Souffrir pour être belle
158 pages
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Souffrir pour être belle , livre ebook

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Description

Souffrir pour être belle est une plantureuse et douloureuse rhapsodie de petits récits. La flamboyante auteure de La Branleuse (ÉLP éditeur, 2011) nous livre ici, sans concession, sa vision décapante des interventions consenties par la femme contemporaine pour s’approprier les asymptotiques standards de beauté qui l’obsèdent. Tout est livré. Tout est dit et tout est assumé, avec une insatiable férocité. « J’ai beau me dire que c’est débile, anti-féministe, et pas franchement intelligent, je ne peux pas m’empêcher de désirer violemment conserver une beauté que je sais pourtant fragile, et bien peu reconnue. » L’autocritique est instantanée. Le réquisitoire est dévastateur. Ici l’amour est une foutaise sentimentale absolue, un épisode interactionnel anecdotique, périphérique, marginal dans l’aventure. « Ils se racontèrent leurs vies idéalisées et mentirent de concert sur leurs philosophies de la vie et autres inepties. » La rencontre folâtre avec le ci-devant prince charmant est une péripétie parfaitement secondaire dans la marche inexorable de la femme vers la cage-fillette de fer de son incurable obsession narcissique.


Née en France, Amélie Sorignet est issue d’une culture hybride et nomade en déracinement permanent. Elle se partage entre sa famille et sa carrière d’écrivain et de styliste de mode tout en circulant à travers l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Asie, sans y être définitivement fixée. Amélie Sorignet a fait de trop longues études qui lui ont donné des diplômes aux titres ronflants mais plus encombrants qu’autre chose. Elle se consacre à la littérature, à la mode ainsi qu’à la scène en tant que monologuiste en français et en anglais.



Amélie Sorignet a publié sous d’autres pseudonymes des œuvres littéraires variées. Quand elle n’était pas en voyage, elle vivait à Toronto jusqu’à ce qu’elle s’installe en Chine où elle enseigne l’anglais depuis l’automne 2010.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 26
EAN13 9782924550090
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0026€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

SOUFFRIR POUR ÊTRE BELLE
AMÉLIE SORIGNET
© ÉLP éditeur, 2016 www.elpediteur.com ecrirelirepenser@gmail.com
ISBN 978-2-924550-09-0
Image de la couverture : Models on the Catwalk, Kaboompic.com
Polices libres de droit utilisées pour la composition de cet ouvrage : Linux Libertine et Libération Sans
Avis de l’éditeur
Cet ouvrage d’ÉLP éditeur est pourvu d’un dispositif de protection par filigrane appelé aussi tatouage (watermarkanglais) et, par en conséquent, n’est pas verrouillé par un DRM (Digital Right Manage-ment), soit le verrou de protection nécessitant l’ouverture d’un compte Adobe. Cela signifie que vous en êtes le propriétaire et que vous pouvez en disposer sans limite de temps ou sur autant d’appa-reils (liseuses, tablettes, smartphones) que vous voulez.
Cet ouvrage s’avère néanmoins protégé par le droit d’auteur ; en l’achetant, vous vous engagez à le considérer comme un objet unique destiné à votre usage personnel et à ne pas le diffuser sur les réseaux sociaux ou les sites d’échange de fichiers. Veuillez prendre note que cet avis ne s’applique pas si vous vous procurez cet ouvrage dans un écosystème fermé.
ÉLP éditeur est une maison d’édition 100% numérique fondée au printemps 2010. Immatriculée au Québec (Canada), ÉLP a toutefois une vocation transatlantique: ses auteurs comme les membres de son comité éditorial proviennent de toute la Francophonie. Pour toute question ou commentaire concernant cet ouvrage, n’hésitez pas à écrire à : ecrirelirepenser@gmail.com
Préface de l’auteure
Toute femme s’appelle blessure Assia Djebar
Je dédie ce recueil à l’écrivaine algérienne Assia Djebar qui vient de nous quitter à mon plus grand chagrin. Le titre de cette collection de nouvelles sur la quête de la beauté féminine aurait pu êtreToute femme s’appelle blessureest celui d’un chapitre qui d’Ombre sultane, un roman d’Assia Djebar. Les romans de cette auteure mondialement connue ne parlent pas souvent de beauté féminine, et encore moins de ses multiples quêtes, mais ils parlent de la souffrance des femmes de tous temps, de tous milieux, de toutes cultures. Ils parlent de la sororité féminine, du rapprochement intime et tendre des femmes qui souffrent en silence et qui ne trouvent une consola-tion que dans le partage et la confession entre com-
pagnes d’infortune. Ma thèse de doctorat sur l’œuvre djebarienne m’a donné l’envie, m’a fait sentir l’ur-gence même, de parler « près de, si possible tout contre » d’autres femmes dont les souffrances résonnent au cœur des miennes. J’ai choisi de parler des innombrables tortures et autres mutilations que les femmes s’infligent au nom de critères physiques qui leur sont imposés en tous temps, en tous lieux…
Ce recueil ne s’adresse pas forcément à toutes les femmes mais beaucoup s’y reconnaîtront. Les procé-dés qui sont décrits dans les nouvelles ne sont pas tous des opérations chirurgicales extrêmes, ou des mutilations spectaculaires, et certains sont des actes en apparence banals et anodins, voire quotidiens. Cependant même des gestes simples de coiffure ou de maquillage sont en réalité, quand on les observe de plus près, complètement aberrants.
La plupart des nouvelles se terminent très mal, la souffrance évoquée y est toujours intense, le déses-poir constant et lancinant. Ce ne sont pas seulement des souffrances et des séquelles physiques qui plombent ces récits d’un pessimisme angoissant, mais également celles du cœur et de l’esprit, des blessures fatales à la dignité humaine, à l’âme si l’on
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y croit. Je n’ai cependant eu l’ambition ni d’apporter des réponses ou des solutions, ni de désigner des coupables précis.
Chaque récit est l’histoire d’une ou de plusieurs femmes qui ont choisi de s’infliger ces tortures et autres tourments, pour satisfaire à certains critères de beauté il est vrai, mais surtout par désir de plaire, d’être « normales », tout simplement d’être aimées. Je n’ai pas non plus voulu dire que les hommes ne souffrent pas des dictats de la mode et de leur appa-rence physique en général, ils ont leurs propres cri-tères et contraintes. Cependant je pense sincèrement que les femmes souffrent beaucoup plus et depuis beaucoup plus longtemps, et que les souffrances féminines en quête de beauté s’intensifient à une vitesse effrayante dans cette époque de l’image qui est la nôtre, une image absolue en ce qui concerne le corps féminin.
Le recueil se lit comme un « coup d’œil » qui part de la racine des cheveux à la plante des pieds de ce corps écartelé entre les modes, les tendances, les contraintes qui lui sont dictées et dont il subit les assauts. J’ai donc voulu parler d’un corps féminin emprisonné, otage parfois complice, consentant. J’ai
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voulu parler, comme Djebar, « près de, si possible tout contre » celles que je considère comme mes voisines de cellule en quelque sorte, compagnes carcérales dont j’ai partagé certains supplices.
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Les cheveux en quatre
« Il faut souffrir pour être belle ! »
La première brûlure, près du cuir chevelu, vive, tenace, quand le fer à friser remonte la mèche jus-qu’à la chair. Et ces mots de ma mère, qui me hantent encore aujourd’hui. Faut-il, vraiment, « souf-frir pour être belle » ? Le fer reste collé contre le crâne quelques minutes qui semblent interminables. La chaleur se répand autour de la première brûlure et la tête commence à se faire lourde. Puis le fer s’écarte d’un coup, dégouline le long de la mèche qu’il déroule. La sensation de délivrance apportée par cette soudaine fraîcheur procure alors un plaisir parti-culièrement délicieux, déjà masochiste. Le travail sera repris mèche par mèche, jusqu’à la dernière. Les mains de ma mère, aussi implacables que la mâchoire d’acier qu’elles manipulent, s’affairent autour des boucles encore chaudes. Parfois quelques cheveux restent emprisonnés entre les lames du fer et tirent sur leurs racines. La douleur est alors diffé-
rente, comme celle d’un élastique qui claque sur la peau. Les cheveux finissent toujours par céder et se laissent arracher, dans un cri inaudible. Mais mes cheveux sont « fins », adjectif qui serait avantageux dans un autre contexte mais qui ne l’est pas du tout dans celui-ci. Les boucles, à peine nées, sont en dan-ger d’extinction dès les premières minutes de leur existence. Il faut alors faire vite et les consolider avant la décrépitude. C’est là que la laque intervient. Ma mère la fait voltiger au-dessus de ma tête, en cercles concentriques, sans jamais cesser d’appuyer sur la gâchette de la bombe. Les cheveux s’engluent, se collent, puis raidissent. Ainsi gelées les boucles pourront survivre quelques heures tout au plus, jus-qu’à l’aplatissement inévitable. Les volutes de laques ne se posent pas seulement sur ma tête mais aussi dans mes poumons et me font tousser de dégoût. L’odeur douceâtre est insupportable et ma haine de cette opération soi-disant nécessaire me submerge à ce moment même. Je regarde enfin le miroir pour découvrir l’amoncellement ridicule qui entoure désor-mais mon visage. Les boucles, même laquées, semblent molles et prêtes à couler à tout moment. Je passe un peu les doigts dans mes cheveux pour les secouer. La laque qui colle à ma peau me dégoûte
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mais je continue. J’espère aérer cette frisure figée pour enfin ressembler à ces actrices américaines aux crinières remarquables qui peuplent les mauvais feuilletons que je regarde toujours avec ma mère. Le résultat en est loin et ma mère s’énerve. « Qu’est-ce que tu fais ? Tu veux que je recommence ou quoi ? » Non bien sûr je ne veux pas qu’elle recommence la torture et je me calme, vaincue et frisée. Avant le supplice du fer j’ai dû dormir sur des bigoudis durs et piquants qui m’ont réveillée migraineuse. Mais les boucles de la nuit, on le sait, ne tiennent pas et il faut donc avoir recours au fer pour les consolider. Ma tête me semble prête à exploser et je rêve de calvitie pour enfin avoir la paix.
J’ai treize ans et on me prépare comme un gâteau d’anniversaire pour aller faire tapisserie dans une noce froide. Encore heureux que ma mère ait renoncé à rajouter des rubans couleur saumon pour aller avec le tulle de ma grotesque robe de demoiselle d’hon-neur. Mais il faut que je sois belle et c’est de toute évidence la marche à suivre pour l’être. Si je joue avec des cousins à courir autour des tables odo-rantes, bousculant les noceurs avinés, je risque de transpirer et mes cheveux, alors, deviendront gras et l’échafaudage retombera pathétiquement. Je dois
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