Le Géant
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Description

Victor Hugo — Odes et BalladesLe GéantLes nuées du ciel elles-mêmes craignent que je ne viennechercher mes ennemis dans leur sein. — MOTENABBI.Ô guerriers ! je suis né dans le pays des Gaules.Mes aïeux franchissaient le Rhin comme un ruisseau,Ma mère me baigna dans la neige des pôlesTout enfant ...

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Langue Français

Extrait

Victor HugoOdes et Ballades Le Géant
Les nuées du ciel elles-mêmes craignent que je ne vienne chercher mes ennemis dans leur sein. —MOTENABBI.
Ô guerriers ! je suis né dans le pays des Gaules. Mes aïeux franchissaient le Rhin comme un ruisseau, Ma mère me baigna dans la neige des pôles Tout enfant, et mon père, aux robustes épaules, De trois grandes peaux d'ours décora mon berceau.
Car mon père était fort ! L'âge à présent l'enchaîne. De son front tout ridé tombent ses cheveux blancs. Il est faible ; il est vieux. Sa fin est si prochaine, Qu'à peine il peut encor déraciner un chêne  Poursoutenir ses pas tremblants !
C'est moi qui le remplace ! et j'ai sa javeline, Ses bœufs, son arc de fer, ses haches, ses colliers ; Moi qui peux, succédant au vieillard qui décline, Les pieds dans le vallon, m'asseoir sur la colline, Et de mon souffle au loin courber les peupliers !
À peine adolescent, sur les Alpes sauvages, De rochers en rochers je m'ouvrais des chemins ; Ma tête ainsi qu'un mont arrêtait les nuages ; Et souvent, dans les cieux épiant leurs passages,  J'aipris des aigles dans mes mains.
Je combattais l'orage, et ma bruyante haleine Dans leur vol anguleux éteignait les éclairs ; Ou, joyeux, devant moi chassant quelque baleine, L'Océan à mes pas ouvrait sa vaste plaine, Et mieux que l'ouragan mes jeux troublaient les mers !
J'errais, je poursuivais d'une atteinte trop sûre Le requin dans les flots, dans les airs l'épervier ; L'ours, étreint dans mes bras, expirait sans blessure, Et j'ai souvent, l'hiver, brisé dans leur morsure  Lesdents blanches du loup-cervier !
Ces plaisirs enfantins pour moi n'ont plus de charmes. J'aime aujourd'hui la guerre et son mâle appareil, Les malédictions des familles en larmes, Les camps, et le soldat, bondissant dans ses armes, Qui vient du cri d'alarme égayer mon réveil.
Dans la poudre et le sang, quand l'ardente mêlée Broie et roule une armée en bruyants tourbillons, Je me lève, je suis sa course échevelée, Et, comme un cormoran fond sur l'onde troublée,  Jeplonge dans les bataillons !
Ainsi qu'un moissonneur parmi des gerbes mûres, Dans les rangs écrasés, seul debout, j'apparais. Leurs clameurs dans ma voix se perdent en murmures ; Et mon poing désarmé martelle les armures Mieux qu'un chêne noueux choisi dans les forêts.
Je marche toujours nu. Ma valeur souveraine Rit des soldats de fer dont vos camps sont peuplés. Je n'emporte au combat que ma pique de frêne Et ce casque léger que traîneraient sans peine  Dixtaureaux au joug accouplés.
Sans assiéger les forts d'échelles inutiles, Des chaînes de leurs ponts je brise les anneaux. Mieux qu'un bélier d'airain je bats leurs murs fragiles. Je lutte corps à corps avec les tours des villes. Pour combler les fossés, j'arrache les créneaux.
Oh ! quand mon tour viendra de suivre mes victimes, Guerriers ! ne laissez pas ma dépouille au corbeau ; Ensevelissez-moi parmi des monts sublimes, Afin que l'étranger cherche en voyant leurs cimes  Quellemontagne est mon tombeau !
mars 1825
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