des sons qui se provenaient des agitations desndihi accrochés à leurs jambes. Ils assisteront à l’inhumation étant déjà dans leur combinaison de spectacle. Quant aux femmes, elles s’entrechoquaient dans leurs mouvements de va-et-vient interminables, transportaient toutes sortes d’objets et d’ustensiles, la fumée dans les yeux, le visage en sueur, la taille serrée dans des pagnes à fleurs. - Pressons les pas, dit Siewe. Nous ne devons pas arriver pendant qu’on nettoie la maison. Laissez-moi passer si vous ne voulez pas aller vite. - Il me semble que tu ne connais même pas le programme, réagit Nana qui considérait que sa journée était déjà bien remplie. Tu as juste appris qu’il y a un
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deuil et te voilà sur le chemin sans aucune autre information. Ce sont les vacarmes des préparatifs que tu entends d’ici. L’enterrement se fera à dix heures, suivi des funérailles dans l’après-midi. Tu dis mieux ? Siewe, bien qu’insatisfait, se tut. Ils quittèrent la lisière de la forêt et s’engagèrent dans un champ villageois aux multiples plantes et cultures. - Menkap entretient merveilleusement sa plantation. - C’est vrai. Il a même eu un prix lors du dernier rendez-vous du monde rural. - Il aurait gagné le troisième prix si les membres du jury avaient été honnêtes. De petits corrompus ! Des cabosses encore vertes, traitées au pesticide, pendaient sur le tronc et sur les branches des cacaoyers, semblables à des abeilles dans un essaim. - Tant pis s’il n’a pas occupé cet honorable rang. Sa production sera encore meilleure cette année. - Qu’est-ce qu’il va en faire ? demanda Wefiat, drapé dans un pardessus chic qui symbolisait la ville. Nous ne fixons aucun prix. Il nous tombe dessus et nous coupe la gorge. Il eût fallu qu’il cultivât de la kola, dumacabo, du gombo, etc., produits dont les prix ne sont pas négociés à Londres. - Londres, c’est quoi ? demanda l’oncle Nana. - C’est une ville… - Située dans ce royaume ? Du côté de Tenshi ou au-delà ? On doit y cultiver beaucoup de nos plantes. - Non. On n’y cultive rien de tout ce que tu peux imaginer. C’est un marché, plus vaste que ton village, où café, cacao, sucre, coton, banane, cuivre, aluminium, or, diamant et bien d’autres produits reçoivent leur prix, qui est fonction de la quantité. Si tu produis beaucoup comme ton villageois Menkap le fera cette année, le coût sera convenu à la baisse et vice-versa. - J’aimerais y vivre, dit Nana, parce que je vais seulement fixer les prix sans jamais savoir quelles sont les dures épreuves de la production… J’accepte encore que les patrons de ce marché-là déterminent la valeur du fer, du pétrole, du coton, des palmistes et vos diamants, voire l’essentiel des produits que tu viens d’énumérer là ; quant à la banane, je ne les autorise pas à le faire. À l’allure où vont les choses, ils finiront par m’imposer le prix auquel je dois vendre lendjindja… Je pensais donc à tort que les prix nous venaient de Yamede. Mes frères n’auraient pas été si méchants à mon endroit. - Tu as des connaissances rétrogrades et tu refuses d’aller passer un séjour en ville, fît-il court, où tu apprendras à connaître le fonctionnement de ce monde, dit Wefiat, un peu fâché.
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