La lecture à portée de main
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Publié par | L'Harmattan |
Date de parution | 01 septembre 2012 |
Nombre de lectures | 10 |
EAN13 | 9782296502505 |
Langue | Français |
Poids de l'ouvrage | 2 Mo |
Informations légales : prix de location à la page 0,1200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Un train dans la nuit
Lettres des Caraïbes
Collection dirigée par Maguy Albet
Déjà parus
Germain SENSBRAS, « Mangé cochon » à Karukera, 2012.
Beaudelaine PIERRE, L’enfant qui voulait devenir président,
2012.
Jacqueline Q. LOUISON, L’ère du serpent, 2012.
Joël ROY, Variations sur un thème détestable, 2011.
Jean-Claude JANVIER-MODESTE, Un fils différent, 2011.
Beaudelaine PIERRE, La Négresse de Saint-Domingue, 2011.
SAST, Le Sang des Volcans, 2011.
Claire Marie GUERRE, Clone d’ange, 2011.
Sabine ANDRIVON-MILTON, Anatole dans la tourmente du
Morne Siphon, 2010.
José ROBELOT, Liberté Feuille Banane, 2010.
Yollen LOSSEN, La peau sauvée, 2010.
Sylviane VAYABOURY, La Crique. Roman, 2009.
Camille MOUTOUSSAMY, Princesse Sit ā. Aux sources des
l’épopée du R ām āyana, 2009.
Gérard CHENET, Transes vaudou d’Haïti pour Amélie chérie,
2009.
Julia LEX, La saison des papillons, 2009.
Marie-Lou NAZAIRE, Chronique naïve d’Haïti, 2009.
Edmond LAPOMPE-PAIRONNE, La Rivière du
Pont-deChaînes, 2009.
Hervé JOSEPH, Un Neg’Mawon en terre originelle. Un périple
africain, 2008.
Josaphat-Robert LARGE, Partir sur un coursier de nuages,
2008.
Max DIOMAR, 1 bis, rue Schoelcher, 2008.
Gabriel CIBRELIS, La Yole volante, 2008.
Nathalie ISSAC, Sous un soleil froid. Chroniques de vies
croisées, 2008.
Raphaël CADDY, Les trois tanbou du vieux coolie, 2007.
Ernest BAVARIN, Les nègres ont la peau dure, 2007.
Jacqueline Q. LOUISON, Le crocodile assassiné, 2006.
Claude Michel PRIVAT, La mort du colibri Madère, 2006. Raphaël Caddy
Un train dans la nuit
LES TROIS TANBOU DU VIEUX COOLIE
TOME 3
L’HARMATTAN
© L'HARMATTAN, 2012
5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-96433-4
EAN : 9782296964334
Afrique
Ne tremble pas le combat est nouveau,
Le flot vif de ton sang élabore sans faillir
Constante une saison ; la nuit c’est aujourd’hui au fond des mares,
Le formidable dos instable d’un astre mal endormi,
Et poursuis et combats – n’eusses-tu pour conjurer l’espace
Que l’espace de ton nom irrité de sécheresse.
Boutis boutis
Terre trouée de boutis
Sacquée
Tatouée
Grand corps
Massive défigure où le dur groin fouilla
Aimé Césaire CHAPITRE I
Tous les coups frappés sur la peau tendue du « Djouba » heurtaient ses
tempes avec une violence, quasi, insupportable, et les roulements continus,
orageux des « Tanboularavine » couraient sur son cœur au bord de la
rupture.
1Il y avait, dans ce voukoum sauvage, quelque chose de grand ! Quelque
chose qui, de toute évidence, dépassait la Ravine, la noyait et emportait dans
son flot impétueux tout ; donc forcément Stephen !
En proie à une profonde et intense émotion, le jeune homme sut dès
l’instant que seule la fuite, la fuite immédiate sans barguigner lui éviterait la
honte publique des larmes.
Un homme vrai ne pleure pas ! Un homme avec un H majuscule ne pleure
jamais.
Lors, sans réfléchir plus avant, le pouvait-il ? Sans un mot prononcé, sans
même un simple geste des mains, un geste vers ceux, qui rassemblés autour
du vieux manguier centenaire de « lakou Siamen », roulaient, cognaient
Tanbou en son honneur, mettant ses jambes à son cou, il détala tel un
vulgaire toutou auquel on jette des pierres.
Il fuyait Stephen, il fuyait, avec au fond du cœur, le sentiment de la
défaite, l’amer goût de la désespérance.
Et voici qu’au lieu de courir vers la grand-route, il plongeait vers le
« fond », vers la ravine sournoise, lui qui voulait à tout prix se soustraire à
l’adieu du tambour ! Lui qui ne voulait plus entendre les cris, les plaintes qui
lui labouraient le cœur. Voici qu’il s’enfonçait au sein de ce qu’il voulait
fuir, dans une véritable chambre d’échos ; car le mur, rempart du parc à
mazout de la marine nationale, à grand renfort de ces voix mystérieuses
venues de partout, et aussi de nulle part, lançait à sa poursuite par vagues
sans cesse renouvelées, les chants des Répondè et les roulements d’orage du
tambour.
Il fuyait et dans le même temps, il s’interpellait, s’invectivait : « attitude de
lâche » se disait-il. Oui, oui, je ne suis qu’un lâche car la fuite ne résout
aucun problème. Pour corser la situation, les échos déchaînés le
poursuivaient, amplifiant les coups de gueule des tanbou ; à croire que ce
parc, d’habitude hostile, avait de la peine à le voir fuir ainsi, et décidait de
mettre à ses basques, telle une meute, toutes les voix des échos détenues
dans son enceinte : « Interdit au public. Propriété Militaire ». Le panneau
était net et clair. Il fuyait Stephen ! Il fuyait alors justement qu’il ne voulait
pas le faire. Il avait à la bouche comme un arrière-goût d’aliments tièdes, et
1 Vacarme.
7ses narines étaient pleines du remugle de quasi-vomissures qui lui remontait
par saccades.
Il fuyait Stephen, et il lui semblait que, dans cette fuite, il emmenait,
entraînait à sa suite tout l’environnement dans un indescriptible cahot !
Oui, il entraînait tout avec lui, sauf le groupe Tanboularavine qui, figé par
« l’adieu », lentement s’estompait.
Il savait Stephen que ses amis du groupe les Tanbouyè, il savait qu’en ce
moment précis, ils avaient tous les trois bloqué, en quelque sorte, un « talon
sur la peau » pour assourdir les sons jusqu’à l’intime. On ne hurle pas un
« Adieu », on le murmure, on le susurre !
1On dit, d’ailleurs, toujours adieu à ceux qui ka pâti pour Fwans
Pourquoi ne le fait-on pas pour ceux qui s’en vont à Néyok, Venezuel,
2Bwénozè ?
Lorsqu’au bout de sa fuite, Stephen, haletant, se retrouva chez Monsieur
son père, franchissant rapidement corridor et salle de séjour, il grimpa quatre
à quatre les marches de l’étroit escalier menant au premier étage. Se
réfugiant alors dans la salle d’études, il se laissa choir sans ménagement sur
l’une des deux vieilles chaises qui protesta d’un râle horrible contre ce
traitement.
La salle d’études était devenue, depuis peu, sa chambre en quelque sorte ;
pour être plus précis, disons qu’il y couchait.
Le Maître des lieux ayant, simplement, adjoint au mobilier sommaire un lit
à structure métallique sur lequel était, négligemment, jetée une paillasse, qui
de toute évidence, avait sinon dépassé, mais, certes, atteint l’âge de la mise à
la décharge publique.
Ce fut seulement ce jour-là que Stephen se rendit compte de la misère de
cette literie, et aussi de sa vie familiale.
Le fait de savoir, de constater que, mis à part Monsieur, toute la famille
était logée à la même enseigne ne pouvait en aucune façon être un sujet de
consolation.
Il est aveugle cet homme ? Aveugle à tout ce qui se passe, ici, dans sa
propre maison, au sein de cette famille dont il est responsable, après tout !
Il est sourd cet homme ?
Le garçon se creusait les méninges, se demandait si cet être distant,
lointain au regard parfois chargé de mépris, était le même dont lui parlait sa
mère, le même dont elle disait « Tu ne peux t’imaginer comme sous un
aspect fermé, hermétique même, ton papa cache de dévouement, de
générosité et d’amour ! ».
1 Qui partent pour la France – qui part en exil.
2 New-York – Venezuela