La lecture à portée de main
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Description
Sujets
Informations
Publié par | L'Harmattan |
Date de parution | 01 décembre 2011 |
Nombre de lectures | 35 |
EAN13 | 9782296475892 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0374€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
journal des traces
Poètes des Cinq Continents
En hommage à Geneviève Clancy qui l’a dirigée de 1995
à 2005. La collection est actuellement dirigée par
Philippe Tancelin et Emmanuelle Moysan
Série Espace expérimental
La collection Poètes des Cinq Continents non seulement révèle les voix prometteuses de jeunes poètes mais atteste de la présence de poètes qui feront sans doute date dans la poésie francophone. Cette collection dévoile un espace d’ouverture où tant la pluralité que la qualité du traitement de la langue prennent place. Elle publie une quarantaine de titres par an.
Déjà parus
98 – Claude-Raphaël SAMAMA, En regard des jours , 2011.
97 – Claire GARNIER-TARDIEU, Femmes soleil , 2011.
96 – Ahmed BEN MAHMOUD, Êtres et Choses , 2011.
95 – Véronique ELFAKIR, Dire cela , 2011.
94 – Arnaud DELCORTE, Ecume noire , 2011.
93 – Jamal KHAÏRI, Patrie-cide, Poèmes transférés de l’arabe marocain , 2010.
92 – Ludmilla PODKOSOVA, Les déserts de l’amour ou les nouveaux visages de Rimbaud , 2010.
91 – Chantai ENRIGHT, L’Orphelin , 2010.
90 – Hocéïn FARAJ, Brisé de toi , 2010,
89 – Vincent BOUTON, Envahis par nous-mêmes , 2010.
88 – Elsa SFARTMAN, Petites Offrandes Particulières , 2010.
87 – FACINET, Poèmes sans papiers ou opéra-slam , 2010.
86 – Adjmaël HALIDI, Oraisons vespérales , 2009.
85 – Emmanuel BERLAND, Dans la cabane du philosophe , 2009.
84 – Rachid Khaless, Dissidences , 2009.
83 – Kassim DEMBELE, Vents de Grâce , 2009.
82 – Jean FOUCAULT, Comme deux gouttes d’eau suivi de A l’orange, 2009.
81 – Stéphane KROVIN, Égale ou ailleurs , 2009.
80 – Anne-Marie BERNAD, Reviens à l’innocence , 2009.
Mattia Scarpulla
journal des traces
Poésies
L’H ARMATTAN
Du même auteur
col fiato, poesie , San Cesario di Lecce, éditions Manni, 2005
Couverture ©
Peinture de Calogero Scarpulla, gioco di forme (forma A) ,
Turin, mai 2002.
Aquarelle sur carton léger, 70 cm x 50 cm.
© L’H ARMATTAN , 2011
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-56265-3
EAN : 9782296562653
Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Un jour, j’ai fait un rêve. Je prenais le métropolitain et lorsque je montais dans la rame, tous les voyageurs lisaient de la poésie. C’était juste un rêve.
Pourtant, le format d’un poème, en général plutôt court, est en totale adéquation avec notre existence où les activités s’entremêlent, tels des glaçons dans un grand verre d’alcool. Il se glisse entre les gouttes et se lit entre deux stations… entre nous… entre… Dans le silence. De soi à soi. D’une oreille à l’autre.
Un jour. Peut-être.
Mattia Scarpulla a choisi la poésie, car ce genre littéraire se loge facilement dans son existence. Dans l’air de Mattia, il y a de l’oxygène et des mots, français et italiens, qui se baladent.
Son journal des traces montre comment la parole l’aide à préserver un instant, une sensation de son existence dans un lieu précis ( les traces se recomposent de nous au-delà d’autres terres ) . Il ne les épingle pas à la manière d’un entomologiste orthodoxe et sourcilleux, il les effeuille et les recueille dans un grand vase, tels les pétales d’un bouquet offert par un être aimé – adoré ?
Ce journal n’est ni intime – les fragments sont destinés à être lus – ni chronologique – la mémoire jongle avec ses oublis, et Mattia joue avec ses souvenirs, les désorganise au gré de ses envies : l’oubli est l’histoire qui devient trace.
Il a choisi d’écrire en français, même si l’italien surgit çà et là, voire s’impose. Certes, l’italien est bien sa langue maternelle, sa langue de départ comme diraient les spécialistes, mais le français est sa « langue courante depuis dix ans », depuis qu’il a quitté son pays d’origine et est arrivé dans d’autres, francophones, la France et la Belgique, pour étudier.
Quand il parle en italien, il prend un accent français, et lorsqu’il s’exprime en français, il a l’accent italien. Dans ses rêves, il mélange l’italien et le français. Et lorsqu’il retourne en Italie, il se fatigue à parler de nouveau sa langue maternelle.
Mattia écrit donc dans la langue de son présent – il vit actuellement au Havre –, même s’il reconnaît écrire en français avec un accent italien, avec « l’amour des constructions italiennes » ( parce que l’écho d’une écriture m’a quitté dans l’italien ) .
journal des traces est divisé en quatre chants, eux-mêmes déclinés en fragments situés et datés ( paris 1 er novembre 2006, torino 10 décembre 2006 ), portant un titre et/ou une dédicace ( desiderio , à michel , à élise ) ; parfois, la référence spatio-temporelle sert de titre (torino 3 juillet 2008).
Les fragments sont composés graphiquement – tels des calligrammes spontanés –, avec des blancs, des espaces, qui révèlent ces instants oubliés à jamais, qui ont eu, qui ont leur durée propre. La ponctuation apparaît sur la pointe des mots. Discrète, évanescente, elle les laisse parler ensemble et ne vient se poser que lorsqu’elle est vraiment nécessaire ( pourquoi avoir toujours besoin d’aimer ? ). Association de mots étonnantes, déroutantes, syntaxe en état d’ébriété – la bière est très présente dans ces pages –, élision rappelant le bégaiement de l’étranger qui parle une langue qu’il ne maîtrise pas encore parfaitement…, le français se libère de sa structure, de son armure, laissant les mots s’imprégner les uns des autres, laissant les mots devenir de petites vignettes sensuelles qui se collent sur nos rétines et chuchotent à nos oreilles.
Les fragments, les traces – celles de la mémoire qui dialoguent avec les taches douces, les attaches de l’amour – sont rédigées dans un imaginaire en mouvement, comme si Mattia se trouvait dans un train. Et l’image qu’il veut retenir s’échappe parce que le train continue sa course. Et Mattia court avec les mots afin d’attraper le temps, et Mattia court après les mots pour goûter les larmes et les gouttes du temps ( mais ailleurs dans le mot/mais l’éclat dans le mot/dans la parole qui s’accroche/qui s’attrape elle-même en chute ).
Les fragments explorent le corps aimé. Pour aimer une personne, il faut la toucher, découvrir anatomiquement chaque partie, de manière scientifique, par la texture de la peau, par l’odeur. Pour mieux la comprendre, mieux la transcrire ( odore-toi/qu’encore/de à/sans prise/encore ).
À sa manière, Mattia revisite le « je est un autre » de Rimbaud. Qu’importe dans quelle langue s’élabore l’œuvre poétique, elle « est » une langue étrangère. Le chemin à parcourir pour la rejoindre est l’espace de liberté où se niche le travail d’écriture. Et cela Mattia le sait.
Un jour, peut-être, nous lirons tous de la poésie pour passer le temps, pour l’accompagner. Je descendrais alors dans le métropolitain, et les voyageurs seraient « ailleurs », absorbés par les mots. Ils ne seraient pas irrités de ne pas tout saisir.