De l extraordinaire
196 pages
Français

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De l'extraordinaire , livre ebook

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Description

Le nominalisme constitue une réfutation de la temporalité historique. Réfutation en vertu de laquelle toute identité entre histoire et justice est d'avance exclue : il n'y a pas de règlement de comptes possible entre l'universalité de la pensée et le langage, et la singularité du réel. La question de la légitimation du pouvoir devient une affaire de profane susceptible seulement d'être résolue de façon pragmatique.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2012
Nombre de lectures 102
EAN13 9782296478664
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

De l’extraordinaire

Nominalisme et modernité
La Philosophie en commun
Collection dirigée par Stéphane Douailler,
Jacques Poulain, Patrice Vermeren

Nourrie trop exclusivement par la vie solitaire de la pensée, l’exercice de la réflexion a souvent voué les philosophes à un individualisme forcené, renforcé par le culte de l’écriture. Les querelles engendrées par l’adulation de l’originalité y ont trop aisément supplanté tout débat politique théorique.
Notre siècle a découvert l’enracinement de la pensée dans le langage. S’invalidait et tombait du même coup en désuétude cet étrange usage du jugement où le désir de tout soumettre à la critique du vrai y soustrayait royalement ses propres résultats. Condamnées également à l’éclatement, les diverses traditions philosophiques se voyaient contraintes de franchir les frontières de langue et de culture qui les enserraient encore. La crise des fondements scientifiques, la falsification des divers régimes politiques, la neutralisation des sciences humaines et l’explosion technologique ont fait apparaître de leur côté leurs faillites, induisant à reporter leurs espoirs sur la philosophie, autorisant à attendre du partage critique de la vérité jusqu’à la satisfaction des exigences sociales de justice et de liberté. Le débat critique se reconnaissait être une forme de vie.
Ce bouleversement en profondeur de la culture a ramené les philosophes à la pratique orale de l’argumentation, faisant surgir des institutions comme l’École de Korcula (Yougoslavie), le Collège de Philosophie (Paris) ou l’Institut de Philosophie (Madrid). L’objectif de cette collection est de rendre accessibles les fruits de ce partage en commun du jugement de vérité. Il est d’affronter et de surmonter ce qui, dans la crise de civilisation que nous vivons tous, dérive de la dénégation et du refoulement de ce partage du jugement.


Dernières parutions

Sameh DELLAI, Marx, critique de Feuerbach , 2011.
Jean-Marie GUYAU, La mémoire et l’idée de temps par Renzo Ragghianti , 2011.
Diogo Sardinha, Ordre et temps dans la philosophie de Foucault , 2011
Alain ELLOUE-ENGOUNE, Albert Schweitzer et l’histoire du Gabon , 2011.
Marie BARDET, Penser et mouvoir, Une rencontre entre danse et philosophie , 2011.
Eduardo Sabrovsky


De l’extraordinaire

Nominalisme et modernité


Traduit de l’espagnol par Virginie Vallée
Ouvrages du même auteur

• Walter Benjamin como yo lo imagino, Santiago de Chile, Palinodia, 2011 (en cours de publication).
• Anotaciones para un ángel insomne (poésie), Santiago de Chile, Tácitas Ediciones, 2006.
• De lo extraordinario : Nominalismo y Modernidad , Santiago de Chile, Ediciones Universidad Diego Portales-Cuarto Propio, 2001.
• El desánimo : ensayo sobre la condición contemporánea , Oviedo, España, Ediciones Nóbel, 1996 [finaliste du Concours International d’Essai Jovellanos ].
• Hegemonía y Racionalidad Política, Santiago de Chile, Ediciones del Ornitorrinco, 1989.

Comme éditeur

• La técnica en Heidegger , Santiago de Chile, Ediciones Universidad Diego Portales, 2007.
• La crisis de la experiencia en la era postsubjetiva. Santiago de Chile, Ediciones Universidad Diego Portales, 2003.
• Conversaciones con Raúl Ruiz, Santiago de Chile, Ediciones Universidad Diego Portales, 2004.
• Tecnología y modernidad en Latinoamérica : ética, política, cultura, Santiago de Chile, Editorial Hachette, 1992.


Titre original : De lo extraordinario: Nominalismo y Modernidad ,
Santiago de Chile, Ediciones Universidad Diego Portales-Cuarto Propio, 2001.


Nous savons qu’il reste dans ce livre des imperfections ;
nous prenons cependant l’option de le faire circuler, à petit tirage,
remerciant d’avance tous ceux qui nous aideront à le perfectionner
dans les tirages successifs


© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-55639-3
EAN : 9782296556393

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
« L’homme, pour être ce qu’il est, doit croire qu’il est plus que ce
qu’il est ».
Robert Musil, L’homme sans qualités.

« La grandeur de l’homme est grande en ce qu’il se connaît
misérable ».
Pascal, Pensées. Article I, § 3.
Prologue
Ce livre, jusqu’où je peux affirmer que j’en suis son agent, son auteur (attention, car peut-être dans cette hésitation se concentre déjà toute la thèse de ce livre), est le résultat d’une scène : d’une scène d’enseignement. Depuis plusieurs années, en effet, je donne des cours sur l’œuvre de Jorge Luis Borges, lue d’un point de vue philosophique – bien que, la philosophie est-elle réellement capable de faire cette opération ? Ou n’est-elle pas plutôt, dans l’essai, elle-même exposée comme « une branche de la littérature fantastique » ? –, et aussi sur Nietzsche.
Il s’agit dans les deux cas d’ auteurs – attention à nouveau – chez lesquels la dissolution post (moderne) du sujet acquiert manifestement son expression la plus extrême et canonique. Dans un prochain chapitre (chapitre IV), nous examinerons, en détail, le paragraphe I, 13 de La généalogie de la morale dans lequel Nietzsche analyse la forme la plus élémentaire du langage – la forme prédicative, en vertu de laquelle un prédicat est associé à un sujet – et il en conclut que dans cette forme se trouve sédimentée toute une métaphysique : la fiction – fiction performative, système de possibilités et d’impossibilités gravées à vif dans le monde – du sujet libre, responsable, ainsi que de ses douleurs – le châtiment, la culpabilité – qui lui sont inhérentes. Bien entendu, il ne nous devrait pas être possible dans les prochains chapitres – plus encore si le discours a précisément pour contenu le fait de dénoncer la douleur et ses mécanismes occultes – de parler sans éprouver la sensation d’une certaine duplicité, d’un certain cynisme. C’est peut-être pour cela – pour faire face à ce mal-être – que Nietzsche (et avec lui, dans des modulations différentes, la totalité des (auto)critiques de la Raison) finit par postuler une sorte de langage originaire, parfait, dans lequel même les choses prennent la parole, au-delà de toute violence métaphysique. Cela est, de fait, la fonction qui, dans l’économie conceptuelle de la pensée généalogique nietzschéenne, exerce « le mode d’évaluation noble » {1} , de nommer.
Par ailleurs, dans les paraboles borgésiennes – plusieurs d’entre elles nous accompagnent dans ce projet –, s’exprime, de façon exemplaire, le nominalisme, détermination primordiale de la Modernité. Le nominalisme, nous le dirons ultérieurement, est hostile à l’histoire et aux pouvoirs qui lui sont décernés. Mieux encore : grâce à son hostilité pour le pouvoir, le nominalisme est destiné à déconstruire, depuis son fondement, le dispositif symbolique dont il se sert pour sa légitimation. Ce dispositif est l’histoire. L’histoire, même sous la forme séculaire du progrès, est toujours un métarécit salvateur : promesse que les douleurs du présent, dans lesquelles les petites gens consomment leur vie, seront récompensées par une fin glorieuse et heureuse. Munis de cet aval transcendant, les « athlètes de l’état » (Sloterdijk) arrivent à légitimer la souffrance qu’inévitablement leurs mégaprojets déchaînent. Le nominalisme, en revanche, se méfie de l’identité postulée – projetée – entre l’être et la pensée. Il nie ainsi que l’infinie singularité du réel – un bouillonnement chaotique, sans fin – puisse être contenu dans l’universalité du mot, des récits et des métarécits tramés par elle. Le nominalisme constitue une réfutation de la temporalité historique. Réfutation en vertu de laquelle toute identité entre histoire et justice est d’avance exclue : il n’y a pas de règlement de comptes possibles entre l’universalité de la pensée, le langage et la singularité du réel. Cela étant, la question de la légitimation du pouvoir devient, de façon moderne, un

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