Rangbhûmi
643 pages
Français

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Description

Rangbhûmi, écrit en 1924, est l'oeuvre d'un "soldat de la plume" qui utilise la fiction littéraire comme une arme politique en faveur de la cause paysanne et l'autonomie du pays. Ce roman met en scène des personnages plus grands que nature, des héros, engagés, dans cette grande bataille qui rappelle celle du Mahâbhârata. Rangbhûmi est non seulement l'un des plus importants romans de Premchand, mais un chef-d'oeuvre de la littérature indienne et de la littérature tout court.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2010
Nombre de lectures 106
EAN13 9782296706576
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,2050€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

RANGBHÛMI
Le théâtre des héros
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’École-polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-12779-1
EAN : 9782296127791

Fabrication numérique : Socprest, 2012
P REMCHAND
(1880-1936)


RANGBHÛMI

Le théâtre des héros


Traduction du hindi par Fernand Ouellet


Avec la collaboration de Kiran Chaudhry,
d’André Couture
et de Richard Giguère
PRÉFACE
Après la traduction du roman Godan. Le don d’une vache qu’a déjà publiée Femand Ouellet aux Éditions L’Harmattan en 2006, et celle de trois recueils de nouvelles, Deux amies et autres nouvelles (1996), Délivrance (2000), et La marche vers la liberté (2008), il me paraît inutile de présenter longuement le romancier et nouvelliste qui a écrit sous le pseudonyme de Premchand (18801936). Le jeune Dhanpat Rai était un fils de kâyasth, une caste de scribes, exerçant le métier de postier. Vite sensibilisé à la déplorable condition des paysans du Nord de l’Inde sous la domination des autorités britanniques, il avait déjà publié en 1908 une première série de nouvelles qui avait été aussitôt jugée séditieuse et potentiellement violente, et qui fut brûlée sur la place publique. Après un mariage malheureux, le jeune homme se remaria à vingt-neuf ans avec la fille d’un ardent partisan d’un mouvement de réforme, l’ÂryaSamâj, dont les valeurs exerçaient sur lui depuis un certain temps une grande séduction et auquel il sera fait allusion à quelques reprises dans le présent roman. Il s’agit d’une « Société des Ârya », fondée en 1875 par Swami Dayananda, qui prétend renouer avec les véritables Ârya, des « Nobles », pour qui le mérite avait plus d’importance que la naissance et qui refusaient sur cette base toutes les discriminations fondées sur un système de castes étranger aux normes de l’ancien Véda. Premchand pouvait ainsi justifier à même l’hindouisme des réformes qui lui paraissaient criantes, et surtout sans être accusé de pactiser avec le colonialisme.
Publié en 1936, Godan est le dernier roman de Premchand et en quelque sorte l’aboutissement de sa quête de liberté. L’auteur y présente Hori, un paysan résigné à accepter son misérable sort, et dont le rêve de posséder une vache est lentement réduit à néant ; il l’oppose à un fils du nom de Gobar qui ne craint pas de critiquer l’ordre établi et qui brise le cycle de la fatalité en décidant d’aller travailler en ville. Premchand rencontre Gandhi pour la première fois en 1920 lors d’une tournée à Gorakhpur, quelques mois après le massacre de cinq ou six cents manifestants par les forces de l’ordre à Amritsar au Panjâb. Il avoue avoir été immédiatement fasciné : « La vue du Mahâtmâ produisit un miracle pour l’homme à demi-mort que j’étais » {1} . Premchand abandonne aussitôt le service du gouvernement, quitte la ville pour la campagne et se met à faire la promotion de l’indépendance de l’Inde. Le roman Rangbhûmi, écrit en 1924, est donc l’œuvre d’un « soldat de la plume », c’est-à-dire d’un romancier qui utilise sa plume comme une arme politique, mais de façon sans doute plus habile que dans les premières nouvelles. Il faut lire Rangbhûmi comme l’œuvre d’un de ces « Volontaires » dont il sera question dans le roman, mobilisés en faveur de la cause paysanne et de celle de l’autonomie du pays.
Rangbhûmi est non seulement l’un des plus importants romans de Premchand, mais peut être considéré comme un chef-d’œuvre de la littérature indienne, ou de la littérature tout court, au même titre que le Mahâbhârata. Le rapprochement dans mon esprit n’est pas du tout inopiné, car il y a entre ces deux œuvres une telle série de parallèles qu’il est difficile de croire que ce roman n’ait pas été le fruit de la méditation de Premchand sur l’épopée.
La guerre qui oppose les Pândava et les Kauvara dans le Mahâbhârata se déroule dans un kshetra, {2} le Kurukshetra, le champ des Kuru, c’est-à-dire la terre où se sont installées les lignées d’une célèbre dynastie qui remonte à Bharata, l’ancêtre auquel se rattachent les Indiens qui nomment toujours leur pays Bhârata (ou Bhârat). Ce vaste terrain, situé dans le Nord de l’Inde et bien délimité par des bornes précises, porte aussi le nom de Brahmakshetra, le champ de Brahmâ, puisque c’est justement en cet emplacement que le dieu Brahmâ aurait jadis procédé à un grand sacrifice. Ce terrain a dû être mesuré et labouré avant qu’on y construise un autel de briques symbolisant le Feu. Mais le Kurukshetra est aussi le champ de bataille où se déroule le gigantesque affrontement décrit dans le Mahâbhârata, une guerre régulièrement comparée à un vaste sacrifice.
Premchand a curieusement choisi de faire d’une parcelle de terre, appartenant aux ancêtres de l’aveugle Surdas depuis soixante-dix générations et qui se trouve à la limite de plusieurs villages, l’enjeu principal de la bataille qui oppose les protagonistes de ce roman. Surdas n’a pas de vaches, mais c’est parce que les vaches, qui symbolisent la prospérité paysanne, viennent y brouter de dix villages des alentours que ce terrain mobilise l’ensemble des habitants de la région. Ce champ n’appartient pas personnellement à Surdas, mais doit être considéré comme un bien ancestral. Il lui a seulement été donné en dépôt. Il en est responsable et se battra jusqu’à la fin pour le transmettre aux générations futures. John Sévak se rend bien compte au chapitre 20 de la détermination de Surdas, et se dit prêt à ébranler l’Inde entière pour parvenir à ses fins. Ce ne sont que les idéalistes qui s’imaginent que la terre est un lieu de paix ( shânti-bhûmi ) ; c’est au contraire, remarque-t-il, un champ de bataille ( samara-bhûmi ) où seuls la valeur et le courage assurent le triomphe. La parcelle que défend Surdas, qui s’appelle ordinairement « zamîn » dans la langue des paysans, un mot d’origine persane, prend vite des allures de champ de bataille, et l’on remarquera que le vocabulaire utilisé par le roman pour réfléchir à la portée de la lutte est directement emprunté au Mahâbhârata . Ces similitudes ne sont certainement pas le fruit d’un hasard : elles montrent avec quel sens de la tradition Premchand réinvente l’épopée dans Rangbhûmi.
L’interminable lutte à propos d’un champ que décrit le roman tient du jeu dans tous les sens du terme. {3} C’est peut-être la remarque que se fait Surdas à lui-même à la fin du chapitre 11 qui reflète le mieux la problématique dans laquelle Premchand veut faire entrer son lecteur.
Vâh ! Je pleure au jeu ! Quelle mauvaise attitude ! Même les enfants n’aiment pas ceux qui pleurent au jeu et ils se moquent de ceux qui le font. Un vrai joueur ne pleure jamais. Il peut perdre une manche après l’autre, recevoir coup sur coup et subir des blessures, mais il demeure sur le terrain ( maidân ) et ne fronce même pas les sourcils. Il ne perd jamais courage, il n’en veut jamais aux autres, il ne les envie pas et il ne se fâche pas contre eux. Comment peut-on pleurer au jeu ? Le jeu n’est pas fait pour pleurer, mais pour rire et pour se distraire.
L’aveugle complètera sa pensée au chapitre 44 en ajoutant sur le même ton :
Ne vous en faites pas pour cela… Les profits et les pertes, la vie, la mort, la renommée et le discrédit, tout est dans les mains du destin. Nous avons seulement été créés pour jouer sur un terrain de jeu. Tous les joueurs s’engagent intensément dans le jeu, tous veulent gagner, mais une seule équipe obtiendra la victoire. Pourtant, les perdants ne perdent pas courage. Ils recommencent à jouer et, s’ils perdent à nouveau, ils recommencent encore. De temps en temps, il leur arrive de gagner. Ceux qui disent du mal de vous aujourd’hui viendront courber la tête devant vous demain. Il faut que vos intentions soient bonnes. […] La renommée et le discrédit sont entre les mains de Dieu. Nous n’y pouvons rien.
John Sévak pense plutôt que le développement social et politique demeurera toujours quelque chose de très sérieux. Il exprime clairement son point de vue à

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