Le reposoir des solitudes
207 pages
Français

Le reposoir des solitudes , livre ebook

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207 pages
Français

Description

La poésie ailée et vivante de Philippe Tancelin ne cesse de fasciner ceux qui ont la chance de l'entendre, comme si, coulée dans l'étoffe du temps, elle épousait sa forme fluide et insaisissable. La puissance, le "charme", le sortilège de son écriture sont la conception même des rapports qu'entretiennent philosophie et poésie. Telle une archéologue, Nicole Barrière s'est aventurée sur les terrains vagues de l'imaginaire de Philippe Tancelin et en fait émerger les différentes figures de poète, penseur, ouvrier des mots et citoyen de l'univers.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2008
Nombre de lectures 213
EAN13 9782296184237
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

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Le Scribe cosmopolite – Poésie
Collection dirigée parOsama Khalil

Maquette de la couverture
Osama Khalil

Illustration de la couverture
Peinture de Marie G.

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4

©
Le Scribe – l’Harmattan desArts et des Lettres
ISBN : 978-2-296-04306-0

Pour Philippe,

à l'aube de ce29mars2008,

en routevers sa «troisièmevie »

« On nous donne gravementpour de la philosophie les rêves
de quelques mauvaises nuits. On me dira que je rêve aussi ;
j’en conviens : mais ce que les autres n’ontgarde de faire, je
donne mes rêves pour des rêves, laissantchercher s’ils ont
quelque chose d’utile auxgens éveillés. »

L'Emile
Jean-Jacques Rousseau

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Prologue

Commentraconter en poésie les lieuxde mémoire, de
rencontre, de souffrance ?Commentfaire émerger la lumière
quivientetrevienten éclairs sur la page ?
L'objetde ce livre est une exploration,unvoyage de place en
place, places sensibles sur lesquelles Philippe Tancelin
s'arrête pour proférer ses poèmes.
Explorer sensiblement, construireun parcours de livre en
livre, déconstruire ?Creusertelleune archéologue pour faire
émerger différentes figures dupoète. Le considérer comme
penseur, comme ouvrier des mots, comme citoyen de
l'univers, comme humain, simplementhumain.
La relève, ce motappartientau vocabulaire des
archéologues.
Loin de rechercher des originauxperdus, oudesvestiges
obsolètes, il s'agitlede «ver les inconnud'es »une poésie
dansune multiplevolonté :
−restituer aux textes la question des manques etdes ajouts,
chercher à comprendre latransfiguration qu'opère la
poésie.
−tenter de décrire le procédé de fabrication, c'està dire
l'ergologie de la poésie, en entrantdans l'atelier dupoète.
−comprendre les passages etles épreuves de son existence
singulière qui donnentlieuà l'écriture après le cri.
−enfin localiser, dater etrétablir la relèvhise «torique »
pour latransmettre dans ce qu'elle ouvre collectivement
surun autre plan de conscience.
Qu'est-ce qui estprimitivementconnu? Qu'est-ce qui est
perdu? Qu'est-ce qui échappe à la conscience ?Comment
démêler l'origine de ce qui emmêlé ?Commentdésigner
l'innommé etlever levoile sur l'implicite etl'inconnu?

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De place en place, dans ce voyage au «pays de soi », je me
suis aventurée sur lesterrainsvagues de l'interprétation dans
l'imaginaire de Philippe Tancelin.
De cette interprétation émergentdifférentes figures et
différents masques, pourtantau terme de ce livre, c'estla
figure de l'enfantqui apparaîtla plus nette etqui a en
mémoire cette question :
« Quevas-tufaire detatroisièmevie? » cette question posée
par sa mère agonisante,un jour particulier,un jour de
changementd’heure, le jour de ses cinquante ans,un jour où
il arrive en retard etsa mère l’a attendupour lui poser cette
question, le jour oùsa mère meurtle laissantorphelin, avec
cette question.
Ce récit, Philippe me le faità plusieurs reprises etj’ai
l’impression que c’est un enfantqui parle. Il a entre cinq et
quinze ans, ça dépend des fois. Pas moins de cinq, pas plus
de quinze. Parfois il parle auprésent, etparfois aupassé.Des
fois il commence auprésentetil finitaupassé, etdes fois
l'inverse.Cetenfant, c’estlui, avec les exacts sentiments de
cetemps-là, je crois.C'estl’enfantde cetemps-là revécupar
l'adulte d'aujourd'hui.
Il évoque la grand-mère matla grand-mère gâernelle «teau»
qui lui faisaitdes robes de chambre rouge «commeun père
Noël » etdes gâteaux« des diplomates », qu’il adorait, alors
que le grand-père lui apparaissaitdur,un socialisteutopiste,
dreyfusard.
Il évoque successivementles personnages de la famille, le
grand-père paternel, aristocrate, fondateur duBon-Marché
avec MonsieurBoucicaut, etle côté maternel, plus humble
ème
« manouvrier »depusiècle, il me monis le XVItre ses
mains, etme ditse sentir séparé en plusieurs morceaux, entre
ses origines plébéiennes etses origines aristocratiques, entre

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différentsterritoires : le désert touareg de son arrière
grandpère maternel etlaterre deBrie etd’Auvergne. Lorsqu’il
évoque le désert, il me ditcraindre s’ilyallait, de ne plus
revenir. Il évoque ce grand-père mythique :turban noir et
yeuxbleus. Il me plaîtalors de l'imaginer dans l'élégance des
hommes bleus.
Puis c'estle père qui représente pour lui l’image de l’honnête
homme, le modèle auquel ilvoudraitressembler,un pèretrès
juste,trèstendre,très maternant. Un homme de résistance,
modeste, médecin.
J’ai devantmoiun petitenfantrêveur qui parle de son père
sur lequel il s’estendormi chaque soir à 8h15, de cinq à neuf
ans avec lesentimentde confiance absolue.
Il évoque sa mère, professeur de mathématiques, qui
représente l’autorité, mais est très souple avec son petit
dernier; il s’enorgueillitde la faire céder là oùelle ne cédait
pas maisvoueun grand respectà l’éducationtrès libre avec
laquelle elle a élevé ses enfants en leur laissantletemps du
choix. Il s’interroge soudain sur le père qu'il auraitété…
L’enfantdudésertetde laterre, estné à Paris à proximité
de la Mosquée etduJardin des plantes, à côté de son
domicile actuel, comme s'il restaitattaché aucocon familial.
Il parle peude la mortde son père mais de lavie difficile de
sa mère élevant trois enfants de 18, 14 et9 ans. Etl’enfant
de neuf ans n’étaitpas facile, se livrantàtoutes sortes
d’expérimentations naturalistes pour imiter son père
médecin...
Il connaîtson premier choc avec les autres à laCommunale ,
« le fils duDocteur Tancelinva à laCommunale » ; ce choix
des parents est-il malvupar la bonne société duVème
arrondissement?Entous cas il en faitles frais le premier
jour à cinq ans, il découvre le racisme puisque ses petits

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camarades letraitcroe de «uillat». Je pense soudain à
Simone de Beauvoir :
« Laterre merévélait une autre desesforces: laviolence
étaitdéchaînée, etl'injustice, la bêtise, lescandale,
l'horreur. Je demeurai insouciante de beaucoup de choses
que lesgensprennentau sérieux ;maismavie cessa d'être
un jeu, je connusmes racines, je ne feignisplusd'échapperà
masituatjeion :tentai de l'assurer.Désormais, laréalité
pesason poids. »
La force de l’âge

Il a donc connula méchanceté etle racismetrèstôt, dans la
réalité de la guerre d’Algérie, dans le quartier de la Halle aux
cuirs oùles ouvrierstanneurs arabestravaillaient, l'odeur des
cuirs etles ruisseauxqui charriaient une eaude sang...
C’estsavoixquiva lui servir de défense, cette bellevoixde
théâtre qui lui permetde lire letexte sans réflexion, d’en
saisir le sens, la revanche c’estlavoix.
Cettevoix, lestons sur lesquels il estcapable de modulations
commeunvirtuose sur les notes d'une portée invisible,une
voixqui donne des envies de fugues, musicales et
vagabondes, qui entraîne l'imagination dans la course folle
des mots, qui sembletournertelleunetoupie, qui entraîne les
mots, les jette, les rejette, les fait tournoyer , les précipite,
jusqu'aubord du vide, se risque jusqu'à faire entrevoir la
vibration qui la meut, l'essoufflementqu'elle ouvre chez
l'auditeur, l'équilibre instable entre gravité etironie. Le poète
estsalà ,voix trouve lavérité qui se dit, se murmure entre
les mots,vérité inassignable quiva de la lettre à l'esprit, à
l'envers du texte, impalpable, ineffable qui cherche sous les
mots, ce que les mots, lesvers semblentfrôler, l'effleure de
l'extrême de leurs ailes.

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Le monde des enfants lui faitconnaîtretoutes les nuances
duracismevécu, celui des noirs, celui des arabes, celui des
juifs, le racisme qui considère l’autre comme animal, comme
bête nuisible.Ce crime contre l'essence humaine, cetattentat
de l'homme contre l'homme, qui dénie le droitde faire parti

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