Ardent désir d unité
159 pages
Français

Ardent désir d'unité , livre ebook

-

159 pages
Français

Description

"La rencontre avec ce poète serbe grandement connu dans son pays recouvre un intérêt particulier dans la mesure où cette écriture s'inscrit au carrefour de la modernité poétique et d'un certain classicisme lyrique qui confèrent à chaque texte une dimension "nouvelliste" poétique à tendance philosophique sur le temps et comment habiter le temps depuis la ville-enfance. L'écriture est riche et très travaillée selon des fragmentations, ellipses, ressauts qui rythment la phrase". Philippe Tancelin

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2013
Nombre de lectures 24
EAN13 9782336331805
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Milan ORLIC
Ardent désir d’unité
Bilingue serbefrançais
Ardent désir d’unité La ville, avant que je m’endorme
© L’Harmattan, 2013 5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-01928-4 EAN : 9782343019284
MILAN ORLIû
Ardent désir d’unité
TRADUCTION DE LJILJANA & RAYMOND FUZELLIER La ville, avant que je m’endorme
TRADUCTION DE HARITA WIBRANDS & NINA ŽIVANýEVIû
L’Harmattan
Poètes des cinq continents En hommage à Geneviève Clancy qui l’a dirigée de 1995 à 2005. La collection est actuellement dirigée par Philippe Tancelin et Emmanuelle Moysan
La collectionPoètes des cinq continentsnon seulement révèle les voix prometteuses de jeunes poètes mais atteste de la présence de poètes qui feront sans doute date dans la poésie francophone. Cette collection dévoile un espace d’ouverture où tant la pluralité que la qualité du traitement de la langue prennent place. Elle publie une quarantaine de titres par an.
Déjà parus 601 – Jean BAZIN et Jean-Michel LE GALLO,Lumières délavées ou l’enfance contraire, 2013. 600 – Gian Carlo PIZZI, La pauvreté, La povertà,2013. 599 – Hassan WAHBI,Le corps de l’autre, 2013. 598- Marie-Noëlle AGNIAU,Cavale, 2013. 597 – Philippe GUILLERME,Mots volés au silence, 2013. 596 – Didyer MANNETTE,en corps inconnus, Bruine Révolte poétique,2013. 595 – Soisik LIBERT,Trombes en Carrés d’Or vierge, 2013. 594 – Alfredo FRESSIA,Clandestin, 2013. 593 – Tònia PASSOLA,Margelle d’étoiles, 2013. 592 – Jacques GUIGOU,Exhaussé de l’instant, 2013. 591 – MALIBERT,Demeterre, 2013. 590 – José LE MOIGNE,Echos de l’ile,2013. 589 – Patrick RAVEAU,Feux de lumière tardive,2013. 588 – VAN HҦI,Les poèmes de Vân.Témoignage (bilingue vietnamien-français), 2013. 587 – Joseph OHMANN-KRAUSE,Le livre d’heures, 2013. 586 – Carole MIROCHE,La femme barkhane,2013. 585 – Serpilekin Adeline TERLEMEZ,Mon ombre et Moi,2013. 584 – Arnaud DELCORTE,Éden, 2013. 583 – Philippe TANCELIN (dir.),À la rencontre de Geneviève Clancy, 2013. 582 – Serge VENTURINI,Éclats d’une poétique de l’approche de l’inconnaissable, 2013. 581 –Jean-François COCTEAU,Evidence, 2012. 580 – François-H. CHARVET,D’esquifs en bouquets de sable, 2013.
INTRODUCTION Écrire sur la poésie serbe contemporaine
Écrire sur la poésie d’un peuple ou d’un pays n’est pas une tâche facile. En choisissant le travail de Milan Orliü, mon contemporain serbe, comme représentant et représentatif d’une tradition poétique assez ancienne et particulière chez les Slaves du Sud dont les Serbes font partie, je fais la tentative de rechercher les héritiers d’une voix à la fois historique et spécifique dans son authenticité, ou plutôt une voix qui est unique mais qui, pour autant, présente une pluralité de voix diverses, une force signifiante et significative qui à elle seule peut nous donner un avant-goût d’une sélection plus large. La tâche à la fois théorique et critique se multiplie dans le cas de contemporains, car l’histoire de la littérature prend conscience de la présence d’un poète-phare souvent beaucoup trop tard, après sa mort ; car l’œuvre de tout écrivain ou artiste ne peut subir de valorisation juste et profonde qu’après un certain laps de temps. Les prix littéraires sont souvent les attributs de la mode ou de la politique contemporaines, internationales, et ne sont pas utiles pour comprendre et valoriser un poète, et la situation de l’ensemble de son œuvre. Mais, ayant déjà été sur les traces d’œuvres d’un très grand poète moderniste serbe, Miloš Crnjanski, j’ai suivi à bonne distance, modérée, la production poétique contemporaine de mon pays natal. J’en ai observé beaucoup d’avatars, poètes honnêtes et cultivés, à la fois talentueux et intéressants mais… beaucoup trop ressemblent à des copies conformes de grands maitres des poésies française, allemande, tchèque, polonaise, portugaise. Milan Orliü est entré sur la scène littéraire serbe par une porte grande ouverte en 1987 avec son livre « Du Sur/réel », qui est à la fois méditation philosophique, poétique et prosaïque, dont la forme
hybride et composée rappelle un roman de poète qui plutôt incite à une profonde idylle avec l’essai philosophique. Dans son œuvre, la distance entre érudition et sentiment est, depuis le début, très mesurée, ainsi que la relation, dans le contenu entre rêve et réalité. D’une approche élégante et très esthétisée à l’envers de cette forme il conçoit le genre même comme un terrain expérimental où il promène sa forme d’expression d’une façon libre, disjonctée et déstructurée. Son approche fragmentaire de la « prose » et la problématisation extrême de la personne qui parle dans son écriture nous rappellent de grands précédents littéraires, les auteurs comme Borges ou Calvino, mais aussi ses contemporains, les écrivains serbes Nemanja Mitroviüet Vladimir Pištalo. Mais dans son œuvre hybride, Orliüa toujours relativisé le genre plus que les autres, à tel point que son premier recueil de poésie intitulé « De la Nuit Polaire » (1995) n’est pas apparu comme un « transfert » vers un autre genre dans son écriture. On l’a plutôt vu comme un développement naturel de ses pratiques littéraires, une continuation de la tradition d’écriture établie par son grand maitre moderniste Miloš Crnjanski dont Orliüla liberté emprunte d’expression et non le style formel. Pourtant son éditeur, premier lecteur dudit recueil,ýedomir Mirkoviü, fait une comparaison intéressante avec Crnjanski « Si Crnjanski vivait à notre époque, lui, avec son énergie vitale, sa vision du monde et le sentiment poétique qui datent de la création de son poème « Sumatra » — il écrirait comme Milan Orliü! » Un véritable grand éloge, car le poème « Sumatra », dès sa parution, devint très vite un programme poétique, créa un mouvement de conséquence, et un pilier du modernisme serbe. Conçu après la 1ère guerre mondiale, « Sumatra » est une rêverie du jeune Crnjanski qui, écoeuré par la tuerie, explore la géographie de l’esprit et des correspondances bergsoniens, dont il a été le disciple. Orliü, pour sa part, philosophe bergsonien lui aussi, parle du temps durs, des années 1990 en Serbie, de la préparation de la guerre civile, où la pauvreté économique et celle de l’esprit, poussent le poète dans une nuit de glace et de froideur éternelle, « La nuit polaire ». Sur les traces de Crnjanski, Orlil applique sa méthode d’écriture et transforme ses images poétiques qu’il avait déjà placées dans son roman « Momo dans la nuit polaire » et il écrit dans son poème :
8
Sous les pattes des rennes, ca craque : Comme sur la neige, la neige blanche De pétales. De fleur amandine : sur la chaude Croupe, elle est trempée, de sueur. Les grelots, ils sonnent. Pierrot, Le visage triste, est assis Sur une luge. Il souffle sur un petit miroir. Qui est poète, être humain, dans la Serbie de l’ère du tyran ? Il craque, certes, sous la neige de la dictature et de la torture générales, dans son expression mélancolique, il est aussi un chamane qui regarde son propre destin, et celui de son peuple, dans un miroir. Mais ce miroir est sale, pour élargir la métaphore, — et il faut souffler beaucoup et longtemps pour qu’une image authentique du peuple et de la vie quasi-normale apparaissent sur le miroir. Le désespoir du poète est d’une morne froideur, qui rappelle la poésie expressionniste d’un Heim ou d’un Trakl, où la couleur a toujours une certaine valeur, plus que symbolique. Il entretient une relation ambiguë avec la notion du temps — comme Bergson, il ne le désestime pas, mais transforme la notion de temps réel quand celui-ci appelle un passé qui habite dans le présent et qui est, selon lui, envahi par l’avenir (voir son entretien avec Jelena Nikoliü dans Politika). Là, dans le même texte, il évoque le poète Milan Rakiü, qui fut le premier poète serbe à relativiser la notion de temps dans la poésie. En 1903, Rakiü introduit notamment la notion d’un « surtemps » qui n’est ni le temps philosophique, ni le temps religieux, ni le temps mathématique ou cosmique, ni le temps méthodologique, mais plutôt une certaine conscience du temps, une synthèse méta-temporale de tous les savoirs et connaissances humains évoqués par la compréhension du « Zeitgeist ». Orliü, en tant que poète, partage lui aussi cette notion. Dans sa poésie il favorise toujours des vers qui s’apparentent à des phrases romanesques, une pratique qui n’est, selon Joan Flora, poète contemporain, rien que « la chemise qui couvre tout chose ». Il voit ses poèmes comme de petites miniatures lyriques qui peuvent être lues comme « des nouvelles brèves d’une minute » et qui nous rappellent Istvánėrkény ou Daniil Harms. Il les voit comme des « petits continents que nous pouvons mettre sur la paume », mais
9
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents