Raison et passions des Lumières

Pierre-François Moreau, Simone Mazauric

Description

L'époque des Lumières se voulut le siècle de la Raison et a reconnu le rôle des passions, comme aiguillon de la connaissance, moteur des actions humaines, ressort de la vie privée tout autant que de la politique. C'est le nœud formé par Raison et passions qui caractérise le mieux ce siècle. Cette confrontation est reconnaissable aujourd'hui dans les principes de notre droit, dans les questions éthiques qui animent médecine et gouvernement, dans les interrogations de nos pratiques esthétiques.

Sujets

• Politique
• Philosophie et théologie
• Philosophie

Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 01 septembre 2013
• Nombre de lectures: 12
• EAN13: 9782336324821
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Sous la direction de Simone Mazauric et PierreFrançois Moreau

RAISON ET PASSIONS DES LUMIÈRES

R AISON ET PASSIONS DES L UMIÈRES

La Philosophie en commun Collection dirigée par Stéphane Douailler, Jacques Poulain, Patrice Vermeren  Nourrie trop exclusivement par la vie solitaire de la pensée, l'exercice de la réflexion a souvent voué les philosophes à un individualisme forcené, renforcé par le culte de l'écriture. Les querelles engendrées par l'adulation de l'originalité y ont trop aisément supplanté tout débat politique théorique.  Notre siècle a découvert l'enracinement de la pensée dans le langage. S'invalidait et tombait du même coup en désuétude cet étrange usage du jugement où le désir de tout soumettre à la critique du vrai y soustrayait royalement ses propres résultats. Condamnées également à l'éclatement, les diverses traditions philosophiques se voyaient contraintes de franchir les frontières de langue et de culture qui les enserraient encore. La crise des fondements scientifiques, la falsification des divers régimes politiques, la neutralisation des sciences humaines et l'explosion technologique ont fait apparaître de leur côté leurs faillites, induisant à reporter leurs espoirs sur la philosophie, autorisant à attendre du partage critique de la vérité jusqu'à la satisfaction des exigences sociales de justice et de liberté. Le débat critique se reconnaissait être une forme de vie.  Ce bouleversement en profondeur de la culture a ramené les philosophes à la pratique orale de l'argumentation, faisant surgir des institutions comme l'École de Korcula (Yougoslavie), le Collège de Philosophie (Paris) ou l'Institut de Philosophie (Madrid). L'objectif de cette collection est de rendre accessibles les fruits de ce partage en commun du jugement de vérité. Il est d'affronter et de surmonter ce qui, dans la crise de civilisation que nous vivons tous, dérive de la dénégation et du refoulement de ce partage du jugement. Dernières parutions Thomas MORVAN,Eros et le lien cosmique, 2013. Bruno CANY et Yolande ROBVEILLE (sous la dir. de),René Schérer ou la parole hospitalière, 2013. Octavi FULLAT i GENÍS,Pour penser l’éducation. Anthropologie philosophique de l’éducation, 2013. Catarina POMBO NABAIS,Gilles Deleuze : philosophie et littérature, 2013. Pierre BILLOUET (dir.),Herméneutique et dialectique. Hommage à André Stanguennec, 2012. Laura LLEVADOT,La philosophie seconde de Kierkegaard. Écriture et répétition, 2012.

R AISON ET PASSIONS DES L UMIÈRES

sous la direction de

Simone Mazauric et Pierre-François Moreau

© L'H ARM ATTAN , 2013 5-7, rue de l'École-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com [e-mail] [e-mail] ISBN : 978-2-343-01525-5 EAN : 9782343015255

S OMMAIRE Introduction Simone M AZAURIC et Pierre-François M OREAU Méthode pour une science de l’homme : la dette de Rousseau envers Descartes Hélène Bouchilloux Le philosophe et le stratège : de Guibert et la critique de la philosophie Ninon G RANGÉ e Gouverner les mœurs : censure et opinion publique au XVIII siècle Michel S ENELLART Le concept de dialogue, le philosophe et la philosophie dans les Lumières françaises Gerhard H EINZMANN L’esprit des Lumières et la médecine d’aujourd’hui : le statut de l’embryon et du fœtus Jacqueline L AGRÉE Du rococo au néo-classicisme. Esthétique et historiographie Baldine Saint Girons Un roman philosophique sur les passions : Clairval philosophede Durosoy Colas D UFLO Des passions développées jusqu’à l’excès : e le cas du récit fantastique à la fin du XVIII siècle (Cazotte, Beckford, Lewis, Potocki) Luc R UIZ Les passions révolutionnées : Madame de Staël ou le Thermidor du roman Florence L OTTERIE

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Raison et passions dans leClevelandde Prévost Julie Chalvignac Encyclopédieet curiosité Jean-Christophe A BRAMOVICI La nature et l’artifice. Anthropologie des passions et lien social dans la philosophie des Lumières Florent G UÉNARD Le regard du médecin hygiéniste sur les passions Claire C RIGNON Sur l’expression « mathématiques des Lumières » Christian G ILAIN

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I NTRODUCTION

Simone M AZAURIC et Pierre-François M OREAU L’époque des Lumières se voulut le siècle de la Raison. On le lui a assez reproché : ses ennemis, et ceux de la Révolution, l’ont accusée d’avoir voulu tout soumettre à l’abstraction de la géométrie, d’avoir ignoré le poids de l’histoire, la force de l’expérience, la pesanteur du concret. À beaucoup d’égards, le combat contre les Lumières, en leur temps et après elles, a revêtu pour longtemps la forme d’une lutte contre la Raison et contre le rationalisme. Pourtant, les Lumières n’avaient pas exclusivement brandi le drapeau de la Raison. A côté de celle-ci, et parfois même contre elle, elles ont attribué une large place aux passions : comme aiguillon de la connaissance, comme moteur des actions humaines, comme ressort de la vie privée tout autant que de la politique. On pourrait dire que la caractéristique de l’époque est constituée précisément par le nœud formé par ces deux instances et que chaque auteur vient occuper la place qui est la sienne dans le tableau des idées et des représentations notamment par la façon dont il conçoit ce nœud et le dénoue – ou échoue à le dénouer. À qui serait tenté d’objecter qu’en fin de compte toutes les époques ont parlé de la Raison et des passions, il faudrait répondre qu’elles ne l’ont pas toutes fait avec la même intensité, ni en les articulant de la même façon. Pour mesurer l’originalité des Lumières sur ce point, il convient de prendre e en considération le XVII siècle. Lui aussi donne l’impression d’un âge de la Raison : dans les sciences, dans la littérature, dans la théologie même quand on songe aux longues files d’arguments qu’échangent partisans et adversaires au sujet de la Grâce, de la présence réelle ou des rapports entre l’Église et les autorités temporelles. Pourtant cette Raison se coule encore souvent dans des cadres anciens, doit faire ses comptes avec les formes qu’ont légitimées la tradition philosophique, la poétique d’Aristote ou les e exigences religieuses. De ce XVII siècle aussi, l’on pourrait dire qu’il est l’âge de la confrontation entre Raison et passions : car s’y opposent d’un côté ceux qui s’en tiennent à l’idée qu’il faut les réprimer, de l’autre ceux qui soulignent leur côté positif, en tant qu’auxiliaires de la rationalité (et l’on retrouve là sous une autre forme, parfois même avec une référence explicite, un débat ancien entre stoïciens et péripatéticiens).

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