Les Clans des Orcs : Chapitre Troisième
43 pages
Français

Les Clans des Orcs : Chapitre Troisième

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Description

A l'aube du Monde, à la naissance des peuples pensants, les orcs arpentent la Plaine. Ce sont des êtres pacifiques, révérant la vie et vouant un respect des plus profonds envers l'Esprit du Monde, âme de toute chose.
Le passé difficile d'Olthâr, d'Orosh et de Lana les a unis dans la douleur, et leur a offert force, sagesse et renommée.
Olthâr est le Poing des Plaines, le plus puissant lutteur orc de tous les temps. Orosh Tireur des Vents fait partie des meilleurs archers de la Plaine. Et Lana, dite la Belle, est la plus magnifique des créatures...
Mais, manipulé par un Shaman, serviteur fanatique du Grand Esprit, Orosh est rongé par la jalousie envers Olthâr.
Peu à peu, entre eux, rien ne va plus. Ajoutée à un contexte difficile, la disparition tragique de Lana attise irrémédiablement les tensions entre les Deux Frères.
Et celles-ci, exacerbées par le Shaman, mèneront les orcs jusqu'au plus terrible des maux.
Jusqu'à la guerre.

Informations

Publié par
Publié le 05 novembre 2011
Nombre de lectures 86
Langue Français

Extrait

LESC
LANS
 DESO
CRS
L’Histoire du Monde
Chapitre Troisième
F.B.Inconnu
Olthâr était encore sous le choc. Comment avait-il pu faire du mal à sa sœur ? Quelle raison l’avait poussé à cela ? Sa grande perplexité n’était -et de loin- pas à la hauteur de sa colère. Ses nerfs véhiculaient le même message de violence à chacun de ses muscles et les poings serrés, il était prêt à frapper le premier imbécile qui se placerait sur son chemin. Le souffle court, il s’élança sur la pente en face du village. Sous l’action musculaire, un afflux sanguin important monta à sa tête et son cœur s’emballa avec l’effort physique. Suivant l’impulsion puissante de ses jambes, la rage monta en lui à la vitesse de l’éclair. Une folie furieuse s’empara de lui, libérée par son mouvement, et alors qu’il commençait à peine son ascension, il ne faisait déjà plus attention à la végétation autour lui. Plusieurs fois, il s’empêtra les pieds dans des fourrés de buis, s’étalant violemment de tout son long. Aveuglé par la colère, il se cogna contre une grosse pierre, pourtant bien visible, et s’ouvrit le pied. Les andropogons, bien que de taille raisonnable encore, lui griffaient douloureusement les cuisses, et ses orteils autant que ses jambes ruisselaient de sang. Peu habitués à subir un effort aussi violent et long, ses muscles et ses poumons le brûlaient. Mais tout ça ne lui importait pas. La souffrance n’était qu’une punition méritée, et trop faible encore. Sang ! Il avait attaqué sa sœur ! Sa colère renouvelée, il continua à descendre et à remonter la pente du village avec une nouvelle ardeur.
Dans sa course effrénée, le sol défilait devant ses yeux sans pour autant impressionner sa rétine. La végétation environnante n’était plus qu’un parcours aux contours indistincts sur lequel il pouvait déchaîner sainement sa fureur, et le ciel lui-même était devenu un simple récipient à la contenance infinie, dans lequel il tentait d’épancher sa colère. Envahi par la fureur, Olthâr n’entendait plus, respirait mais ne sentait rien, pleurait mais ne s’en rendait pas compte, et même son souffle haletant, proche de la crise d’asthme, ne le dérangeait pas. Plusieurs fois, il se prit les pieds dans des racines et chuta. Ses bras se lardèrent vite d’écorchures et de coupures, dont certaines étaient assez profondes, mais il s’en moquait autant que du reste. Ces marques montreraient son infamie, sa traîtrise. Elles n’étaient qu’une juste peine. Sa rage était profonde et brute, genèse affirmée d’une potentielle violence, foudroyante et mortelle, gelant sa raison. La colère dévastait sa conscience et ses capacités de réflexion, unique émotion envahissant ses pensées. Chacun de ses neurones renvoyait à ses yeux l’image du poignet de Lana, presque brisé dans sa main, et le regard terrifié de sa sœur, incapable de comprendre ce qui se passait. La course lui causait une douleur physique très intense, grandissante et pourtant, l’unique souffrance véritable qu’il ressentait se terrait dans son âme. Sans y penser, Olthâr s’élança vers le sud de Nan’Ûrat, loin du camp. Sa course était devenue mécanique, acharnée, et avec l’épuisement, sa rage
s’atténuait peu à peu. Chaque parcelle de son corps lui rappelait qu’il avait dépassé son potentiel d’endurance depuis un bon moment. Sa vue était désormais brouillée par la sueur, les larmes et la fatigue, et à travers le voile de violence maigrissant de sa colère, il se douta de son erreur.
Pourquoi le terrain était-il plat ? Olthâr allait ralentir lorsque soudain, le sol se déroba sous ses pieds, et il s’effondra sur un buisson épais. Incapable de se retenir avec les bras, il chuta lourdement et sa tête cogna violemment contre le sol. Immédiatement l’ombre s’empara de lui, compagne de l’inconscience. Très vite, comme s’il avait les yeux ouverts, il rêva d’un ciel infini dans lequel il tombait en tournoyant sur lui-même à une vitesse vertigineuse. Petit à petit, avec une lenteur cauchemardesque, le point d’atterrissage de sa chute à tombeau ouvert se précisa. L’image du poignet tordu de sa sœur s’imposa à son esprit, maintenue devant son regard telle une diapositive collée sur sa rétine. Le regard de Lana, au-dessus de sa main, grossissait inexorablement tandis qu’il tombait, aussi terrifiant que si le regard vindicateur de l’Esprit du Monde lui-même était braqué sur sa faute. L’œil devint si grand qu’il envahît tout son champ de vision, énorme planète rétinienne sur laquelle il allait s’écraser d’un instant à l’autre. Alors qu’il se préparait au choc mortel qui allait suivre immanquablement, Olthâr ressentit un violent vertige et se sentit chuter physiquement.
 Un goût terreux s’immisça entre ses lèvres. La rugosité du sol remplaça lentement l’oubli cotonneux de l’inconscience. La douleur s’imposa de nouveau dans ses nerfs, rivière de signaux électriques coulant de nouveau dans son système nerveux, dont les digues venaient d’être rouvertes. La fatigue, elle aussi, revint en force et il eut de nouveau pleinement conscience de lui-même. Harassé, Olthâr garda les yeux fermés, allongé sur le sol, pendant une durée qu’il ne put mesurer. Il sombra dans un sommeil à moitié comateux, miséricordieusement dénué de songes mais entrecoupé de pensées éparses, idées fugaces qui s’évadaient de sa mémoire sitôt qu’elles s’y implantaient. Sans même s’en rendre compte, il pensa à tout et à rien, des mots et des phrases dénuées de sens lui venaient à l’esprit sans que cela n’imprime quoique ce soit en lui. Par intermittence, Olthâr avait une vague conscience de son corps et de son état, et il lui semblait alors dériver sur une mer calme et plate. Quelques mouettes lui chuchotaient des imbroglios inintelligibles à l’oreille, ressemblant à des paroles, échos indistincts de son entendement épuisé. Après avoir passé un moment immesurable à errer dans le labyrinthe de sa propre conscience, Olthâr suivit un fil conduisant vers la surface, et il émergea pas à pas. Vaincue par l’épuisement, sa rage s’était apaisée. A la manière de deux coureurs, la colère sprinteuse s’était essoufflée au long de cette course. Désormais, en son terme, elle était fatalement rattrapée par sa conscience, infatigable, qui regagnait le retard accumulé.
Tout aussi profonde qu’au départ, la haine qu’il ressentait contre lui-même était loin d’avoir disparu, mais il l’intériorisait progressivement, l’ingurgitant par morceaux. Blesser sa sœur... Sang ! Il n’était jamais tombé si bas. Les sensations de la vie revinrent à présent que ses émotions se faisaient moins violentes, et que sa folie s’évaporait. Il était en nage et les muscles de tout son corps, ceux de ses cuisses en particulier, le brulaient. La vive douleur à son pied le surprit, lui rappelant finalement sa blessure. Alors qu’il gisait lamentablement sur le sol, chacune de ses coupures se fit de nouveau sentir. La douleur l’assujettît petit à petit, telle une maladie prenant ses aises dans le corps de sa victime, avec une cruelle et inexorable lenteur. L’esprit aiguillé par la souffrance, Olthâr revint à lui complètement. Il jugea grand temps de se redresser, et, doucement, posa ses mains sur le sol, de chaque côté de sa tête. Les muscles contractés, affaiblis par la fatigue, il entreprit de se relever. Poussant sur ses bras, il parvint à soulever son corps au prix d’un effort intense. Avec la vivacité d’un lutteur habitué à se mouvoir promptement, il s’assit en un éclair, et s’étonna de ne pas souffrir tant que cela. Sa peau le piquait sur la majorité de sa surface, éraflée de partout, mais c’était tout à fait supportable. En fait, la douleur qu’il ressentait dans son pied droit l’inquiétait franchement. Olthâr le prit doucement dans ses mains et l’approcha de sa tête pour mieux l’observer. La blessure
n’était pas belle à voir. Visiblement, ses orteils s’étaient pliés sous le choc, offrant le dos de son pied à la pierre, dont la peau vert foncé avait éclaté sur cinq bons centimètres. L’épaisseur de sang séché amoncelé dessus en camouflait certainement la profondeur véritable, et d’ailleurs son pied en était presque entièrement recouvert. En séchant, les coulées avaient emprisonné des bris végétaux divers, de la terre et de la poussière, qui maculaient les lèvres de sa blessure. Mais... Que s’était-il infligé ? La folie de son acte le choqua soudainement. L’esprit débarrassé de sa rage aveuglante, il se rendit compte à quel point la colère l’avait rendu inconscient. Courir tel un imbécile le long de la pente, comme il l’avait fait, était mortellement dangereux. C’était miraculeux qu’il soit encore en vie. Car bien qu’il soit incapable d’estimer à combien s’élevait le nombre de fois qu’il avait gravi et descendu la pente, il savait à quel point il était risqué de le faire à une telle vitesse. Comment avait-il pu faire montre d’une telle bêtise ? Pourquoi se mettre pareillement en danger ? Une profonde honte, mêlée à de l’anxiété, s’empara de lui. Pourvu que personne ne l’ait vu se déchaîner ainsi... Quel regard les membres de la tribu porteraient sur lui, sur son frère et sa sœur ? Jusqu’où leur imagination les mènerait sur le chemin de l’invention, s’ils tentaient de découvrir quel incident était à l’origine d’une telle folie ?
Ce qui le troublait, c’était qu’il ait pu se faire subir un traitement aussi dur. Agresser sa sœur était inexcusable, et il méritait d’être puni. Cependant, il n’était pas du genre à risquer inutilement sa vie, même en paiement d’un tel acte. Son instinct de survie le rendait hermétique à toute idée potentielle de rejoindre les Esprits avant l’heure, or ce qu’il venait de faire pouvait aisément être apparenté à l’acte ultime de désespoir. Comment en était-il arrivé là ? L’Esprit du Monde lui-même avait du lui instiller une telle fureur dévastatrice et suicidaire. Olthâr ne voyait pas d’autre raison capable d’expliquer la folie qui l’avait pris. En fait, même cela était inquiétant. Le lutteur n’avait jamais entendu parler d’orcs punis directement par le Grand Esprit en dehors des légendes. Et l’idée de peut-être se retrouver au sein d’une d’entre elles ne lui plaisait pas vraiment, dans ce cas précis... Cette pensée le tira de sa rêverie. Il avait le pied très près du visage, maintenu dans une position certainement peu glorieuse. Avec précaution, il le reposa, puis se leva avec la même délicatesse, à l’écoute de ses sensations. Aucun vertige, aucune douleur foudroyante ne le prit. L’Esprit du Monde était d’une bonté infinie. La force de corps qu’il avait offert aux fils et filles de la Plaine ne cessait d’étonner Olthâr. Détendu de ne pas se sentir trop mal physiquement, le lutteur observa les alentours avec un certain détachement.
Devant lui s’étalaient les plaines de Nan’Ûrat, infinies et belles. Dire qu’il allait s’élancer vers elles à corps perdu pour s’y perdre, juste avant de tomber. Paradoxalement, sa chute lui avait fait plus de bien que de mal... Un minuscule bosquet de six ou sept bouleaux se trouvait à une ou deux centaines de mètres sur sa droite et, parsemant les douces collines ondulantes, d’autres petits groupes d’arbres l’observaient à distance. Derrière lui en revanche, au-dessus des andropogons grandissants, il pouvait apercevoir le sommet de la pente. Elle était signifiée par une démarcation nette, passée laquelle il ne pouvait plus voir que l’autre coté de la Grôth. Entre les deux pentes, c’était comme si un morceau de la Plaine entier avait été arraché à la terre, formant de fait un trou immense. Quelques gros rochers étaient disséminés parmi les hautes herbes, posés là comme par mégarde. Olthâr s’engagea en direction du camp, marchant lentement, attentif à ce que la blessure de son pied ne se rouvre pas. Une fois arrivé à sa hutte, il lui faudrait se soigner. Laisser son pied dans un état de salissure pareil reviendrait à se rendre par choix auprès des Esprits. Une fois lavée et protégée par un bandage de lin, sa plaie n’aurait plus qu’à guérir et se refermer d’elle-même. Sinon, elle s’infecterait, et il faudrait l’amputer du pied. Ce serait intolérable pour lui. Orosh et Lana devraient s’occuper de tout sans son aide, et notamment, de lui... Ce serait idiot de les soumettre à de telles difficultés pour ne pas avoir nettoyé sa plaie. Dans sa
sagesse, l’Esprit du Monde leur avait offert des connaissances médicinales. Alors, il allait en profiter. Claudiquant intentionnellement afin d’épargner son pied, le lutteur progressa vers le trou dans la Plaine. Après quelques minutes, il passa près d’un énorme roc ressemblant à un ours. A l’ombre d’un hêtre magnifique, l’animal paraissait tourner la tête vers lui, intrigué et placidement inintéressé. Que pouvait bien lui faire un orc ? Le rocher était le premier repère marquant le chemin vers le camp d’été de la tribu, au sud. Il était bien plus grand qu’un orc, et Olthâr l’aimait bien. Le roc dégageait une sorte de noblesse et de puissance, de force brute mêlée à un désintérêt total pour la violence. La lutte faisait partie intégrante de sa survie, mais n’était pas un plaisir. En fait, Olthâr espérait se retrouver un peu dans toutes ces qualités, comme si le rocher était une représentation de lui-même. Alors qu’il passait à coté, il le caressa avec respect. Lorsque la tribu voyageait vers le camp d’été, Kor’tar ordonnait toujours une pause à une centaine de mètres du point de repère. Le lutteur appréciait alors de s’allonger dessus pour contempler le ciel. Quelquefois, il installait son matelas rembourré d’herbes sur le dos de l’ours, et y passait la nuit. Olthâr s’éloigna du rocher sous l’arbre. Le terrain descendait légèrement, en prémices de la pente abrupte qui suivrait bientôt. A quelques endroits, des trous dans le parterre d’andropogons laissaient apparaître de petites clairières de graviers. D’autres plantes, que le lutteur ne
connaissait pas, profitaient de l’absence des géants végétaux pour s’épandre là. Il en traversa quelques-unes, appréciant de ne plus avoir de tiges végétales frottant contre ses jambes et ses pieds. Un mal de tête violent l’avait pris depuis plusieurs minutes déjà, résultant de sa fatigue physique et de sa chute. Olthâr aurait certainement une bosse au crâne, mais elle serait -il l’espérait du moins- camouflée par ses longs cheveux. Après avoir boitillé un long moment, le lutteur parvint finalement de la pente bordant la rive sud de la Grôth. Les plaines s’étalaient autour de lui, avec leurs courbes douces aux pieds desquelles coulaient les rivières. La nature indifférente des malheurs de l’esprit et du cœur, de ceux des orcs. Olthâr savait que l’indifférence rendait inébranlable. C’était une force dure et cruelle, pour soi tant que pour les autres. Mais le lutteur savait que certainement, il n’y avait pas de plus grande puissance personnelle que d’être hermétique à toute émotion.  Face à un tel spectacle, comment aurait-il pu rester insensible ? La végétation était encore verte en ce milieu de printemps, jeune et fraîche. Le camp paraissait endormi, mais Olthâr savait bien que dans les tentes et les huttes couvertes de rosée, la vie s’activait déjà. Pas très loin de lui, la Grôth brillait gaiement, imperturbable et éternelle. Qui, à part les trois rivières, pouvait se vanter d’avoir visité les grandes chaînes montagneuses qui se dressaient à l’est et à l’ouest, éternelles murailles
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