LES SANGLOTS DE MON EDEN DE L ENNEDI UNE ENFANCE DES SABLES
90 pages
Français

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LES SANGLOTS DE MON EDEN DE L'ENNEDI UNE ENFANCE DES SABLES , livre ebook

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90 pages
Français

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Description

Le doux temps de l'enfance insouciante est court, trop court dans l'Ennedi, au nord du Tchad. Très tôt, le jeune Toumaï doit, comme tous les jeunes de son âge, garder les troupeaux de dromadaires dans ce milieu aride et hostile. Pris dans une tourmente dont il ne comprend ni les tenants ni les aboutissants, Toumaï devient enfant-soldat, rebelle, pour défendre l'honneur de sa famille et de son clan.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2011
Nombre de lectures 244
EAN13 9782296813731
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les sanglots de mon Eden
de l’Ennedi
Djiddi Ali Sougoudi


Les sanglots de mon Eden
de l’Ennedi

Une enfance des sables
Centre Culturel Al Mouna
BP 456 N’Djaména – Tchad
Tel. 00 235 66 52 34 02

centrealmouna@yahoo.fr

ISBN : 2-915815-08-5
EAN: 9782915815085


© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique,
75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-55383-5
EAN : 9782296553835

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
DÉDICACE
Je dédie ce livre :

À tous les enfants du Sahara tchadien
qui n’ont pas eu la chance d’aller à l’école.
Ils sont nombreux.
J’en suis un,
mais un rescapé !

À mon arrière-grand-père,
Capitaine Chateauvieux,
un méhariste intrépide qui pacifia l’Ennedi
avec tact au moment où d’autres colons
ont tenté d’y régner par la terreur !

À mon oncle maternel
Mahamat-Ali Younous alias « Jackson »,
une des élites de l’Ennedi et
combattant du Frolinat,
chef logistique du Gunt,
prématurément tué en mars 1980 à N’Djamena.
Sa mort emporta dans une salve de sanglots
tout l’espoir d’une famille et d’une région.
I
« Le berger parti aux pâturages n’apprendra
la mort de sa mère qu’à son retour. »
Proverbe toubou

Papa n’est pas là, il est parti au milieu de la nuit. Il est parti à l’anglaise. Ma mère, la tête entre les mains, est plongée dans une tristesse dont je n’arrive pas à saisir la raison. Pourtant, la veille, tout était calme et mes parents, souriants, préparaient leur thé sous la tente. Leur causerie était riche, ponctuée d’éclats de rire et de tapes dans les mains. Lorsque, revenant des pâturages, je fis irruption sous la tente, ils m’ont gratifié de larges sourires. Ma mère me donna une poignée de dattes mielleuses et mon père ne manqua pas de gentillesse envers moi : il caressa mes cheveux en bataille et me glissa entre les paumes des morceaux de fromage à base de lait de chamelle. Mon cadet, un garçon d’habitude geignard, jouait sagement avec deux pierres informes, trouvailles de sa quête permanente de jouets. La théière crachotait sur les braises, épandant une odeur de sucre brûlé. Un pan de la tente était soulevé, pour permettre à l’air de circuler et d’activer la braisière.
Ce matin, le climat de la veille semble ne plus exister. Je sens aussi l’inquiétude effleurer ma peau, surtout lorsque j’observe l’attitude peu commune de ma mère. Il arrive que mon père s’absente. Il le fait souvent. Lors de ses précédents voyages, j’étais toujours au courant, quelques jours auparavant.
Maman, où est parti papa ? demandé-je à ma mère ?
Il va revenir. Prends ton petit déjeuner et ramène les dromadaires aux pâturages, me répond-elle, toujours avec un air mélancolique, le menton soutenu par le talon de sa main droite, l’autre étant occupée à tracer des sillons sur le sol meuble.
Ma mère s’appelle Fouda {1} . C’est une femme courte, frêle et agile. Elle est peu loquace, parfois autoritaire à mon égard, sans être radine en affection. Dès qu’elle me voit revenir des pâturages, elle m’éclabousse avec un sourire qui laisse entrevoir des dents d’un blanc éclatant, divinement loties dans des gencives bleuies par un tatouage fait par des mains expertes. C’est une femme au rachis court, par rapport à sa chevelure tombante, aux bras longs et graciles et aux cils hautains qui ornent des yeux magnifiques. Ses yeux pétillent de bonheur quand elle me voit venir vers elle. Je me noie dans sa beauté saharienne. Elle me serre contre elle et m’inonde de son musc maternel. Auprès d’elle et à chaque rencontre je me comporte comme un nouveau-né qui renoue avec sa génitrice partie un instant.

Ma mère est trop prévenante. Avant chaque départ pour les pâturages, elle m’adresse mille conseils de prudence et certains, réitérés avec insistance, se répercutent en écho sur mes tympans. Par-dessus tout, elle craint le venin des bestioles cruelles qui ne manquent pas dans notre terroir. Sans les avoir vus, je connais presque tous les venimeux par ma mère : Aoussou {2} le céraste, Ety le scorpion sournois, Tchohou* le lézard venimeux des regs, mais aussi Goulyi-day* le boa constricteur. Parmi les fauves, elle me parle souvent de la hyène à l’arrière-train tombant, ce charognard rayé et trapu capable d’attaquer un jeune berger de mon âge ou même un homme adulte rudoyé par la faim ou la soif. J’évite de mener le troupeau vers les vallées aux arbres ombrageux, repaire naturel du tigre du Sahara, oki {3} . Ma mère dit que des lions s’aventurent dans nos contrées. Ce sont des fauves bannis des zones lointaines du Ouaddaï et de Biltine par des esprits maléfiques pilotés par les fakirs (les marabouts de ces régions reculées sont capables de faire errer n’importe quel fauve vers des zones très éloignées de leurs pâturages). Un jour, un lion « piloté » a traversé tout le Sahara causant un carnage indicible parmi le bétail : il a été à Mourdi-Erdi-Manga à l’est de l’Ennedi, puis à Bahchikélé {4} au centre, avant d’aller à Ounianga {5} au nord. Là, il a décroché vers l’ouest et se retrouva à Aralla, près des regs de Djourab {6} , tuant une fille perchée sur un âne qui, de nuit, voulait traverser l’oued. Les habitants l’ont traqué à travers les dunes et l’ont tué à coups d’edyi {7} . Ma mère me parle aussi souvent de Bidiouwar {8} , un fauve qui ressemble au lion, mais en plus petit, et très dangereux selon maman : il vit sur les plateaux de Forteya et de Kawalia, mais aussi sur la colline Doholouk, dans le Mourtcha*. Mon père croit que c’est un animal poltron et discret ne s’attaquant jamais à l’homme. De nombreuses hardes de Tourdi {9} écument enfin la terre de l’Ennedi. Ce sont des chasseurs redoutables. Ils chassent en meute et sont d’une vélocité incontrôlable. Les ânes paient un lourd tribut à ces voraces « chiens sauvages » qui se jettent sur un asinien et le dévorent en pleine course. Mais d’habitude, ces fauves sont poltrons devant l’homme. Je connais aussi Sassouh {10} avec sa robe ambre et le bout de sa queue blanchâtre, suricate qui s’en prend au talon d’Achille de l’homme qui l’agresse et, lorsque celui-ci tombe, lui arrache les gonades. Les Toubous croient que Sassouh détient le parangon de la bravoure ; d’où l’expression : « brave comme une Sassouh ». En vérité, c’est surtout un animal couard : je l’ai chassé, un jour, à coups de pierres et il s’est fondu dans un shécket {11} touffu où se trouvait son terrier. Son habitat dégageait une odeur nauséabonde. Goulyi-tyin est un serpent noir. Il bêle comme un agneau, d’où son nom de « serpent agneau », et il vit dans les creux des arbres. Son venin tue en quelques heures. Ma mère dit que ce drôle de serpent au cri inoffensif et au venin toxique vit sur la colline de Dohoulouk, comme Bidiouwar, la bête qui castre les hommes. Echichi, le solifuge, aussi rapide qu’une étoile filante, est familier du feu du soir. Cette galéode appelée « scorpion du vent » est venimeuse chez nous. Coincée, elle réplique par ses chélicères et injecte un venin paralysant. Un cousin de mon père porte les séquelles de sa morsure : une hémiplégie.

De prime abord, je n’ai pas peur des animaux sauvages. Très souvent, ce sont eux qui décampent les premiers, en quête de leur propre survie.
Un jour, j’ai vu auprès d’une de nos chamelles un animal bizarre, train rond, haut comme un chacal, portant de longues tiges. Le dromadaire s’approcha de la bête occupée à creuser le sol. Subitement, la créature fuit le bossu en agitant ses tiges sur le dos. C’est alors que je l’ai reconnu et que je me suis jeté à ses trousses. Il était peu rapide. Je l’ai rattrapé et lui ai asséné une pluie de coups de bâton au niveau des pattes postérieures. L’animal saignait et ses os s’extériorisaient. Les pattes postérieures hors d’usage, l’animal se traînait par les pattes antérieures. Encore des coups sur son dos, quelques piquants bicolores, noir et blanc, se détachaient. Je me s

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