Les artistes ne meurent jamais
184 pages
Français

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Les artistes ne meurent jamais , livre ebook

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Français

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Description

L'ode d'une mère à son fils. Mais aussi la vie d'une femme journaliste-cameraman et son histoire d'amour tragique avec un homme à la vie secrète, donnent une tonalité fondamentale qui parcourt tout le roman : l'univers sensoriel de la révolte, la volonté toujours immanente chez cette femme de rejoindre un ailleurs et d'approfondir le sens de l'existence. ŠCe roman ne se détourne jamais de la promesse des lendemains, de l'émerveillement de l'inconnu et de la découverte ; il ne bat que par la respiration essentielle de l'amour absolu entre une mère et son enfant ; amour porté incessamment par la Musique, substance originelle de leur destin.ŠŠ

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2012
Nombre de lectures 38
EAN13 9782296481992
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les artistes ne meurent jamais
Elona Ciel


Les artistes ne meurent jamais


Roman
© L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-96128-9
EAN : 9782296961289

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
A mon fils, qui m’a donné une nouvelle fois la vie
I
Reste Reste en moi Je suis saoule droguée de tout cet azote respiré De mon corps exténué Reste petit être Mon Union
En ligne de fond au milieu des milliers de kilomètres que je sens défiler à l’intérieur de mon corps, je suis dans l’incapacité d’accéder à la surface. L’azote m’enfouit dans le ralenti de ce que je vis, noyée, suffocante, à chercher les rives.
Peur, si peur que tu ressentes cela, que tu aies mal, de ne pas donner assez. Que veux-tu me dire petit être bousculé d’un bord à l’autre ? Fais-tu du crawl, de la nage papillon ou t’essaies-tu à la haute voltige ? Je ne fais pas mal à ta petite tête, dis, à te transporter ainsi dans tous les sens ? Tu dors petit bébé ? Et si ça mon bébé, je ne t’ai pas réveillé, dis ?
Lourde de ces huit mois passés qui ont nourri mon corps, qui l’ont ramifié et inventé pour d’autres dimensions, je vivais l’inouï. « Il s’approche, continuez », me dit une des sages-femmes. Continuer à trouver en moi encore plus de force, la seule, l’ultime, pour la respiration, pour ta respiration, la nôtre, mon chéri. Continuer en coureur de fond avec la force de tout mon corps pour que tu respires, pour ta vie, ta vie mienne. Te garder. Te protéger. Oui, te garder encore, encore profond, tout en moi. Tarder. Avec cette peur que tu sortes de moi, que tu sois effrayé de cette nouvelle vie. Effaré. Mon petit être si peu préparé à l’agressivité de cette vie hors-de. Hors de tout. Mais je te garde dedans, dedans au cœur toujours te garderai, tu le sais, comme les secrets des textes sacrés qui parlent de l’Unité. Mon petit être. Mon Etre. Ma totalité.
Trop tôt Que tu ne sentes ni assez d’eau ni assez de soleil autour de toi Tant à te dire dans le secret Toi en moi avec le secret de mes mains sur mon ventre Plongeant dans mon corps Le plus primitif Pour retrouver ce que je ressentais au plus profond de moi lorsque je dansais Ce que je ressentais de souffle de profondeur et de concentration extrême.
Tant à protéger, à te protéger. Cette vie si douce que je désire pour toi, le sauras-tu encore et encore ? Je t’inonderai de cette douceur, celle de ta peau, de ta bouche de lait. Lorsque tu émergeras, son grand pétale aérien t’enveloppera dans la chaleur de mes paumes. Mais cet ébranlement volcanique pour que tu sortes des eaux, pour que tu viennes te confronter à cet air différent, me saisit d’une telle peur. Le franchissement sera le choc, moi qui aurais tant voulu que tu ressentes le doux tangage du petit voilier de bois prenant un peu l’élan de sa badine.
La sage-femme fouette mon sang à nouveau. Fallait que tu restes encore, « encore un peu », comme tu diras si délicieusement à l’approche de tes vingt-quatre mois.
« Touchez… vous allez sentir ses petits cheveux ». Oui, tes petits cheveux d’or et de lumière que tu as si blonds. « Donnez votre main ». Elle me guide vers toi, sans me lâcher la main, avant de s’assurer de cette liberté animale qui nous chevauche tous deux. Toucher cette vie, là, inouïe. « Allez … encore … encore plus ». Boue, eau, secousses qui déboussolent mon corps. Je dois trouver le souffle au milieu des tranchées, au-delà de mon dos devenu rouleau compresseur. Dans le cri ou le souffle, la force qu’on supplie se confond avec le vertige qui me fait planer et suffoquer au centre de la géologie de mon corps. Cette violence me transperce, éreinte l’intérieur et l’enveloppe de mon corps, en totalité. Ce corps abasourdi et excavé dans ses laves charriées. Aucun assaut ne peut égaler ces sensations telluriques au plus profond de la vie, dans le plus grand défi de la mort. Mon Amour, mon bébé, tu rêves encore, dis, tu rêves ? N’est-ce pas que tu ne le sens pas ce branle-bas de combat ? N’est-ce pas que tu as dormi et dormi encore dans le velours ? Mon corps en déroute est luttes, cris, embardées, mon sexe est devenu obus, mon dos est poignardé. Mais au-delà de la brûlure qui charge, mon corps, plus que tout, a sa mémoire, sait l’issue et se tend vers la prière. L’être et l’oubli. « Encore… vous y êtes presque… ». L’expulsion. La délivrance. Aucun mot ne convient.
Mon lien Mon mien à ma vie Mon tout petit Ma fragilité sans écorce Ma douceur en moi Reste Reste encore.
Si peur de t’avoir fait mal. T’ai-je fait mal, dis, petit animal si pur, t’ai-je cogné contre mes parois, t’ai-je réveillé brutalement à la source de ce cratère et de ses secousses, t’ai-je surpris trop vélocement dans tes rêves ? Tu es et resteras toujours en moi, tu sais. Toute ta vie, toute notre vie, mon amour te protégera. Tu le sais. Je n’ai jamais voulu te brusquer, tu sais, jamais. Et je n’ai pas à me souvenir de ces heures de délivrance, puisque tu es moi, tu es en moi, ma chair palpitante, mes entrailles. Et mes larmes se mêlent à mes eaux, à mon sang, à la matière. Ton désir de vie, lequel était-ce mon amour ? Pourquoi ai-je décidé à ta place ? Pourquoi bousculer ta vie à l’intérieur de moi ? Mon amour dans ce vide. Non, il n’existe pas. Regarde. Touche, la peau, la sueur, le souffle, l’odeur mêlée de nos cœurs. Je suis pleine, pleine pour toi, nourris-toi, abreuve-toi à l’infini. Le réveil n’était pas somnambulique, certes, mais cette douceur recherchée est là, tout près. Viens, viens dedans, nage encore, petit poisson, viens te réfugier, elle t’attend, n’oublie pas ce grand pétale de velours, retrouve l’odeur de ta maman, retrouve-moi, tu ne m’as jamais perdue, je suis, je serai toujours là. A la force la plus exaspérée, à l’abandon qui s’essaie parfois à trop de lutte, je n’ai cessé ma prière.
La vie. Mon miracle, né sous ce jour de bénédiction du 6. Que sait-on de cette vie, de ce qui se passe en soi, de ce qui nous traverse ?
Comme j’aurais aimé te protéger si fort, si fort, tellement plus, tant et tant, tous ces mois. Comment décrire ta vie, tout à moi mon ange, mon petit animal. Je suis encore à l’intérieur de nous deux, toi en moi, moi en toi, et tu es Là. Je me tends de tout ce qui me reste de force pour toi. Tu es sur ma peau. Ces fractions de seconde que nous ne revivrons plus jamais, dans ce temps primitif de chair, de sang, de sueur. Mon miracle, mon amour. Sens-tu comme je t’aime, petit cœur posé sur mon cœur ? Ma chaleur te suffit-elle ? Tu es si petit, tu pèses si peu, comme on me l’apprendra peu après. Je veux te protéger du froid, de tout, de cette étrangeté du dehors que tu découvres ces premières secondes sur cette planète. Petit animal si doux, si fragile, extraordinaire petit corps de quelques secondes que je touche sur mon ventre, sur ma poitrine, au creux de mon cou, petit chaton qui te fraye instinctivement un chemin vers un de mes seins avec ta petite bouche haletante. Petite boule qui sent, grimpe, se tord sur mon corps, ma vie, mon âme, mon espérance. Mon bébé Ton mystère Unité divine Mon Union.

*

Dans la chambre de la maternité, j’absorbe ces heures béantes sans distinguer la nuit du jour. Je vis le torrent des premiers instants de découverte devant cette vie, là, ce commencement-là, palpitant de présence, de fragilité, petit être qui appelle, se tend vers la maman qui ne se sait pas encore, effarée, si peu préparée.
Je ne te quitte pas tu sais. Ma chaleur pour toi, la sens-tu sur mon ventre, sur mes seins, dans mes bras, partout où je te pose sur ma peau ? Alors, dors, ne bouge pas, petit animal. Je respire comme toi, de ton sommeil et de tes rêves à ton réveil, mais je ne dors pas, ça, tu ne le sais pas, ce n’est pas nécessaire. Tout est si brusque et inouï. Et mes larmes, de mon ventre, au bas de mon ventre, au plus profond où tu es encore, mes larmes qui n’en finissent pas de cet état d’ahurissement où je suis. Dors, ne sens rien. Rêve, oui, rêve de tes bulles colorées, rêve avec ta petite bouche de sucre et de lait, je te lèche, je t’embrasse, je pose ma bouche sur tes tout petits doigts de poupée, sur ton visage qui fait l’unanimité, si fin, si parfait. Mes larmes qui ne jaillissent même plus, l’impression qu

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