Le parti républicain à la croisée des chemins
154 pages
Français

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Le parti républicain à la croisée des chemins , livre ebook

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Description

Les premières semaines de l'administration Trump furent un feuilleton quasi permanent, au point que la popularité du nouveau président s'est effondrée sauf au sein de ses électeurs. Ce décalage immédiat est une difficulté de plus pour un Parti républicain qui fait déjà face à bien d'autres. La saison des primaires 2016 démontraient en effet de manière frappante le gouffre qui s'était crée entre les élites du parti et une base contestataire qui a eu finalement raison des candidats les plus prévisibles comme Jeb Bush ou Marco Rubio. Cette fracture est-elle le symptôme d'une crise plus générale du Parti républicain, voire de l'idéologie conservatrice elle-même ?

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Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2017
Nombre de lectures 4
EAN13 9782336789156
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

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4e de couverture

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Titre

 

 

POLITIQUE

AMÉRICAINE

 

Directeurs de la publication
et rédacteurs en chef

ALEXANDRA DE HOOP SCHEFFER

FRANÇOIS VERGNIOLLE DE CHANTAL

COMITÉ DE RÉDACTION

• DANIEL BÉLAND,Université de la Saskatchewan• ANNE-LORRAINE BUJON DE L’ESTANG,revue Esprit• FRÉDÉRICK DOUZET,Université de Paris VIII,• DENIS LACORNE,Centre d’études et de recherches internationales (CERI Sciences-Po),• Alix Meyer,Université de Bourgogne• VINCENT MICHELOT,Institut d’études politiques de Lyon• JULIEN ZARIFIAN,Université de Cergy-Pontoise

 

CONSEIL SCIENTIFIQUE

Akhil Reed AMAR,professeur de droit et de science politique, Faculté de droit, Université Yale

Suzanne BERGER,professeur de science politique, M.I.T., Massachusetts Institute of Technology

Bruce CAIN,professeur de science politique, Université Stanford, Californie

James W. CEASER,professeur de science politique, Université de Virginie

Jack CITRIN,professeur de science politique, Institute for Governmental Studies, Université de Californie, Berkeley

John D. DONAHUE,professeur de science politique, John F. Kennedy School of Government, Université Harvard

Francis FUKUYAMA,professeur de relations internationales, School of Advanced International Studies, Université Johns Hopkins

Charles O. JONES,professeur émérite de science politique, Université de Wisconsin-Madison

Robert O. KEOHANE,professeur de relations internationales, Université Duke

Charles A. KUPCHAN,professeur de relations internationales, Université Georgetown

David R. MAYHEW,professeur de science politique, Université Yale

Sidney MILKIS,professeur de science politique, Miller Center, Université de Virginie

Joseph S. NYE,professeur de relations internationales, John F. Kennedy School of Government, Université Harvard

Robert B. REICH,professeur d’économie politique, Université de Californie, Berkeley

Andrew RUDALEVIGE,professeur de science politique, Bowdoin College

Larry J. SABATO,professeur de science politique, Université de Virginie

Saskia SASSEN,professeur de sociologie, Université de Columbia

Steven SKOWRONEK,professeur de science politique, Université Yale

Anne-Marie SLAUGHTER,professeur de relations internationales, Woodrow Wilson School of Public and International Affairs, Université Princeton

Rogers SMITH,professeur de science politique, Université de Pennsylvanie

Ezra SULEIMAN,professeur de science politique, Université Princeton

Serge SUR,professeur des universités, Université de Paris-Panthéon-Assas

Bruno TERTRAIS,maître de recherches, Fondation pour la Recherche Stratégique

Margaret WEIR,professeur de science politique et de sociologie, Université de Californie, Berkeley.

 

Copyright

 

 

Maquette réalisée par ATA AYATI

 

Revue publiée en partenariat avec l’Institut des Amériques et avec le soutien du Centre National du Livre et du German Marshall Fund

Image 2

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© L’Harmattan, 2017

5-7, rue de l’École Polytechnique ; 75005 Paris

http://www.editions-harmattan.fr

EAN Epub :978-2-336-78915-6

Dossier dirigé Sébastien Mort

Éditorial

Alexandra de Hoop Scheffer
et François Vergniolle de Chantal1

Les premières semaines de l’administration Trump furent un feuilleton quasi-permanent : la multiplication des décrets, les « tweets » provocateurs, les déclarations à l’emporte-pièce des nouvelles figures de la présidence, les démissions, les rumeurs, tout ceci fut particulièrement chaotique, au point que la popularité du nouveau président s’est effondrée, sauf au sein de son électorat2. Ce décalage immédiat est une difficulté de plus pour un Parti républicain qui fait déjà face à bien d’autres. La saison des primaires 2016 démontrait en effet de manière frappante le gouffre qui s’était créé entre les élites du parti – l’establishment constamment évoqué dans les médias et qui correspond à peu près aux élus fédéraux et fédérés – et une base contestataire qui a finalement eu raison des candidats les plus prévisibles comme Jeb Bush ou Marco Rubio.

Cette fracture est-elle le symptôme d’une crise plus générale du Parti républicain, voire de l’idéologie conservatrice elle-même ? C’est le point de départ de ce numéro de Politique Américaine que de voir dans la victoire inattendue de Donald Trump le signe d’une crise majeure pour le GOP (Grand Old Party) et, plus largement, pour la scène politique nationale. L’un des arguments les plus fréquemment évoqués consiste à dire que le conservatisme « contestataire » (insurgent) né dans les années soixante et incarné par Barry Goldwater, a été remplacé par un populisme du ressentiment aux contours idéologiques des plus flous et dont Donald Trump serait l’incarnation grotesque : choisi par une base en proie à la peur du déclassement social et du déclin, ce personnage fantasque et imprévisible correspond à l’excès aux caricatures les plus outrées contre un homme blanc, riche, misogyne, raciste et vulgaire. Le processus de cannibalisation du conservatisme par un populisme droitier a brouillé les cartes. La typologie nette de l’après-guerre, celle que George Nash présentait dans son ouvrage de 1976 et qui distinguait traditionalisme moral, libéralisme économique et anticommunisme, est dorénavant à repenser3.

Le dossier de Politique Américaine, coordonné par Sébastien Mort, maître de conférences à l’Université de Lorraine (site de Metz), aborde différents aspects des mutations en cours au sein du Parti républicain et s’interroge sur un potentiel renouveau idéologique. Pour les contributeurs de ce numéro, il semble en effet que le GOP n’ait toujours pas dépassé l’héritage reaganien. Privé de tout leader incontesté, le Parti républicain serait depuis lors prisonnier d’une logique de la surenchère, sensible dès 1992 avec le discours de Pat Buchanan, l’un des tout premiers représentants nationaux de ce populisme droitier, sur les guerres culturelles en cours pour « l’âme » de l’Amérique. Le résultat paradoxal de la présidence G.W. Bush fut de préparer le terrain à un nouveau cycle de contestation à l’intérieur du Parti républicain, dont le catalyseur fut l’élection de Barack Obama. Le mouvement du Tea Party qui s’ensuivit fut le premier signe de cette nouvelle étape.

Le dossier s’ouvre avec un article d’Olivier Richomme, maître de conférences à l’Université Lyon 2, sur un aspect de la tactique électorale des Républicains, notamment au niveau local, qui consiste à rendre plus difficile l’exercice du droit de vote par les minorités. Face au délitement de la coalition Reagan en 2008 et confronté à une augmentation de l’électorat non-blanc, le Parti républicain a ainsi fait le pari d’une stratégie électorale à court terme. Cette stratégie s’appuie sur une multiplication les lois visant à démobiliser l’électorat démocrate. Suite à l’arrêt Shelby County v. Holder en 2013, par lequel la Cour suprême des États-Unis rendit la section 5 de la loi sur le droit de vote de 1965 inopérante, le pParti a accentué sa stratégie de démobilisation de cet électorat. Les lois visant à décourager les minorités, les pauvres et les jeunes àde se rendre aux urnes se multiplient dans les États nouvellement émancipés de la tutelle fédérale. Dans les États dirigés par les Républicains, en particulier après les victoires de 2010, les assemblées ont adopté des lois obligeant les électeurs à présenter une pièce d’identité, ce qui fut validé par la Cour suprême. Par exemple, l’État du Texas, dont la loi est l’une des plus strictes du pays et contre laquelle le Mministre de la Justice (Attorney General) a porté plainte, accepte comme pièce d’identité le permis de port d’arme mais ne reconnaîit pas les cartes d’étudiants. En 2011 et 2012, pas moins de 62 projets de loi de ce type ont été introduits dans les assemblées de 37 États.

L’article d’Yves-Marie Péréon, maître de conférences à l’Université de Rouen, traite des politiques économiques menées par les Républicains. Il montre la façon dont le parti semble figé dans une attitude doctrinaire de la dérèglementation qui remonte aux années Reagan. Pilier de la « Reaganomics », la dérégulation illustre la volonté de rupture avec une tradition remontant au New Deal. S’inscrivant dans la puissante rhétorique reaganienne du « moins d’État », elle a inspiré les politiques publiques mises en œuvre par les successeurs immédiats du 40e président. Mais la crise financière de 2007-2008, causée en partie par l’absence de surveillance des acteurs du marché, a contraint l’État fédéral à intervenir massivement pour éviter une crise systémique. Les leaders du GOP ont combattu le Dodd Frank Act de 2010, qui paraissait renouer avec la tradition rooseveltienne. Ils continuent à proclamer leur fidélité inconditionnelle à la politique de dérégulation, tout en dénonçant le coût des plans de sauvetage mis en œuvre par l’État-Léviathan de Washington. C’est d’ailleurs là un des enjeux qui peuvent permettre de construire une relation de travail positive entre l’administration Trump et les Républicains du Congrès.

Dans l’article suivant, Isabelle Vagnoux, professeur à l’Université d’Aix-Marseille, s’interroge sur les liens que les Hispaniques entretiennent avec ce Parti républicain dont le raidissement idéologique a des conséquences notables sur l’enjeu migratoire. Pour elle, l’histoire de la relation entre le Parti républicain et les Hispaniques est ponctuée de faux-pas et de tensions multiples. Elle montre comment, au sein d’une minorité en pleine expansion et très majoritairement démocrate, il existe néanmoins des Latinos républicains ou susceptibles de voter républicain et comment les primaires de 2016 qui ont vu s’affronter, pour la première fois de leur histoire, entre autres candidats, deux Hispaniques et un troisième « Latino de cœur », Jeb Bush, ont fait la part belle à l’élément latino. Plus généralement, l’article tente d’évaluer le poids du vote des Latinos pour les candidats et pour le Parti et s’interroge sur les stratégies que celui-ci a mises en place.

Un autre enjeu électoral pour le Parti républicain est celui de la communauté homosexuelle. Phil Tiemeyer, Assistant Professor à l’Université du Kansas, retrace lui aussi l’histoire des liens du parti avec cette communauté, largement acquise aux Démocrates. Il montre comment, depuis la fin des années soixante-dix, le mouvement pour les droits homosexuels et la droite religieuse ont joué le rôle de « frères ennemis », permettant ainsi au GOP de se financer auprès des mouvements religieux tandis que les Démocrates font de même auprès des partisans des droits LGBT. Néanmoins, la défaite du GOP en 2012 et des décisions récentes de la Cour suprême en faveur des droits LGBT, complexifient la donne au sein du Parti républicain. En effet, la question des droits homosexuels est devenue, depuis le début des années 2000, d’abord et avant tout une question constitutionnelle bien plus que législative. Les cours fédérées se sont en effet approprié cet enjeu, avant que la Cour suprême n’intervienne avec les décisions Windsor (2013), annulant le Defense of Marriage Act de 1996 et l’Obergefell (2015) qui déclarent le mariage homosexuel constitutionnel. C’est ainsi que les Républicains ont fait de l’enjeu LGBT un problème de suprématie du Judiciaire et ont abandonné la question morale. Il devient en effet bien plus facile de défendre la liberté religieuse ou de dénoncer des juges omniprésents que de se battre contre un mode de vie « répréhensible ». Dans ces conditions, la nomination d’un nouveau juge conservateur, Neil Gorsuch, à la Cour suprême est potentiellement lourde de conséquences pour la communauté homosexuelle.

Le dossier se termine par une contribution de Frédéric Heurtebize, maître de conférences à l’Université Paris Ouest – Nanterre, portant sur la politique étrangère du Parti républicain. Ce dernier dispose d’ordinaire d’un avantage acquis auprès des électeurs sur cette question. Plus enclin à un effort de défense soutenu, plus prompt à l’interventionnisme militaire et, surtout, plus intransigeant dans la défense de la souveraineté des États-Unis, il apparaît comme le meilleur garant de la sécurité nationale. En 2016, alors même que les questions internationales occupent une place importante, le GOP semble pourtant divisé. Si l’establishment reste fidèle à la ligne interventionniste qui domine depuis la présidence Eisenhower, Trump a défendu pendant toute la campagne un protectionnisme et un isolationnisme musclés qui font fi de toute dimension idéaliste ou morale. Depuis son entrée en fonction, les alliés des États-Unis sont particulièrement soucieux. La volonté affichée de la nouvelle administration de faire participer les alliés à leur défense inquiète. Le devenir de l’OTAN, où nombre de pays européens se reposent sur la puissance américaine, est à nouveau l’objet de toutes les préoccupations. Mais il semble que toutes les alliances traditionnelles sont sur la sellette. Les Premiers ministres anglais et japonais ont même fait le déplacement jusqu’à Washington pour s’assurer que leurs « relations spéciales » ne feraient pas les frais du dynamitage en règle qu’ils redoutent.

Enfin, la rubrique Varia de ce numéro de Politique Américaine contient un article de Jasper Trautsch, Lecturer en histoire des États-Unis à l’Université de Ratisbonne (Allemagne), qui complète le dossier mais s’inscrit sur un terrain différent, celui des débats d’historiographies dans le cadre des « guerres culturelles » des trente dernières années. La montée du Tea Party est la dernière illustration de la place centrale occupée par le sens et la portée de la révolution dans les « guerres historiographiques » aux États-Unis. En analysant les travaux de recherche et les interventions publiques de Gordon S. Wood – représentant traditionaliste dans l’actuelle « politisation de l’histoire » –, l’article identifie les points les plus controversés de ce débat et expose aussi les problèmes auxquels se heurte l’historiographie conservatrice aux États-Unis.


1  Alexandra de Hoop Scheffer est directrice du bureau parisien du German Marshall Fund of the United States ; François Vergniolle de Chantal est professeur des Universités à l’Université Paris Diderot

2 Nathaniel Rakich, « Will Trump’s Approval Rating be a Problem for Republicans in 2018 ? »,FiveThirty Eight, 13 février 2017 : <https://vethirtyeight.com/features/will-trumps-approval-rating-be-a-problem-for-republicans-in-2018/>. Voir aussi : Steven Shepard, « Donald Trump might be more popular than you think »,Politico, 3 février 2017 :http://www.politico.com/story/2017/02/donald-trump-popularity-polling-234630

3 George H. Nash,The Conservative Intellectual Movement in America Since 1945,Wilmington, Delaware, Intercollegiate Studies Institute, 2nd éd. 1996 (éd. orig. 1976).

Introduction

Le Parti républicain en 2016 :
l’impossible renouveau ?

Sébastien Mort4

La désignation de l’homme d’affaires Donald Trump comme candidat républicain à l’élection présidentielle de novembre 2016 place le Grand Old Party (GOP) dans une situation proprement inédite : jamais depuis sa création en 1854 le parti n’avait été la cible d’un tel assaut5, lancé qui plus est par une figure extérieure, n’appartenant ni à la sphère du parti, ni à celle de la politique. Au-delà du caractère spectaculaire de son ascension puis de sa victoire le 8 novembre, et d’un discours qui met en crise les conventions implicites du débat politique et des campagnes électorales, la candidature de Trump interpelle surtout par ce qu’elle révèle de l’état du Parti républicain. En effet, il semble qu’une telle prise de contrôle par une figure extérieure ait été rendue possible surtout par l’état de délabrement dans lequel il se trouve.

Outre la désignation de Trump, les primaires républicaines de 2016 auront marqué avant tout la mise en échec totale des représentants de l’establishment du parti, dont seuls l’ancien gouverneur de l’Ohio John Kasich et le sénateur du Texas Ted Cruz étaient parvenues à se maintenir en lice jusqu’à la fin. Toutefois, l’événement le plus significatif fut probablement le forfait de l’ancien gouverneur de Floride Jeb Bush qui, de tous les candidats, était celui qui s’était lancé dans la course avec le plus d’atouts : un nom connu des citoyens par son statut d’héritier d’une des dynasties politiques les plus puissantes de la seconde moitié du 20e siècle, un réseau d’appuis très dense au sein de la sphère républicaine et, surtout, un budget de campagne qui dépassait de très loin celui de ses concurrents6. Ainsi, les piètres résultats qu’il engrangea – il ne parvint à concourir que dans quatre États, ne l’emporta dans aucun et ne se hissa qu’à la quatrième place lors de l’élection de Caroline du Sud – résonnèrent à eux seuls comme une répudiation sans appel de l’establishment du parti, tout autant qu’ils semblaient signaler la fin de l’importance politique de la famille Bush. Au fond, le palmarès tout entier montrait le désaveu de l’establishment : si Cruz était bien sénateur depuis de 2013, il avait toujours fait de la dénonciation des arcanes du pouvoir de Washington et des hommes et femmes politiques en poste de longue date l’un de ses chevaux de bataille. En outre, si depuis la victoire de Trump les élus républicains semblaient vouloir serrer les rangs autour de lui, la situation fut toute autre lors du face à face avec Hillary Clinton à l’automne. Ainsi, dès les semaines qui suivirent la convention du parti à Cleveland à la mi-juillet 2016, la désignation de Trump provoqua la désolidarisation progressive de l’establishment, processus qui culmina à la mi-octobre lorsque fut rendu public l’enregistrement d’une conversation dans laquelle le candidat légitimait les agressions sexuelles sur les femmes par des propos tout à fait orduriers. Ces révélations provoquèrent une vague de désaveux en masse, notamment celle du Speaker de la Chambre des Représentants Paul Ryan7.

En cela, la désignation de Trump constitue le symptôme de la crise que traverse un GOP dont la situation est pour le moins paradoxale : majoritaire au Congrès fédéral (246 représentants républicains sur les 435 que compte la Chambre8, 54 des 100 Sénateurs9) dans les Assemblées des États fédérés (le GOP est majoritaire dans 30 des 50 assemblées) ainsi que dans les exécutifs locaux (31 Gouverneurs sur 50 sont Républicains10), le parti semble à bout de souffle sur le plan idéologique, incapable de renouveler un corps de doctrine qui demeure inchangé depuis le milieu des années 70. En effet, depuis l’ascension de Ronald W. Reagan sur la scène politique nationale et sa première tentative de remporter l’investiture du GOP lors de l’élection présidentielle de 1976, les candidats républicains défendent des positions qui puisent dans un terreau idéologique qui semble quasi inchangé. Au-delà de la réalité des politiques mises en place au cours de ses deux mandats en tant que président (1981–1989), Reagan a incontestablement joué un rôle essentiel dans l’élaboration de ce qui est depuis lors le corps de doctrine du Parti républicain. Ce repositionnement idéologique a permis non seulement de redonner du dynamisme au GOP, mais également de recentrer le débat politique dans son ensemble autour des paradigmes du conservatisme à partir des années 8011.

Ce corps de doctrine semble indissociable de la figure de Reagan : c’est lui qui, dès la moitié des années 70, engage un travail de synthèse, dans la sphère politique, des différentes tendances du conservatisme12. En fait, il ne fait que reprendre à son compte l’idéologie issue de la fusion opérée dès le milieu des années 50 par la revue mensuelle The National Review sous l’égide de son fondateur William F. Buckley. De ce « fusionisme » résulte un discours politique qui emprunte tout autant au libertarisme économique – mise en accusation de l’État, baisse de la fiscalité et des dépenses publiques, coupes dans les programmes de l’assistance (welfare programs), dérèglementation de la finance – et au traditionalisme moral – opposition à l’avortement, défense de la famille traditionnelle, prière a l’école – qu’à l’anticommunisme et à l’exceptionnalisme américain – sanctuarisation et hausse du budget de la défense, et interventionnisme motivé par la défense des valeurs universelles dont sont porteurs les États-Unis. Cette synthèse permit à Reagan, non sans l’appui de l’appareil de la Nouvelle Droite, de convaincre l’électorat américain et de s’assurer la victoire lors de l’élection présidentielle de 1980.

Depuis, ces principes se sont installés de manière pérenne dans le discours des Républicains et Reagan a été élevé au rang de figure tutélaire. Ainsi, en 2009, le polémiste Will Bunch notait non sans une certaine ironie que l’objet des débats des primaires républicaines en 2007-2008 n’était pas tant de faire émerger le meilleur candidat à l’investiture ou de débattre de solutions censées résoudre les problèmes auxquels sont confrontés les États-Unis, que de désigner celui qui serait le véritable héritier de Reagan et qui se montrerait le plus à même de reprendre le flambeau du reaganisme13. Quarante ans après la première tentative de Reagan de remporter l’investiture du Parti républicain, au moment d’aborder les primaires de 2016, les candidats républicains se réclament toujours du 40ème président et s’appuient encore très largement sur ce corps de doctrine.

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