Clarice et Maria, Vieillesse comique
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Clarice et Maria, Vieillesse comique , livre ebook

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Description

Deux journées a priori banales dans le quotidien de deux femmes proches de la soixantaine. Une routine décortiquée de manière acide, avant un changement d’attitude débouchant sur une révélation déconcertante. Un coup monté suivi d’une amnésie, puis une forme de réconciliation avant une dernière surprise. On rit, on appuie là où ça fait mal, le tout sans temps mort. Qui a dit que la retraite pouvait être ennuyeuse ? Sûrement pas Clarice et Maria !

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 63
EAN13 9791022101684
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0030€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Julien Raynaud

Clarice et Maria

Vieillesse comique

© Presses Électroniques de France, 2014
PERSON­NAGES

Clarice. 59 ans. Physique sec mais bien proportionné.
Maria. 59 ans. Exubérante. Plutôt grasse.
Éponin. Neveu d’une cousine de Clarice. Garçon très effacé.
Alfred. Facteur de son état.
Un homme. Moustachu.
ACTE I

Nous sommes chez Clarice, dont l’intérieur est du plus mauvais goût. Tandis que la vieille a l’air très occupée à son train-train, son amie Maria est assise à table, détendue mais visiblement désœuvrée.
Clarice
Si ça ne vous dérange pas, comme il est dix heures et demie, je vais donner un petit coup de balai.
Maria
Ne vous gênez pas pour moi.

(Elle s’installe encore plus confortablement, les bras croisés derrière la tête et regarde autour d’elle)
On n’est pas si mal chez vous.

(Elle le dit en prenant un air sensiblement dégoûté tout de même)
Bon, c’est plutôt sombre. Comment se fait-il qu’il n’y ait qu’une fenêtre ?
Clarice
Il y en a trois, mais deux sont cachées par mes buffets.
Maria
Ah ! Il fallait y penser… On pourrait peut-être le suggérer par courrier à la présentatrice de Déco sur M6, celle qui ressemble à Marine Le Pen.
Clarice
(Poursuivant sa réponse)
Ben sinon… Où je les mettais donc mes buffets ? Ils me viennent de ma mère quand même.
Maria
(Un peu dans sa barbe)
C’est sûr que c’eût été dommage de vous en séparer.

(En grimaçant et en regardant le public)
De si belles pièces… Il vaudrait le coup de tenter de les vendre aux enchères, pour vous débarrasser.

(Prenant le ton d’un commissaire-priseur et faisant avec ses mains un porte-voix)
« Et maintenant ce superbe buffet en Formica. Admirez comme il est rafistolé avec du papier Vénilia tout décoloré.

(Plus fort)
Il vous est proposé garni de vieilles bonbonnières en bleu de four qui donneront à votre intérieur un aspect moderne et contemporain. On commence les enchères à quatre euros pour le tout ! La livraison est naturellement offerte, elle sera de bon cœur assurée par la venderesse… »
Clarice
(Lui tournant alors le dos, manifestant vexée)
Moi je préfère mon intérieur au vôtre. Avec votre goût pour les peaux de bêtes à même le sol ; pour une femme de votre âge…
Maria
(Se ruant sauvagement vers Clarice, telle une furie)
Quoi mon âge ? J’ai deux mois de moins que vous !
Clarice
(Déclarant d’une manière un peu ridicule, trop appliquée)
Là n’est pas la question. À notre âge, l’on doit bien se tenir.
Maria
(Imitant alors la voix de Clarice)
… Mettre un fichu sur la tête, aller à l’église, bien plier sa serviette…
Clarice
Parfaitement.

(Convaincue)
Toutes mes amies du parc sont bien d’accord avec moi.
Maria
Pff… Il faut voir cette assemblée de vieilles chouettes. On s’amuserait plus avec des bonnes sœurs.

(S’apaisant après un court silence)
Tenez, en parlant de s’amuser, que faites-vous cet après-midi ?
Clarice
Mon programme habituel, évidemment.
Maria
(Ne comprenant pas de quoi il peut s’agir, mais déjà comme répugnée par la réponse)
C’est-à-dire ?
Clarice
J’ai d’abord Les Feux de l’amour . Les Newman et les Abbott me font tellement rêver…
Maria
(Dans sa barbe, en se tournant vers le public)
Moi, tellement vomir !
Clarice
(Très solennelle)
Puis je fais une petite sieste.
Maria
Après de telles inepties, il faut bien se reposer un peu.
Clarice
(Prenant un air appliqué)
Ensuite, je regarde Des chiffres et les lettres…
Maria
(La coupant aussitôt)
À quoi cela peut-il bien vous servir ? Vous n’avez même pas le temps de noter les chiffres ou les lettres, qu’ils donnent déjà la réponse !
Clarice
(Ne souhaitant manifestement pas relever)
… et enfin Questions pour un champion.
Maria
(Articulant pour mieux insister)
Avez-vous déjà seulement trouvé la moindre bonne réponse ?
Elle sourit à la fin, visiblement réjouie de blesser.
Clarice
Oh ! Mais je ne cherche pas les solutions, je regarde seulement pour Julien Lepers. Quel bel homme !
Maria
Ma pauvre Clarice ! Les bras m’en tombent.
Elle exécute le geste bruyamment.
Clarice
(Poursuivant)
Il est si bien habillé, si bien peigné. Le gendre idéal comme on dit.
Elle a gloussé comme une collégienne.
Maria
Faudrait peut-être voir à faire une fille, avant de vous chercher un gendre.
Clarice
Une fille ? Hélas, Dieu n’a pas voulu me faire ce cadeau…
Maria
(La regardant plusieurs fois de haut en bas et se tournant vers le public d’un air entendu)
C’est certainement à Dieu qu’il faut vous en prendre !

(Puis, après une pause)
Julien Lepers !

(S’approchant de Clarice, et lui chuchotant à l’oreille)
Moi, ce qui m’attire, voyez-vous, c’est plutôt le style blouson en cuir, tatouages partout, chaînes dans les mains…
Clarice
Pas du tout le style Julien Lepers !
Maria
J’vous l’fais pas dire. Quoiqu’avec les gens du show-biz, on ne sait jamais. Voyez Roch Voisine…
Clarice prend un air interrogatif.
Maria
Laissez tomber.

(S’éloigne, puis finalement revient)
Pour en revenir à mes fantasmes, moi j’imagine souvent que plusieurs gars en cuir, tatouages et chaînes, me suivent sauvagement pendant que je rentre à la maison. La ruelle est sombre…
Elle a pris sur la fin un ton théâtral et a fait pivoter ses bras, tout en écartant légèrement les jambes. Elle est à présent à l’arrêt.
Clarice
Moi pareil ! J’imagine plusieurs beaux Julien Lepers assis amoureusement à mes côtés, sur le canapé…
Elle a prononcé les trois derniers mots sur le même ton que la dernière phrase de Maria.
Maria
(Regardant le public d’un air entendu)
Ça me fait nettement moins d’effet, là, tout de suite. J’en ai la gorge qui se dessèche.
Clarice
(Avec un empressement ridicule)
Voulez-vous un petit verre d’eau minérale ? J’ai de la Vittel rouge.

(Maria prend rapidement un air consterné, secoue la tête puis elle sort de la poche de sa robe un gigantesque flacon en acier)
Qu’est-ce que vous avez là dites-moi ? Pas du whisky quand même ? À votre âge et à cette heure-ci…
Maria
(Sans relever)
Pas du tout, c’est un mélange de ma création : un tiers infusion de tilleul, un tiers jus de chou, un tiers vodka, un tiers café. Ça me donne un léger coup de fouet quand j’en ai besoin.
Elle en boit une gorgée et s’en extasie de façon tonitruante avec une expression quasi effrayante.
Clarice
(Se dirigeant vers la table)
Oh ! J’allais oublier. Faut que je vérifie ma liste pour la pharmacie, votre potion m’y fait penser.

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