La lecture à portée de main
Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage
Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage
Description
Sujets
Informations
Publié par | L'Harmattan |
Date de parution | 01 décembre 2010 |
Nombre de lectures | 189 |
EAN13 | 9782296706514 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Les Cases de Saint-Louis
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’École-polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-12772-2
EAN : 9782296127722
Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
ROMUALD OLB
Les Cases de Saint-Louis
Roman
Écrire l’Afrique
Collection dirigée par Denis Pryen
Dernières parutions
Benn PEPITO, Territoire des mémoires !, 2010.
Bernard N’KALOULOU, La Ronde des polygames, 2010.
Réjean CÔTE, La réconciliation des mondes, A la source du Nil , 2010.
Thomas TCHATCHOUA, Voyage au pays de l’horreur, 2010.
Eric-Christian MOTA, Une Afrique entre parenthèses. L’impasse Saint-Bernard (théâtre), 2010.
Mamady KOULIBALY, Mystère Sankolo, 2010.
Maxime YANTEKWA, Survivre avec des bourreaux , 2010.
Aboubacar Eros SISSOKO, Moriba-Yassa. Une incroyable histoire d’amour , 2010.
Naïma BOUDA et Eric ROZET, Impressions et paroles d’Afriques. Le regard des Africains sur leur diaspora , 2010.
Félix GNAYORO GRAH, Une main divine sur mon épaule , 2010. Philippe HEMERY, Cinquante ans d’amour de l’Afrique (19552005), 2010.
Narcisse Tiburce ATSAIN, Le triomphe des sans voix, 2010.
Hygin Didace AMBOULOU, Nostalgite. Roman, 2010.
Mame Pierre KAMARA, Le festival des humeurs , 2010.
Alex ONDO ELLA, Hawa… ou l’Afrique au quotidien, 2010.
Arthur SCAMARI, Chroniques d’un pays improbable, 2010.
Gilbert GBESSAYA, Voyage dans la société de Bougeotte, 2010.
Gaston LOTITO, Ciels brûlants. Sahel – 1985, 2010.
Marouf Moudachirou, Une si éprouvante marche. Récit, 2010.
Appolinaire ONANA AMBASSA, Les exilés de Miang-Bitola , 2010.
Juliana DIALLO, Entrée dans la tribu, 2010.
Abdoul Goudoussi DIALLO, Un Africain en Corée du Nord , 2010.
A la mémoire de mon oncle Akli
et à mes parents.
Il y a une semaine, j’avais bonne mine et une allure paisible. Il y a une semaine, j’avais le cœur bien chaud, des jambes musclées et je ne craignais rien ni personne. Il y a une semaine, je respirais l’air pur de mes dix ans et je filais tranquillement vers ma onzième année.
Et puis, badaboum ! La routine de vivre s’est arrêtée, tout net. Mamadou, mon maître d’école, est venu m’annoncer que mes parents venaient de mourir dans un accident de voiture à la sortie de Saint-Louis. Il m’a pris dans ses bras et sans détour, il m’a dit que j’étais orphelin. Je n’avais jamais entendu ce mot-là auparavant. Je suis donc allé consulter le dictionnaire de la classe, histoire de ne pas mourir idiot. Enfant qui a perdu son père et sa mère. Je n’ai pas bronché. J’ai relevé la tête, j’ai vu le beau soleil rouge de mon pays se coucher à l’horizon et j’ai senti le froid calamiteux de Saint-Louis se lever. Et puis, je suis allé faire un petit tour aux toilettes de mon école pour chialer toutes les larmes de mon corps. Quand je suis revenu en classe, mon copain Bouly a essayé de relativiser le drame en m’indiquant qu’il avait lui aussi perdu ses vieux le mois dernier dans les mêmes circonstances. On a chialé ensemble et on a maudit les routes du Sénégal.
C’était quand même un grand malheur qui s’abattait sur ma minuscule fratrie. Il me restait ma sœur Fafa qui allait sur ses six ans. Elle n’a pas cherché à comprendre le sens du mot orphelin. Ne sachant ni lire ni écrire, elle a juste pleuré un bon coup dans les bras de notre tante maternelle Léna qui nous avait recueillis dans sa case. Après, elle m’a regardé longtemps et je n’ai pas su quoi lui dire.
Le lendemain, mon maître d’école m’a clairement dit qu’il fallait dorénavant faire avec parce que je n’avais pas le choix. Mamadou, c’est la première fois que je l’écoutais avec des larmes dans les yeux.
Au début, je me pinçais les bras et les genoux au moins dix fois par jour en pensant très fort à mes parents. J’étais persuadé que j’étais dans un cauchemar de plus et que j’allais me réveiller dans les bras de ma mère. Mais à la fin de la journée, j’avais juste la peau criblée de bleus en plus de tout le reste, de la soif, de la faim, du soleil qui brûlait la peau toute la journée et des tonnes de souvenirs et d’odeurs en vrac qui ne voulaient pas déguerpir de mon petit cerveau.
Un cauchemar à cause de mes problèmes de diarrhée sans fin… D’après le marabout du village, je déféquais trop à cause de l’ennui scolaire. Mais c’était rien qu’un escroc ce marabout parce que l’école de Mamadou, je l’adorais.
J’adorais aussi l’équipe de football du Sénégal.
Maintenant, je vais me contenter du petit coin et de ma petite sœur. Je n’ai plus le cœur à taper dans un ballon de football.
Ma sœur Fafa n’arrêtait pas de chialer du matin jusqu’au soir. Elle errait dans les rues du quartier à la recherche de son cordon ombilical. Très jeune, elle est entrée dans les soucis de la vie sénégalaise, de plein fouet et l’âme percée de partout. Ma petite Fafa.
Il faut que je plante un peu le décor autour des toilettes. Mes parents sont nés au milieu du siècle dernier aux confins de l’océan, du Sahara et de la brousse. A Saint-Louis. Une île située sur le delta du fleuve Sénégal et très loin de la capitale. Je suis allé une fois à Dakar avec mes parents. C’était l’an dernier. Je peux dire sans me tromper que Saint-Louis est tout le contraire de la capitale. Dakar est une ville surpeuplée, pleine d’orphelins, de pauvres et de voleurs à la sauvette. Les escrocs se comptent pas milliers et les prostituées aussi. Un vrai cauchemar sans la diarrhée. La priorité des priorités, c’est d’éviter les pickpockets. Ils sont nombreux sur la place de l’Indépendance et terriblement efficaces. Mon père qui était un philosophe analphabète m’a dit un jour que c’était à cause de la pauvreté absolue que les gens volaient. J’ai pensé que ce n’était pas propre à l’Afrique et qu’ailleurs aussi, il devait y avoir des pauvres blancs et de toutes les couleurs qui volaient dans les magasins et dans les maisons des riches qui voulaient garder toutes les richesses et rien donner aux autres.
Quand mon père s’est fait faucher en pleine vie conjugale avec ma mère, il était à bord de sa Peugeot 504 break. Il rendait visite à une tante maternelle de Dakar. Je ne suis pas venu avec eux par malchance à cause des cours de Mamadou. Mes parents, bien qu’analphabètes et pas fiers du tout de l’être, avaient une foi inébranlable dans l’école publique du Sénégal. Ils faisaient des rêves d’ascension pour ma sœur et moi. Ils me voyaient président ou avocat. Ma sœur était destinée à la profession de médecin dans le crâne rond et lisse de mon père. La voiture familiale était fascinante jusqu’au drame. Elle avait réussi à parcourir des milliers de kilomètres sur les routes les plus pourries du monde. Aujourd’hui, il va de soi que je la maudis avec le chauffard d’en face.
La première nuit, ça fait vraiment bizarre de dormir sur un autre matelas que le sien. On est aussi orphelin de ses odeurs et de ses bruits. Je n’entendais plus mes parents faire l’amour, je n’entendais plus leurs rires qui faisaient trembler les murs de la chambre. Je n’entendais plus rien, absolument plus rien de leur bonheur. J’avais les foies et je sentais mon corps foutre le camp par petits morceaux. Pour trouver le sommeil, je me suis mis à compter les punaises de ma nouvelle chambre.
Ma tante et mon oncle aussi, ils avaient le plaisir sexuel facile. De vrais goinfres. Et en Afrique, on apprend très jeune à pratiquer ce genre de passe-temps. On a la gâchette du zizi super facile. C’est pour ça qu’il y a autant de mioches dans les rues. C’est une distraction gratuite et un bon médicament contre le cafard.
Quand j’en ai marre de pleurer, je glisse mon œil de petit vicieux dans la serrure de leur porte et je prends des cours à distance. Je régale mon œil et je me marre. Je me détends en somme. Sauf qu’à dix ans, il n’y a rien qui sort. On est impuissant naturellement. Comme les vieux. ! Mais j’aimerais bien faire comme mon oncle pour devenir un homme plus vite. Je n’ai plus le temps d’attendre avec ce qui m’est tombé sur mon crâne d’œuf.
Dans la chambre des filles, il y a ma cousine de quatorze ans. Elle s’appelle Fatou. J’ai bien pensé à elle pour m’exercer un peu avant d’aller voir les prostituées du port mais j’ai peur qu’elle me foute une raclée du tonnerre. Une crise d’hystérie universelle pour m’apprendre à respecter la famille. Mais comment je peux apprendre si je ne m’exerce pas sur quelqu’un ? Mamadou m’a toujours conseillé de faire beaucoup d’exercices pour progresser… En mathématiques. Je vais aller le voir un de ces jours pour lui demander si ça vaut pour les cousines son histoire d’exercice mental.
La deuxième nuit, je n’arriv