Léo Ferré : une voix et un phrasé emblématiques
232 pages
Français

Léo Ferré : une voix et un phrasé emblématiques , livre ebook

-

232 pages
Français

Description

A l'écoute des oeuvres de Léo Ferré, il nous a paru que tout un pan de sa création ne relevait ni exclusivement de la valeur poétique de ses textes, ni de la richesse de ses mélodies, mais de la performance vocale. Cet ouvrage issu d'un mémoire de Master de musicologie propose une analyse singulière de l'oeuvre de Ferré et nous dévoile une partie des secrets de la fascination qu'elle exerce....

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2008
Nombre de lectures 367
EAN13 9782296205727
Langue Français
Poids de l'ouvrage 33 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait





À ma mère,
qui me fit découvrir Léo Ferré.


Remerciements
Je voudrais remercier tout particulièrement Monsieur Gérard Le Vot,
maître de conférence à l’université Lumière–Lyon 2, qui a dirigé le mémoire
de Master d’où provient le présent ouvrage et qui m’a inspiré le sujet du
phrasé — je serais tentée de dire « offert », tant ce sujet m’est apparu, au
cours de ma recherche, comme un véritable cadeau par sa pertinence et sa
richesse.
Son érudition de médiéviste, sa connaissance approfondie de l’art vocal,
ses recherches ont représenté pour moi une base fondamentale et solide sur
laquelle j’ai pu appuyer mon étude concernant le domaine de la chanson
moderne. Les caractéristiques de l’oralité, l’importance de la pratique vive et
des variantes induites par la performance, la tension entre les schèmes
mélodico-métriques et la notion de combinatoire entre les différents
paramètres, tous étudiés par Gérard Le Vot dans le chant médiéval, furent
un tremplin fructueux pour mon travail.
Je remercie les enseignants-chercheurs du département « Musique et
Musicologie », en particulier Messieurs Gérard Streletski, pour ses conseils
et son aide en vue de cette publication, et Costin Cazaban, qui m’a fait
découvrir les logiciels d’analyse spectrale de l’IRCAM utilisés dans mes
recherches.
Un chaleureux merci également à Marie-Christine et Mathieu Ferré pour
leur aimable autorisation à publier les extraits de textes et de musiques de
Léo.



Introduction
Dès l’Antiquité grecque, la musique fut étroitement liée au rythme
poétique, l’aède psalmodiant les récits épiques, soutenu à la lyre, sur des
métriques bien déterminées. Puis, accompagnés de l’aulos et de la cithare, se
développèrent un grand nombre de chants : hymnes, chants funèbres ou de
deuil, chansons d’hyménée, de table, ou chants de travail, dont la mélodie se
modelait sur les contours du langage déclamé, fortement accentué, le
rythme musical étant imposé par celui du texte. Ces chants se retrouvent
dans l’Antiquité romaine, accompagnés par des joueurs de tibia, puis dans
l’Europe médiévale, où le poème fait souvent corps avec la musique, le
phrasé musical de la chanson se superposant au phrasé poétique. À la même
époque, dans la cantillation et la psalmodie religieuse, le texte prime mais la
musique régule le débit du discours. Ce rapport étroit entre texte et musique,
souvent étudié, est donc fondamental, mais une partie importante de ces
chants échappe au musicologue, car tout ce qui touche à l’interprétation et
aux variations du phrasé ne peut être abordé que par l’hypothèse et la
supposition.
En effet, tous ces genres musicaux, liés à l’oralité, ont pour
caractéristique de conserver, malgré une grande rigueur formelle, une
certaine souplesse mélodico-rythmique. Les variations qui relèvent de
l’interprétation et n’apparaissent pas dans la notation musicale, les caractères
liés à l’agogique et à la dynamique, peu étudiés car difficiles à appréhender,
ont pourtant un rôle sémiologique fondamental dans la musique vocale.
Tous ces éléments, transcendant les rapports entre texte et musique, se
rattachent au phrasé vocal. L’étymologie du mot, le grec phrazeïn, qui signifie
1« expliquer, rendre évident, dévoiler, vouloir dire ou faire comprendre »,
explicite bien le rôle fondamental du phrasé dans la musique, comme
révélateur de son propre sens. Dans son acception courante, le phrasé,
eterme employé dès le XVIII siècle, se rapporte, selon la définition du Grand
Robert, à deux domaines : celui du discours et, par analogie, celui de l’art
musical. Sur le plan rhétorique, le sens ancien désigne « l’art d’articuler en

1 SUNDIN (N.-G.), « Phrasé », dans HONEGGER (Marc) éd., Connaissance de la musique,
Paris, Bordas, 1996.
11
détachant les phrases, les membres de phrases, de débiter à la façon d’un
eacteur », le sens du XX siècle, « l’art de construire harmonieusement un
discours ». Sur le plan musical, il signifie « l’art et la manière de phraser,
c’est-à-dire de délimiter par le mode d’exécution (musique instrumentale) ou
de ponctuer par des respirations (musique vocale) les périodes successives
1du discours musical ». Si cette définition générale nécessite évidemment un
approfondissement, elle permet toutefois une association initiale de deux
domaines, musique et rhétorique, qui, nous le verrons, peut être
particulièrement pertinente.
Dans l’Encyclopædia Universalis, Pierre-Paul Lacas définit le phrasé musical
en soulignant l’importance de la personnalité propre de chaque interprète :
« L’exécution correcte du phrasé doit rendre sensible la structure de la phrase
(motif-mesure, groupes de mesures, demi-périodes, périodes), et cela grâce à
des fluctuations dynamiques (comme l’indique le rubato), des articulations, des
modes d’attaque, des changements de tempo, etc. […] En fait, aucune notation
ne peut préciser l’art du phrasé. C’est à la manière de ponctuer le discours
musical, d’en rendre sensibles les oppositions, les enchaînements, d’en marquer
les silences et les accents, manière qui caractérise finalement le style personnel
2de l’interprète, que l’on reconnaît le talent du musicien . »
Cependant, l’optique développée dans cette définition présente une certaine
ambiguïté : il existerait une « exécution correcte du phrasé » qui jouerait le
simple rôle de révélateur et d’amplificateur d’éléments déjà inclus dans la
composition musicale, ce qui semble restrictif et un peu contradictoire avec
l’idée, développée ensuite, d’un phrasé personnel propre à chaque interprète.
Il n’y a pas forcément homologie entre composition musicale et
interprétation, ce qui rend l’étude du phrasé plus ouverte et complexe.
Parmi les dictionnaires musicaux spécialisés, le New Grove Dictionary of
Music and Musicians ne comporte pas directement d’entrée au mot phrasing.
Le terme est toutefois mentionné dans l’article « phrase » :
A term adopted from linguistic syntax and used for short musical units of various lengths ; a
phrase is generally regarded as longer than a motif but shorter than a period. It carries a
melodic connotation, insofar as the term “phrasing” is usually applied to the subdivision of a
melodic line. As a formal unit, however, it must be considered in its polyphonic entirety, like

1 Articles « Phrasé » et « Phraser », dans ROBERT (Paul) éd., Le Grand Robert de la langue
française, vol. 7, Paris, Le Robert, 1985, p. 367.
2 LACAS (Pierre-Paul), « Phrasé », dans Encyclopædia Universalis en ligne, version éducation,
2006.
12
1“period”, “sentence”, and even “theme” .
Cette approche trop restrictive, qui concerne surtout le découpage temporel
du discours musical, n’est pas celle que nous retiendrons. La notion est
abordée avec plus de précision dans l’article Articulation and Phrasing :
Articulation and phrasing represent some of the chief ways in which performers, and
consequently listeners, may make 'sense' of a flux of otherwise undifferentiated sound, and
convert clock time into musical time. In tonal music in the narrower sense, they are (with
tonality and thematic organization) two of the chief elements contributing to diversity within
organic unity; and they are the elements for which the performer bears the most direct
responsibility. Clearly, they are important to the analysis of music. Yet phrasing theory is a
relative newcomer to music theory, and still occupies a somewhat peripheral and problematic
2position within it […] .
La notion de phrasé, selon Geoffrey Chew, est donc à la fois fondamentale
dans l’expression de la musicalité, mais, malgré les essais réitér

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