Simone de Beauvoir, la narration en question
310 pages
Français

Simone de Beauvoir, la narration en question , livre ebook

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Description

Les qualités intrinsèques de l'écriture de Simone de Beauvoir sont restées largement méconnues. Par une approche narratologique, Yasue Ikazaki propose une relecture de l'ensemble des récits de cet auteur (fictions et autobiographie), comprenant les publications posthumes (Lettres à Sartre, Lettres à Nelson Algren, Journal de guerre) et les inédits (Malentendu à Moscou, les chapitres initiaux de L'Invitée).

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Publié par
Date de parution 01 juin 2011
Nombre de lectures 125
EAN13 9782296460966
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Simone de Beauvoir, la narration enqueŝtion
Approches littéraires Collection dirigée par Maguy Albet
Dernières parutions
Bouali KOUADRI-MOSTEFAOUI,Lectures de Assia Djjebar. Analyselinéaire detrois romans:L’amour, la fantasia,Ombre sultane,La femme sans sépulture,2011. Daniel MATOKOT,Lerire carnavalesque dans les romansde Sony LabouTansi, 2011. Mureille Lucie CLÉMENT,AndreïMakine, Lemultilinguisme,la photographie,le cinéma et lamusique dans son œuvre,2010 MahaBENABDELADHIM,LorandGasparen questionde l'errance, 2010. A.DELMOTTE-HALTER,Durasd'une écriture delaviolence au travaildel'obsne, 2010. M.EUZENOT-LEMOIGNE,SonyLabouTansi.Lasubjectivation du lecteurdans l'œuvreromanesque, 2010. B.CHAHINE, Le chercheur d'orde J.M.G.LeClézio, problématique du héros, 2010. Y. OTENG,Pluralité culturelle dans leromanfrancophone, 2010, Angelica WERNECK,moiresetDésirs.Marguerite Duras/Gabrielle Roy, 2010. AgnèsAGUER,L'avocatdans lalittérature duMoyenÂge et dela Renaissance, 2010. SylvieGAZAGNE,SalahStétié,lecteurde Rimbaud etde Mallarmé.Regard critique,regard créatif, 2010. Élodie RAVIDAT,JeanGiraudoux:la crise du langage dans La guerre de Troien’aurapas lieuetÉlectre, 2010. A.CHRAÏBI,C. RAMIREZ,L’héritage desMille et unenuits etdu récit orientalenEspagne etenOccident, 2009. Gloria SARAVAYA,Undialogueinterculturel, 2009. Nelly MAREINE,HenriMiller,BlaiseCendrars.Deuxâmes sœurs, 2009. Christian PAVIOT,Césaire autrement.Lemysticisme du Cahierd’un retourau pays natal, 2009. Liza STEINER ,Sade-Houellebecq, duboudoirau sex-shop, 2009.
Yaŝue IKAZAKI
SIMONEDE BEAUVOIR, LANARRATION EN QUESTION
© L’Harmattan, 2011 5-7, ruede lÉcole-Polytechnique; 75005Pariŝ http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN:978-2-296-54722-3 EAN:9782296547223
Introduction
Le fait est que je suis écrivain : une femme écrivain, ce n’est pas une femme d’intérieur qui écrit mais quelqu’un dont toute l’existence est commandée par l’écriture (FCII, p. 495).
Si les écrits de Simone deBeauvoir ont fait l’objet de nombreuses études biographiques ou féministes, son œuvre littéraire est restée largement méconnue.Alors qu’une renommée mondiale lui est reconnue e dans le cercle des intellectuels qui ont marqué leXXsiècle, son originalité en tant qu’écrivain est loin de faire l’unanimité. Par exemple, Pierre-Henri Simon considère les écrits de Simone deBeauvoir comme un 1 double de ceux de Jean-Paul Sartre. Il est en effet difficile de trouver des ouvrages de critique et d’histoire littéraires qui s’attardent à l’originalité de cet auteur. Simone deBeauvoir elle-même ironise dans son autobiographie sur ce préjugé négatif : «Des gens ont raconté que Sartre écrivait mes livres. Quelqu’un, qui ne me voulait pas de mal, m’a conseillé au lendemain duGvous donnez des interviews,oncourt : "Si précisez queLes Mandarinssont bien de vous ; vous savez ce qu’on dit : que Sartre vous tient la main..." » (FCII, p. 490). En réalité, il est difficile d’imaginer un écrivain sans originalité aucune.Àcôté de celle de son compagnon, géant philosophe et écrivain, l’écriture de notre auteur subit pourtant toujours la pression d’une convention qui la maintient sur tous les plans dans le statut d’un être secondaire. Son cas nous semble illustrer que la littérature française reconnaît mal les femmes-écrivains en général. Les procédés littéraires de Simone deBeauvoir sont rarement analysés, et l’on a pris l’habitude de les situer à l’arrière-plan de ceux de Sartre.En apparence, Simone deBeauvoir est fidèle à la théorie littéraire 2 que ce dernier a développée : elle bannit le narrateur omniscient et adopte le point de vue de plusieurs personnages, un point de vue qui ne prétend pas dépasser la vision de chaque personne.Comme l’avaient déjà
e 1. SIMON(P.-H.),Histoire de la littérature française auXXsiècle, tome 2,A.Colin, e 8 édition, 1965, (édition originale, 1956), pp. 181-182. 2.Entre autres, SARTRE(J.-P.), « M.François Mauriac et la liberté », inSituations I, Gallimard, 1947, pp. 36-57. 7
montré lesFaux-Monnayeursd’AndréGide ouLe Bruit et la Fureurde WilliamFaulkner, ces procédés se dégagent de ceux des romanciers du e XIXsiècle. Nous pouvons résumer grosso modo quelques caractéristiques des œuvres de Simone deBeauvoir : la coexistence de la narration à la première et à la troisième personnes, l’alternance des points de vue et un procédé d’écriture cinématographique.Cependant, même après que Sartre renonce à achever son romanLes Chemins de la liberté, sa dernière tentative de création romanesque, Simone deBeauvoir se livre à des activités créatrices stimulantes, dans lesquelles elle déploie divers procédés que nous pourrions qualifier d’« expérimentaux ». Par exemple, aprèsLes Mandarins, dont on a dit que c’était le dernier roman existentialiste, puis après sesMémoires, elle change de style du tout au tout à partir du romanLes Belles Images. La structure, pleinement étudiée de ce roman pour obtenir un certain effet d’optique, nous fait songer à celle du « Nouveau roman ».Beauvoir a raconté au mois de novembre 1965 dans un entretien avecFrancis Jeanson : « Je ne suis pas du tout pour le "Nouveau roman", mais je suis d’accord avec un bon nombre de 3 critiques qui ont été formulées de ce côté-là [...] » . On peut considérer que, à partir de cette œuvre dont l’espace littéraire est consciemment construit et la recherche stylistique très poussée,Beauvoir s’approprie également quelques procédés du « Nouveau roman ». Par ailleurs, ses écrits intimes comme le journal et la correspondance (dont la publication posthume a été effectuée par sa fille adoptive Sylvie LeBon deBeauvoir) révèlent la trace d’une censure rigoureuse et systématique qu’elle exerçait dans ses livres de son vivant.Ce fait jette une lumière nouvelle sur l’analyse de ses textes autobiographiques et de ses textes de fiction, comme en témoignent de récentes études.De ce point de vue, c’est le statut même du discours qui se trouve remis en question.Car, l’étude narratologique consiste non seulement à analyser de nouvelles techniques formelles et expérimentales de l’écrivain, mais aussi à éclairer et à révéler l’acte d’énonciation de l’écrivain jusqu’à son subconscient.Étudier l’acte de narrer implique avant tout d’approfondir la
3. JEANSON(F.),Simone de Beauvoir ou l’entreprise de vivre, Seuil, 1966, p. 295.De même,Beauvoir raconte, juste après la parution desBelles Images, dans une interview accordée au LiteratournaïaGazeta (n°6, 14 février, p. 8) : « Je ne suis absolument pas contre les expériences formalistes des écrivains du "nouveau roman". Leurs essais m’intéressent [...] » (Traduit du russe). VoirFRANCIS(C.),GONTIER(F.),Les Écrits de Simone de Beauvoir,Gallimard, 1979, p. 226. 8
question de savoir qui parle, qui voit, qui perçoit, d’où vient cette perception singulière... Les cinq sens du narrateur ou du porteur de vision (aussi bien la vue, l’ouïe, que le toucher, le goût et l’odorat), seront requis. Or, notre auteur reconnaît par exemple différents registres de son « je » dans son autobiographie.Elle déclare : « Le "je" dont je me sers est très souvent en vérité un "nous" ou un "on", qui fait allusion à l’ensemble 4 de mon siècle plutôt qu’à moi-même » . Pourtant, elle ne nie pas la féminité de sa voix : «D’autre part ce "je", lorsque je le prononce, c’est 5 aussi le "je" d’une femme » .Bref, sa narration du « je », qui « recouvre 6 les problèmes de la condition humaine en général » , a des visées sur les dimensions biologiques, sociologiques, historiques et politiques. Par conséquent, il n’existe jamais le même sujet dans les différents récits : il varie selon l’investissement de l’auteur lui-même. Si bien que l’analyse de ces « je », « il » et « elle », produits de l’investissement de l’auteur, autant dans les textes autobiographiques que dans les textes de fiction, doit rendre la richesse, la profondeur et la modernité de la voix de Simone de Beauvoir, autrement dit son originalité. Pour ce faire, nous emprunterons aux théories sémiotiques, structurales et linguistiques. Nous adopterons essentiellement la 7 classification et la terminologie deGérardGenette . Pour l’analyse des textes autobiographiques, nous nous fonderons sur la recherche de Leo Spitzer et de Philippe Lejeune. Mais sans se limiter à cela, nous n’hésiterons pas à utiliser d’autres approches selon le besoin. Le but n’est pas de découper les écrits de Simone deBeauvoir selon une terminologie systématique.Ce genre d’inventaire présenterait peu d’intérêt. Nous traitons en principe les œuvres de fiction (romans et nouvelles) et les œuvres autobiographiques (lesMémoires). Les premières comprennentQuand prime le spirituel, première œuvre publiée tardivement en 1979, les deux premiers chapitres inédits du roman
4.BEAUVOIRMon expérience d’écrivain », in(S. de), « FRANCIS(C.),GONTIER(F.), Les Écrits de Simone de Beauvoir,op. cit., p. 450. 5.Ibid. 6.Ibid. 7.GENETTE(G.),Figures II, Seuil, coll. « PointsEssais », 1979, (coll. « »,Tel Quel 1969),Figures III, Seuil, coll. « Poétique », 1972,Palimpsestes, Seuil, coll. « PointsEssais », 1992, (coll. « Poétique », 1982),Nouveau Discours du récit, Seuil, coll. « Poétique », 1983,Seuils, Seuil, coll. « Poétique », 1987,Fiction et Diction, Seuil, coll. « Poétique », 1991. 9
L’Invitée(supprimés par l’auteur lors de la publication) et la nouvelle inéditeMalentendu à Moscou(vers 1967). N’oublions pas les deux essais Le Deuxième SexeetLa Vieillessequi reflètent diverses expériences personnelles de l’auteur. Nous comparons également les deux récits de voyage, qui contrastent entre eux :L’Amérique au jour le jourqui se caractérise par la présence de nombreux biographèmes etLa Longue Marchequi est marquée par leur absence. Le rapprochement entre les textes et les écrits intimes comme leJournal de guerre, lesLettres à Sartreet lesLettres à Nelson Algrenest également indispensable à notre analyse.Enfin, les textes de Jean-Paul Sartre, y compris ses écrits intimes comme ses carnets et ses lettres, seront évoqués parce queBeauvoir et Sartre partagent parfois la même matière dans leur création littéraire, et que Sartre joue un rôle principal dans l’autobiographie deBeauvoir.
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