Trou de mémoires

René Hamou

Description

Du fond de leur trou, dans cette nuit artificielle, dans ce lieu que le temps ne fréquente plus, les poignets attachés, assis à même un sol de terre battue, suant sous la chaleur extérieure et frissonnant dans la fraîcheur de l’humidité ambiante, ils attendent. Maria et Frédérique, journalistes italienne et française, James, un marine américain, Rony, un Israélien… Tous attendent leur sort, entre terreur, colère et résignation. Leurs bourreaux? Abdallah, Ibrahim et Abderahim, anciennement Eric, attendent, eux aussi. La libération ou la mise à mort. En temps et en heure, ils décideront de leur destin… Polémique, dérangeant, étouffant, Trou de mémoire fouille les consciences au scalpel après l’intervention américaine en Irak. Violent et provocateur, il agit comme une séance d’électrochocs, rythmé par des débats passionnés, où les idéologies s’affrontent, les certitudes s’effritent, les repères s’effondrent. Sombre et cruel, humain comme le monde malade qu’il dépeint.

Informations

• Publié par: publibook
• Nombre de lectures: 16
• EAN13: 9782748358520
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Trou de mémoires

René Hamou Trou de mémoires

Publibook

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Chapitre I Maria, l’Italienne Lorsque la mesure du temps disparaît elle est remplacée par une léthargie. Quand le cycle des jours n’est plus et qu’il ne reste que la nuit pour repère une sorte de torpeur s’installe en l’humain qui semble végéter dans une petite mort. Une semaine, un mois, un an ; un concept qui se perd sous l’influence de la peur. Mais la terreur, elle- même, s’amenuise lorsqu’elle n’est plus immédiate, elle se délaye dans l’habitude. L’habitude n’est donc que la force d’adaptation à l’événement. Maria ne sait plus le temps passé, elle ne cherche pas à se situer dans l’espace-temps. Voilà bien longtemps qu’elle ne pense plus l’avenir, elle ne pense pas plus l’instant présent, elle est sortie de l’événement par la plus efficace des portes ; la mémoire. Plus de jours, plus de nuits, sans ce cycle, les journées ne font plus vingt-quatre heures, seule subsiste l’horloge biologique mais elle n’a de cadence que les battements du cœur. Pour survivre dans des conditions invivables, elle a rythmé le temps par ce qu’elle maîtrise le mieux ; son pas- sé, son histoire, son vécu, ce qui est sans surprise. Ses souvenirs sont tous porteurs de vie, son hier ne connaît pas la mort, c’est donc là qu’elle s’est évadée mesurant le temps au rythme de son enfance, de son adolescence, de ses espérances, de ses échecs et de ses réussites. Paradoxalement ce n’est ni sa naissance, ni son enfance qui lui reviennent à l’esprit, c’est la collégienne, la jeune fille de quinze ans qui soudain semble s’être trouvée, ou,

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le croyait-elle, retrouvée dans les arcanes d’une adoles- cence tumultueuse emplie de doutes et de démesure. Être née dans une bonne famille romaine n’est, en soi, pas dramatique. Que ses parents soient nantis ne posait, a priori, aucun problème. Fréquenter les meilleures écoles ne pouvait que l’aider dans un devenir de choix. Son père, de grande taille, corpulent, avait reçu de sa lignée une entreprise familiale florissante qu’il avait su, vivant avec son temps, exporter jusque dans les pays les plus riches. Il avait su moderniser, investir, exploiter, orienter ce patrimoine pour le faire entrer en bourse et en faire progresser les actions. La production était intensive, son staff de cadres lui était dévoué et les personnels ; em- ployés et ouvriers, vivaient dans la crainte d’une délocalisation qui leur ferait perdre leur emploi. Les syn- dicats, eux-mêmes, évitaient des conflits face au patron qui faisait montre de poigne et d’autorité. Sa mère, en apparence futile, avait la finesse de ces femmes intelligentes qui savent s’adapter au caractère de leur époux. Cette mère baignait avec saveur dans ce monde riche et sécurisant. Elle sortait, riait, jouait au bridge, faisait du tennis au temps ou ce sport était encore l’apanage des puissants. Cette mère-là aimait sa fille, elle la vénérait, lui vouant une adoration sans limite, lui reconnaissant une force de caractère qu’elle avait, pour elle-même, dû éteindre. Sa fille était magnifique et insoumise. Maria revoyait, avec une certaine tendresse et un léger mépris, cette mère lui conseiller de la diplomatie, un peu de retenue, moins d’arrogance, plus d’indulgence envers ce père qui leur avait bâti un empire. Du fond de son trou, dans cette nuit artificielle, dans ce lieu que le temps ne fréquente plus, les poignets attachés, assise à même un sol de terre battue, suant sous la chaleur extérieure et frissonnant dans la fraîcheur de l’humidité ambiante, Maria attendait.

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