Les horizons d Assia et Marc
201 pages
Français

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Les horizons d'Assia et Marc , livre ebook

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201 pages
Français

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Description

Duo d'amour tout à la fois sublime et banal d'une Nigérienne et d'un Français à la fin des années soixante, ce livre, africain et européen, mêle dans son écriture pensée et poésie, musique et vérité.
Dans la lumière éblouissante du Sahel, Assia et Marc s'efforcent d'aimer l'autre pour son Altérité. La beauté et la noblesse des femmes et des hommes du Sahel donnent leur appui à un récit sur la rencontre des cultures, des religions et des visions du monde et la découverte dans la passion de l'Autre.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2010
Nombre de lectures 216
EAN13 9782296699489
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les Horizons d’Assia et Marc
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’École-polytechnique ; 75005 Paris

http ://www.librairieharmattan. com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-11929-1
EAN : 9782296119291


Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
François Mutun


Les Horizons d’Assia et Marc


Récit
I MARC
Je ne sais pas encore ce que je suis venu faire ou chercher ici. Mais avant même de descendre de l’avion, j’ai vu que j’étais arrivé au pays de la lumière. C’était la fin de juillet, et des flaques sur la piste témoignaient d’une ondée récente. Le ciel était infiniment limpide, la chaleur tremblait sur les lointains, sur les collines comme un songe. Le lendemain, j’ai pris mes aquarelles, je suis descendu sur la corniche et me suis installé sous un bloc de latérite de la falaise effondrée. Le fleuve étendait sa nappe brune, lourde des boues des rives entraînées par les dernières pluies. L’eau se perdait dans les îles pâles, les buttes arrêtaient l’horizon de leurs barres embuées. Je suis resté longtemps inerte avant de pouvoir prendre mes pinceaux. Quand le regard est neuf, il faut des heures parfois pour ressentir l’esprit du lieu, ce qui lie les formes et les couleurs en un vivant qui vient bruire au sang de ceux qui s’attardent et rêvent. Lentement j’ai vu la lumière amincir les figures et les placer, fondre les teintes en harmonies de pastels, former le paysâme.

Je ne dois rester ici que quelques jours, et Niamey est un vaste monde à découvrir. Le grand et le petit marché sont, m’a-t-on dit, très « pittoresques » ; le musée rassemble les différents habitats de ce pays deux fois grand comme la France. J’irai faire mon petit tour, bien que l’exotisme et le dépaysement éveillent depuis longtemps ma méfiance. Je ne suis certes pas venu ici en chasseur d’images ou d’émotions nouvelles. Je suis sûr, avant même de les avoir rencontrés, que les habitants de ce pays sont de la même chair et du même sang que les miens. Je sais qu’un long passé d’écart et de distances nous a donné des cultures différentes, et je compte découvrir mille choses qui me donneront à penser, qui insensiblement sans doute modifieront mon regard et mes gestes. Mais je sais aussi qu’il faut chacun rester fidèle à ses meilleures racines et n’aller vers les autres qu’en leur nom. Et pas question d’offrir à mes hôtes autre chose que l’amitié et ce que dans mon savoir et mes manières ils jugeront bon pour eux. Tâche impossible. Comment enseigner, même une langue qui se présente ouvertement comme étrangère, sans que passent en même temps une méthode, une approche qui, se croyant objectives et purement techniques, n’en sont que plus naïvement informées par la vision du monde où elles sont nées ? Et celui qui apporte ainsi ce qu’il sait à celui qui ne sait pas doit compenser sa supériorité en apprenant de lui ce qu’il ignore.
En reprenant le chemin de Kabé kwara {1} , je me suis répété ces ruminations qui m’occupent depuis des mois, depuis que je pense venir ici passer quelque temps avant de me lancer dans l’existence. Qu’importe la benoîte publicité qui m’a convié, ô âme généreuse, à donner deux années au Tiers-Monde. Je suis tout de même capable de comprendre que le donner et le recevoir sont choses ambiguës dans la duplicité subtile du cœur, et que la volonté de puissance est une herbe folle qu’il faut arracher jour après jour.
Je me suis arrêté en passant devant l’embarcadère. Le bac était prêt à démarrer, chargé de camions, de voitures, de vélos, de piétons. Traverser, passer sur l’autre rive : vieille image qui remue dans les profondeurs. Voilà au moins une chose que j’ai en commun avec les gens d’ici.
Après avoir d’un bond franchi le petit ruisseau, j’ai longé le musée, suis entré quelques minutes dans la musique insistante de sa guitare. Il y avait là beaucoup de monde : enfants, hommes et femmes tournant autour des perroquets, des singes et des guépards, des chacals, des crocodiles et des grosses tortues dans leur fosse, des deux hippos dans leur bassin. Eclats de rire, exclamations, cris de peur feinte, conversations paisibles.
La musique ancienne, d’une pureté classique, déroulait une mélodie étudiée, travaillée, sûre de sa forme achevée, tout expressive d’un passé pour moi inconnu mais fascinant de paix et de sagesse. Puis elle changea, devint une randonnée à travers de grands espaces, en des évolutions rythmiques qui se pliaient aux ondulations d’une plaine immense, une marche infatigable. Au cœur de la ville, ces flâneurs venaient-ils chercher en ces lieux la vision de leurs horizons imprenables, de leurs longues paroles dans la tiédeur des crépuscules ? Celui qui a rassemblé ici la faune du pays a-t-il senti que la musique où s’est cristallisée l’âme du peuple en est le meilleur cadre ?
Je reviendrai à loisir songer à l’ombre des huttes de l’habitat nuages en feu. La peau kanouri… Je regarderai les artisans travailler le cuir, le bronze, l’argile, les tisserands allonger leurs bandes vives aux multiples couleurs.
A la mission, j’ai été entouré de questions et de sentences. Ce que les anciens disent partout aux nouveaux venus. Et déjà se répète ce pronom « ils » dont je sens qu’il va me devenir insupportable en sa distance. Car il n’est pas celui de la différence, du respect, de l’altérité positive, mais celui de l’infranchi, voulu ou accepté. Pourquoi m’en étonner ? N’est-il pas dans la logique missionnaire, qu’elle soit religieuse, idéologique, culturelle ou autre, de vouloir changer les autres parce qu’on juge leur condition humaine inférieure à la nôtre ? Avec peut-être aussi ce sentiment confus, inavoué, qu’ils ne seront vos égaux que lorsqu’ils vous seront en tout point semblables, jamais sans doute.
Mais que sais-je vraiment ? Il me revient, face à ce que je pense être l’erreur des autres, cette crainte et ce tremblement de me dire que ce que je crois n’est peut-être qu’une autre erreur. Comment échapperai-je aussi à cette pesanteur secrète qui nous entraîne à notre corps défendant et sans que nous en ayons plus que demi-conscience, à ce poids essentiel de supériorité qu’à lâcher nous perdrions cœur ?
Je n’ai heureusement maintenant qu’à écouter avec un intérêt obligeant et docile. Je peux bien, en imitant prudemment ceux dont je vais partager le travail et l’existence quotidienne, garder en réserve mes pensées, les affiner, les éprouver sous le regard inquisiteur des événements et des rencontres. La solution des problèmes qui m’attendent n’est pas tant dans la réflexion que dans l’accord secret de vie à vie.

J’accompagne Abdou qui doit faire quelques courses en ville avant de m’emmener demain à Dogondoutchi. La foule des rues se referme sur nous, multitude de teintes. Ai-je encore besoin de me purifier de ces mots dont l’expression est celle de nos cultures plus que de la réalité ? Le regard en est conditionné.
On m’a appris qu’il y avait des Noirs, des Blancs, des Rouges, des Jaunes. C’était écrit, noir sur blanc évidemment, dans mon livre de géographie. J’ai cependant pris le droit, en faisant ma philosophie, de pratiquer le doute, sans avoir pourtant à me prouver par la lourde mécanique syllogistique que je sentais, imaginais, pensais, existais, porté par un monde vivant. Je continue de me vider, face au Vide, de ce que les hommes m’affirment ou me suggèrent. Mon regard, mon écoute, mon toucher même poursuivent leur métamorphose. Plus personne déjà ne me fera voir du blanc et du noir où il n’y en a pas. J’ai étudié la couleur des visages de Rembrandt, de Leonardo et de tant d’autres que l’on s’accorde à dire réalistes. J’y ai admiré la chaleur des ocres, des bruns sous or et des vermeils effacés, des raffinements modulés au gré de la lumière. Ils m’ont appris, les Maîtres, à ne voir partout que des teintes pour lesquelles notre langage n’a jamais que des mots approchés. Les visages de Niamey comme ceux de Paris, et ceux de Beijing et de Rio sans doute, sont pour l’œil épuré une fête incessante de sables et d’argiles, de poussières et de roches. A l’orgie géologique se mêlent les débordements végétaux et xyliques : havanes, amarantes, froments clairs ou sombres et les mille feuilles mortes, hêtre, okoumé, palissandre, ébène. Recherches d’ambres et de miels. La peau humaine diffracte en spectre continu notre unique lumière. Les robes animales : alezan, isabelle, aubère, rouan, bai ou fauve, chamois ou biche lui appartiennent. Elle est bien plus encore dans les rues de ce soir ; elle est multitude de grains, bure et crin, satin, velours ou soie, meulière ou grès, opale ou nacre. Visages nimbés d’ombre, symp

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