Les rifodés
192 pages
Français

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Les rifodés , livre ebook

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192 pages
Français

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Description

Suite à une terrible catastrophe, le sol est devenu putride et toxique. C’est au sommet de curieux pylônes gigantesques que les Rifodés ont échafaudé leur Société circassienne. Dans cette ville faite de ponts de singes, de tyroliennes et de trapèzes, la vie dans les airs est un spectacle à risque de tout instant. Pour survivre et faire prospérer cette communauté d’êtres colorés, il faut parfois partir au-delà de ces immenses pilotis, à la découverte de nouveaux horizons.


Après avoir accompli l’épreuve de la Fusion, Cyanne, une bleue, doit épouser Shiro, un blanc. Ce couple hétérochrome, très mal vu par leurs semblables, se retrouve, avec l’escouade Cirka-T4, envoyé dans une mission suicide qui pourrait bien changer à jamais leur vision de ce monde.


Mais quoi qu’il advienne, le show doit continuer...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 janvier 2017
Nombre de lectures 16
EAN13 9782819101222
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

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Les Rifodés

 

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Du même auteur aux Editions Sharon Kena

 

 

Pari tenu !

Mon humour fascinant 1 à 5

Espace personnel

Allégorie

Umbrella

Les Tegs 1 et 2

 

 

 

 

 

 

 

 

Mell 2.2

 

 

 

 

Les Rifodés

 

 

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« Le Code de la propriété intellectuelle et artistique n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1er de l’article L. 122-4). « Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. »

 

 

© 2017 Les Editions Sharon Kena

www.leseditionssharonkena.com

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Encore merci à l’équipe SK, à Cyrielle de me faire toujours confiance, d’être constamment présente et de m’encourager comme elle le fait. Merci à Rachel d’être aussi réceptive et talentueuse pour mes couvertures. Merci à Elsa Sève, une de mes meilleures amies, qui a accepté de servir de modèle, car je n’aurais vu personne d’autre que toi pour représenter Cyanne.

 

 

Table des matières

 

 

 

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Chapitre 17

Chapitre 18

Chapitre 19

Chapitre 20

Chapitre 21

Chapitre 22

 

Chapitre 1

 

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Le show doit continuer…

Cette phrase représentait un symbole. Malgré tout ce qui s’était produit, nous n’avions pas le luxe de nous apitoyer sur notre sort. Quand on déçoit son public, il faut savoir rebondir, s’entraîner de plus belle et monter un nouveau numéro encore plus exceptionnel. C’est à quelques choses près le discours que l’on nous inculque en cours sur l’histoire du fondateur de notre communauté : Monsieur Loyal, mort depuis plusieurs générations désormais. Je me demandais souvent comment les gens se débrouillaient dans le reste du monde, s’ils avaient eu la chance d’avoir un leader aussi imaginatif, s’ils avaient seulement pu trouver un moyen pour survivre. Personnellement, j’étais loin de me plaindre, j’adorais notre cité, notre société, notre vie de tous les jours, et j’étais partisante à donner toutes mes forces et toute mon énergie pour son expansion. J’avais la chance d’appartenir à l’académie et aux troupes chargées de dénicher du matériel dans le but d’étendre Barnum, notre ville. Monsieur Loyal se positionnait ici en figure emblématique, en héros. Sans lui, nous ne serions que des cendres. Il était mon idole, comme pour la plupart d’entre nous. Nous suivions sa philosophie, ses idées, son idéal, et ce sans rechigner, du moins pour ma part, car je ne trouvais rien à y redire.

Oui, ce monde pourri était parfait…

Je levai ma main gantée vers le ciel, toujours allongée sur le ponton en bois sur lequel nous aimions trainer, tout près de la plateforme centrale. J’observai placidement l’immensité azur, en songeant que si nous parvenions à construire encore plus haut je serais sans doute capable d’effleurer les nuages. Le firmament était plus bleu que jamais, je m’y noyai avec délice, profitant de la brise délicate qui caressait mon visage. J’aimais rêvasser, imaginer que je pouvais y discerner quelques oiseaux planer ou autres choses. Ces créatures seraient tellement mieux en liberté, à déployer leurs ramures avec majesté. Un bruit peu ragoûtant me fit sortir de mon état de béatitude. Je tournai légèrement la tête et roulai des yeux en voyant cet imbécile d’Opale en train de cracher dans le vide pour observer, en vain, comment se consumerait sa salive en touchant le fond. Nous étions beaucoup trop loin pour apercevoir ne serait-ce que l’ombre du moindre miasme grouillant par terre. Le garçon espérait contempler une petite formation de vapeur suite à son crachat et en imaginait la couleur. C’était ridicule ! La toxicité du sol demeurait en perpétuel mouvement, rien ne laissait présager que sa bave chuterait sur une zone de lave ou d’acide. 

– Arrête tes dégueulasseries, Opale ! le gronda son cousin Shiro. Sérieux, tu n’es plus un mioche pour jouer à ça !

– Je n’aime pas être en congés, se justifia ce dernier. Je m’occupe comme je peux !

Opale n’avait pas tout à fait tort. Nous pouvions facilement nous ennuyer les jours de repos. Bien trop habitués à ne pas avoir une seule minute d’accalmie, lorsque l’occasion se présentait, nous nous sentions un tantinet démunis et perdus.

– Rien ne t’empêche de faire du zèle, lançai-je à brûle-pourpoint. Rosette nous a appris une nouvelle figure, le crocheté nuque, tu devrais t’entraîner à la faire, c’est super classe !

– Je ne vois pas l’intérêt d’apprendre une pose pareille, rétorqua Redder. Elle ne servira à rien lors de nos patrouilles. C’est juste du m’as-tu-vu à deux balles.

– Parle sur un autre ton à Cyanne ! réagit aussitôt Green.

Redder arqua un de ses sourcils vermeils avec dédain.

– Oh ! Pardon, monsieur l’amoureux transi, se moqua le garçon à la chevelure écarlate.

– Ne dis pas n’importe quoi, rougit alors l’intéressé.

Green dévia le regard afin d’esquiver le nôtre, mais surtout pour éviter les yeux assassins de Shiro posés sur lui avec gravité. Celui-ci serrait férocement la rambarde sur laquelle il s’était assis en équilibre. Il fulminait et ne le cachait nullement. Embarrassée, je me pinçai les lèvres, détestant le voir dans un tel accès de fureur brute.

– Dites, changea de sujet Opale, en ressentant la tension s’insinuer entre nous tous, vous n’avez jamais trouvé que Rosette a un nom de saucisson ?

Nous éclatâmes de rire en chœur. Il fallait admettre que ce n’était pas toujours évident de choisir un prénom en adéquation avec le coloris de nos Perllâmes, de nos yeux et de notre chevelure. La tradition voulait que l’on se nomme selon notre teinte prédominante. Nos parents se trouvaient souvent contraints de modifier quelques syllabes pour que tout le monde ne porte pas la même appellation. J’avais échappé de justesse à Blue, Bleuet, Azura, ou pire, Céruléenne, heureusement déjà pris. D’autres préféraient les patronymes en langue étrangère ou à rallonge, voire les deux combinés. Ainsi, le grand et sublime jeune homme aux prunelles pastel laiteuses ornées d’un filet d’argent sur les contours de l’iris, s’appelait en fait Shiro-White Gekkou, traduisible par Blanc-Blanc Clair de Lune.

– Merci, maman ! maugréait-il souvent.

Bien qu’il se bidonnât comme les autres, ce dernier reprit instantanément son sérieux pour incendier Green silencieusement, en le fixant avec rage. Shiro ne comptait pas rester sans réagir à la remarque de Redder envers notre ami. Hélas, la boutade d’Opale, tentant de détourner la conversation, ne fit qu’aggraver sa nervosité croissante. Shiro passa une main à travers les mèches écrues disparates qui retombaient avec élégance sur son front. Le soleil y faisait miroiter de jolis reflets mordorés. Je lui adressai une petite mine effarouchée, à laquelle je savais qu’il ne pourrait pas résister. Alors que Shiro s’apprêtait à jeter l’éponge, après un affrontement visuel tenace, Green eut la mauvaise idée de m’effleurer l’épaule en me dévorant de ses envoûtantes prunelles émeraude. Je lui gratifiai un faible sourire, un peu mal à l’aise. Comble de malchance, Redder mit de nouveau les pieds dans le plat.

– Je plains ta future partenaire, Green, quand elle se rendra compte de la flaque de bave sous tes pieds lorsque Cyanne est dans le coin. Enfin, si un jour t’en as une…

– Ça ne me gêne pas qu’il soit amoureux de moi, le défendis-je un peu par pitié, de toute manière, ça ne durera pas.

– Moi, ça me gêne ! grinça Shiro. Cyanne est ma partenaire depuis un mois, alors oublie-la ! Désolé pour toi, Green, que tu ne puisses pas effectuer le test, mais tu n’as jamais été le seul à la convoiter. J’ai gagné la partie, faut être fair-play ! Alors soit tu acceptes, soit tu dégages. Mais tu arrêtes ton petit manège immédiatement !

– Euh, je vous rappelle que je suis là, signifiai-je ma présence en remuant les bras au-dessus de ma tête, un poil vexée. Je ne suis pas une médaille ni la récompense de qui vise mieux le trou que l’autre.

– C’est juste ! se radoucit-il. Désolé, ma chérie.

Green s’assit, l’air morne. Je ne supportais pas de le voir ainsi, cela me fendait le cœur. Cependant, Shiro avait raison, c’était trop tard. Green n’avait pas eu de chance, ou plutôt nous n’en avions pas eu, car il était impossible pour lui de passer l’épreuve en question. Bien que j’aie aimé Shiro dès que notre fusion fut établie, je conservais toujours un léger penchant pour le petit Noirôt timide, ce qui s’avérait anormal. Je ne devais être hantée uniquement par l’amour pour mon partenaire désormais. Mais on m’avait assurée que les choses se tasseraient, au court des trois premiers mois après avoir subi le test.

Green défia de nouveau Shiro du regard, longuement, mais l’intervention d’un Sénior les interrompit.

– Eh, les gosses, vous n’avez rien de mieux à faire que de trainer devant l’académie ? Il y a les oiseaux à nourrir si vous ne savez pas comment vous occuper.

– Monsieur Kakki, intercéda Opale, c’est notre jour de congé !

– Ça ne vous empêche pas de le mettre à profit.

– Il a raison ! admit Shiro en sautant de la rambarde. Ma chérie, tu viens ? On va aller s’entraîner un peu, puis nous ferons un détour par la volière. Ça te dit de manger un pigeon ce soir ?

J’opinai du chef et pris la main qu’il me tendait pour me relever, laissant le pauvre Green à son marasme sentimental. D’un pas précipité que j’eus du mal à suivre, Shiro m’entraina loin de la plateforme centrale. Nous nous éloignions du gymnase de l’académie. Mon partenaire devait avoir besoin de se calmer les nerfs en marchant. Je tentai de le ralentir, surtout lorsque nous longeâmes le grand pont de singe pour nous rendre au pylône A, à l’est de l’épicentre de la ville. Même si la passerelle était solide et régulièrement entretenue, son ballotement ne me rassurait guère. Dans certaines situations, je ne parvenais pas à dissimuler mon vertige. Personne ne le savait, pas même Shiro, auquel cas, je n’aurais jamais pu intégrer l’académie. Chaque jour, j’affrontais ma phobie et prenais sur moi. Ainsi, les secousses sur le ponton causées par les pas brutaux de mon compagnon me tordaient l’estomac d’angoisse. Le gant en cuir de Shiro crissa lorsqu’il resserra ses doigts entrecroisés aux miens, alors que je me débattais pour qu’il relâche sa poigne. Son état me préoccupait. Je commençais à bien le connaître. Le jeune homme devait se sentir terriblement désemparé. J’ignorais quelle attitude adopter pour le réconforter, quand, soudain, la pointe de ma basket se coinça entre deux lames en bois et me fit trébucher. D’une rapidité déconcertante, Shiro se retourna pour me rattraper dans ses bras. Nous étions si bien connectés l’un à l’autre qu’il nous arrivait anticiper les mouvements de notre moitié. Avec le temps, nous serions en parfaite osmose. Mon regard s’attarda sur les profondeurs toxiques. J’avais bien plus peur de tomber dans cet enfer que de m’écraser, persuadée d’être consumée par la brume acide bien avant d’effleurer le sol putride et brûlant. Shiro perçut mes craintes et me redressa en douceur. Sa main gantée frôla fébrilement ma joue, et toute sa colère s’évanouit d’un coup. N’y tenant plus, le garçon m’enlaça avec vivacité. Puis ce dernier plongea dans mon regard azur en déglutissant péniblement. Ses iris gypse nacrés tremblotaient d’une anxiété presque palpable. Il était rare de voir un gaillard de son acabit aussi mortifié et fragile.

– Cyanne, tu m’aimes, n’est-ce pas ? murmura Shiro. Et ne parle pas de la fusion pour esquiver la conversation, j’ai besoin de savoir, d’être sûr. Parce qu’après tout, nous allons être ensemble jusqu’à la fin de notre vie, qu’on le veuille ou non. Il n’est pas trop tard, si tu ne ressens rien pour moi, qu’on fasse encore appel de la décision.

– Tu es stupide ou juste crétin ? me contrariai-je. Tu ne te rappelles pas ce qui s’est produit durant le test ou quoi ?

– Nous sommes hétérochromes, s’attrista mon compagnon. Alors il se peut que la fusion ait foiré, qu’on ne soit pas fait l’un pour l’autre, que tu doives t’unir à un Bleu et moi avec une Blanche.

C’était impossible ! La fusion était unique. Ce que j’avais ressenti en trouvant mon âme sœur ne pouvait pas être une erreur. La connexion fut ce jour-là si intense, si puissante, qu’il n’y avait pas à en douter. Aussitôt que l’on établissait le contact, notre cœur s’ouvrait à l’autre pour l’éternité. Et le mien appartenait désormais à Shiro et à personne d’autre. En général, la fusion s’effectuait par couleur similaire de Perllâmes, moins d’un dixième de la population de Barnum était comme nous, disharmonieux. Pour toute réponse, je me lovais contre lui. Shiro me serra à m’en étouffer, la respiration saccadée. Quoi qu’il puisse en penser, j’étais certaine de mes sentiments pour lui. Auprès de nulle autre personne je ne connaissais un tel bien-être, une telle sensation de sécurité. Il me détenait et je m’en félicitais. De plus, faire appel contre la fusion entre deux êtres n’était pas recommandé, car extrêmement douloureux. Il fallait se révolter dans les trois premiers mois de la connexion. Or, l’opération chirurgicale pour briser ce lien invisible s’avérait risquée. Beaucoup périssaient des suites de l’intervention. Certaines personnes y avaient recours et survivaient. Mais ils sombraient dans une dépression si atroce que, même en ayant un nouveau partenaire, ils restaient marqués par l’amour de l’autre. Leur affliction était si clinquante que leur esprit pouvait les pousser au suicide dans les semaines suivant la séparation. De rares couples s’en remettaient et parvenaient à poursuivre une vie normale avec leur nouveau partenaire. Un détail navrant persistait, ces gens-là devenaient des parias de notre société. Ce genre d’acte était violemment méprisé. Nous fermions les yeux sur ceux qui se retrouvaient à l’orée de la mort. Mais les survivants se faisaient rejeter par le reste de la population. Ainsi, il était fortement déconseillé de faire appel de la fusion, sans être sûr et certain de ne pas supporter son âme sœur.

Mais en ce qui me concernait, j’aimais sincèrement Shiro et je ne l’aurais quitté pour rien au monde.

– Tu n’as pas répondu à ma question, marmonna-t-il, contrit.

– Oh, Shiro… Tu ne mesures vraiment pas à quel point je suis heureuse auprès de toi. J’ai de la chance de t’avoir.

– Non, c’est moi ! Cyanne, je veux juste faire ton bonheur, tu sais ? J’ai parfois l’impression d’être à côté de la plaque. Je dois t’avouer que cette période d’essai me tue à petit feu, j’ai hâte de célébrer notre union définitive.

Je pris sa main et embrassai sa paume. Malgré l’étoffe de cuir la recouvrant, mon partenaire frissonna de plaisir. Un sourire rayonnant illumina son doux visage anguleux. Quelques traits de lumière surgirent hors de son gant, me confirmant la teneur exacerbée de ses émotions. Le jeune homme se mit à rougir distinctement et posa son menton sur mon épaule en soupirant d’aise.

– Dans deux mois à peine, nos fiançailles aboutiront, mon amour nacré, le rassurai-je. Et plus rien ne pourra nous séparer. Je me languis de ce jour, j’aimerais déjà y être.

Shiro m’adressa une petite moue bouleversante et prit mes joues entre ses mains. Il se pencha pour coller son front contre le mien avec tendresse. Je pouvais sentir la chaleur de ses paumes irradier tout mon corps, sans même être réellement en contact avec sa peau. Je me laissai transporter par une joie immense et posai mes mains contre son cou palpitant. Nous nous écartâmes subitement lorsqu’un couple monochrome passa à nos côtés en nous dédaignant. Shiro, qui avait toujours été un garçon très populaire, supportait mal, parfois, le poids des regards irrévérencieux sur nous. Je n’étais pas spécifiquement à l’aise non plus. Moi qui auparavant me moquais des binômes hétérochromes, j’eus quelques difficultés à accepter de vivre cette même situation imposée par la fusion. Mais quand je croisais les prunelles irisées de mon partenaire, je me fichais bien des pensées des autres. Shiro mit sa fierté de côté et m’enlaça de nouveau, avec plus ferveur.

– La lune a besoin d’un ciel bleu et parfait pour apparaître en plein jour, me susurra-t-il à l’oreille. Sans toi, Cyanne, j’errerais sans fin dans la nuit au beau milieu des étoiles. À tes côtés, je suis plus lumineux que jamais. Je pourrais même concurrencer la lueur du soleil. Tu me permets d’exister.

Avant de vraiment le connaître, je n’aurais jamais soupçonné que le jeune homme était capable d’une telle poésie. C’était mon petit privilège. De couleurs si différentes, et pourtant, si complémentaires. Constamment, mon fiancé m’élevait sur un piédestal. Je me demandais alors si je n’étais pas déjà le point central de ses songes bien avant la fusion. Moi, le petit bout de ciel azur, contre lequel Shiro-White, mon astre nacré, aimait à se blottir inlassablement.  

 

Chapitre 2

 

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Nous revînmes sur nos pas pour nous rendre au gymnase de l’académie, afin de nous exercer un peu. Nous savions que le lendemain, en allant au travail, une mission importante nous y attendrait. Je n’étais pas du genre à me reposer sur mes lauriers, même lors d’une journée de repos toutes les trois semaines. L’oisiveté me ramollissait. Néanmoins, il ne nous fallait pas trop forcer non plus. Partir en expédition le corps courbaturé n’était pas une bonne chose. Nous comptions simplement nous dérouiller.

Cela faisait plusieurs semaines que le colonel Brown ne nous avait plus envoyés à l’extérieur de la cité. Comme notre fusion était récente, nos dirigeants préféraient nous donner un petit laps de temps d’adaptation. Ce serait ma première expédition aux côtés de mon partenaire. Auparavant, les groupes tournaient selon le bon plaisir de nos supérieurs. En contrepartie, j’avais l’habitude de travailler avec Green. Pour ma plus grande joie, j’étais régulièrement sa coéquipière. Le colonel Brown se montrait plus compréhensif que d’autres et mixait les escouades selon les affinités. Cependant, je n’en possédais aucune avec Shiro avant nos fiançailles. Bien que j’étais une fille qui avait la côte auprès de la gent masculine, je me trouvais largement en deçà de la popularité du jeune homme à la chevelure crème. Dès notre entrée à l’académie, des groupies pullulaient perpétuellement autour de lui. De mon côté, j’avais mon propre petit cercle d’amis fidèles, composé de Green et de Redder. Mes préjugés envers les couleurs différentes de la mienne changèrent du tout au tout à mon entrée dans les rangs de notre armée.

Toute mon enfance, mon père m’interdisait de jouer avec des non-bleus. À l’école, au début, je rasais les murs. Mais bien malgré moi, j’attisais la sympathie des autres. En particulier le jour où j’ai décidé de me lier d’amitié avec Green. Il m’avait bouleversée et causé tant de peine que je l’accueillis à mon pupitre. Dès lors, nous fûmes inséparables. Je cachais à ma famille son existence, profitant de sa compagnie exclusivement durant les cours. Mais ce ne fut vraiment qu’à mon entrée à l’académie que mes relations évoluèrent davantage. Bien qu’il restât quelques discriminations inter-teintes, la plupart des recrues se mélangeaient aux autres sans apriori. Le racisme quittait l’esprit de chacun au sein de l’armée. Nous étions des soldats unis dans l’adversité pour le bien de notre communauté. Nonobstant, je n’eus de lien avec les blancs qu’après ma fusion. Beaucoup les considéraient comme l’élite de l’académie et de Barnum, les plus inaccessibles. Alors qu’en mission les groupes se trouvaient parfaitement disparates, les blancs ne partaient jamais en expédition sans l’un d’entre eux à leurs côtés. En faisant la rencontre de mon partenaire, Opale, son cousin, se joignit à notre petit comité. Je craignais quelques étincelles en intégrant le tant plébiscité Shiro-White Gekkou à notre équipe, pourtant, tout se déroula pour le mieux. Hormis une certaine jalousie envers Green. Ce fut bien plus électrique entre la compagne d’Opale – Prune – et mon ami Redder. Suite à la fusion, le colonel Brown prenait la décision de créer des unités fixes. Nous avions seize ans et n’étions plus de simples troufions bons à tout faire. De véritables adultes accomplis. Il était désormais important de s’accoutumer à travailler avec la même escouade, pour accomplir des tâches plus ardues.

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