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Publié par | L'Harmattan |
Date de parution | 01 avril 2010 |
Nombre de lectures | 163 |
EAN13 | 9782296253339 |
Langue | Français |
Poids de l'ouvrage | 1 Mo |
Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
A ceux qui luttent pour la liberté et lavérité
AVANT-PROPOS
Alors que les appels à l’engagement pour la démocratie en
Afrique sont nombreux et insistants, l’on est encore fort
peuinformé sur la façon dont lesAfricains, qui sont
pourtant les premiers protagonistes des changements
politiques sur le continent, se représentent l’ordre social.
En effet, obnubilés par la scène politique officielle, la
plupart des acteurs focalisent leur attention sur la conquête
et la conservationdupouvoir.Ils s’engagentdansdes
joutes partisanesetélectorales, délaissent lesdébats
d’idées,soigneusementévacués sous prétextequ’ils
seraient insignifiants,voireinexistantsdans la culture
politique del’Afrique.La culture africaine désigne
l’ensemble des idées, des sentiments, des mœurs qui, bien
avant le contactaveclescivilisationsétrangères,
constituent leproduit leplusauthentique del’actionet la
pensée des peuplesafricains.Cetensembleregroupenon
seulement les traditionsartistiques,religieuseset
sapientiales,maisaussides techniquesetdescoutumes qui
caractérisent laviequotidienne.
Parmi leséléments quicomposent la culture
africaine,l’ordresocial méritequ’on lui redonnetout son
sens, et, dans la hiérarchie des idées,savraieplacequiest
lapremière.Biencompris,il peut serévéler la clé des plus
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Les masquesdupouvoir politique enAfrique
graves problèmes sociaux.Dans les organisations sociales
d’après les indépendances,plusieursdirigeantsafricains
ontfait recours justementàla conception traditionnelle de
lavie communautairepour justifier leméprisdel’homme
africain,soneffacementdevant la communauté.Ils
soutenaient que, dans l’Afriquetraditionnelle,l’homme
étaitunélément qui nevaut que dansun systèmesocial ou
politique, et nevit queparcesystème et pour lui ; il n’est
qu’un moyendelavie communautaire et toutevaleur
séparéeluiest refusée, car il nepeut rien recevoir que de
la communauté et nepeut riendonner qu’à elle.Alasuite
de cette équivoque fâcheuse, des idéologies sesont peuà
peuconstituées qui,par leur influencenéfastesur la
société,y ont provoquéles plusgravesdésordres.Il
convientderéagirvigoureusementcontrel’empoisonne-
mentdesespritsdûà cette confusiondes idées, etde
reveniràlasainetraditionafricaine, cellequi, dans tout
être humain, atoujoursvu unanimal solidaire,pourune
édification solide delapersonnalité africaine.
Par l’ouverture àlamondialisationetàla faveurdu
voyage des idées,la démocratiemoderne est instaurée en
Afrique avecses notionscorollairesdeliberté, de dignité
delapersonne etdesdroitsdel’homme.Malgrélesefforts
consentisdepuis le débutduprocessusdémocratique dans
lesannées 1990,il ya encoreune absorptiondela
personnepar la communauté; lapersonne estconsidérée
commeune cellule amorphe ducorps social.L’Africain
doitêtretoujours perçusouscesdeuxaspects: d’uncôté,
le communautairequiest principe d’unité, d’activité;de
l’autre,lepersonnel quiest principe d’identité.Cesontdes
notionsabstraites,maisgrosses néanmoinsdelaréalité
d’où l’intelligenceles tire.Dans laviesociale, cesdeux
dimensionsdel’homme africaincollaborentàsonactivité
totale.Dans lasymphonieplus oumoinsharmonieusequi
Avant-propos
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se dégage delavie communautaire enAfrique,où la
personne et la communauté conjuguentconstamment leur
voix, c’est la communautéqui sembleprioritaire.
Transposé duplan sociologique àl’ordremoral,le
lienentrepersonne etcommunauté,important pour tous
leshommeset pour tous les temps,l’estaussi pour les
Africainsavecunesignification particulière.Bien
appréhendé, celien permetdeposer lesconditions
possibles pour sortir les sociétésafricainesdudésordre
dans lequelelles setrouvent, derestaurer,surdesbases
solidesetdurables,l’ordresocial.Eneffet, d’où vient que
ni lasolidarité africaine,ni lesensdejusticequiendérive,
neparviennentà améliorerde façon notableles rapports
sociauxenAfrique?D’où vient qu’à côté del’inégalité
desconditions individuelles,quiest naturelle et tientà des
élémentsdont leshommes nesont pas toujours maîtres,il
yait tantd’inégalitéshumaines,tantdepersonnes qui
n’aient pasdequoivivre dignementcommeilconvientà
deshommes ?D’où vientenun mot que, dans les sociétés
africainesditescommunautaires,il yaitencoretantd’êtres
humains qui n’aient pasdequoi seloger ;tantd’enfants,
de femmes, devieillardsexposésàtous lesdangers ;tant
demisères qui paralysent le développementéconomique,
moralethumain ?Ces interrogations indiquent queles
valeursdites traditionnelles,notamment lasolidarité
africaine, en soi,nesont pas méritoires.Elles peuvent
même êtreutilisées
pourdescomportementsantisolidaireset irresponsables.Un travail préalable est
nécessairepour laréappropriationdesvaleursculturelles
traditionnellesdans lanouvelle donnesociopolitique
africaine.
INTRODUCTION
Durant lesannées qui ont suivi l’indépendance des pays
africains, desanalystes ontappliqué àlascènepolitique
africainelanotiondetensionentrele hautet le bas. Cette
tensionestdéduite delapenséemarxiste-léniniste en
termesde «Révolution par le bas»,qui se fait parun
soulèvementdes massesavecuneréactionviolente de
défense delapartdesclassesdominatrices.Généralement,
cemouvementaboutitàl’abolitiondel’ancien régime et
son remplacement parun régimenouveau.Parcontre,la
« Révolution par le haut»seproduitdansunesociété
postrévolution sansclasse.Dansce cas,l’initiativevient
dupouvoir public avantd’être appuyéepar les masses
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populaires:lerégime en placen’est pasforcémentaboli .
Depuis lesannées
1990,lerenouveaudémocratique a favorisé, enAfrique,lanaissance d’une
1
Cf.J.Ziegler,Sociologie de l’Afriquenouvelle, Paris, Gallimard,
1964, p.270-273.L’auteuranalyselarévolution par le haut opéréepar
le colonelNasserenEgypte.Il rappelle également la crisepolitique de
1961-1962auGhanaquia conduitauculte duprésidentNkrumah.
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Les masquesdupouvoir politique enAfrique
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nouvellesociologiepolitique.Elle estfondéesur
l’effondrementdesbases sur lesquelles reposaitune
unanimité forcée entrelepouvoiret lepeuple.Eneffet,
après la finde «l’uniténationale »prônéepar les partis
uniques,lesanalystesdistinguentdésormaisd’unepart,la
démocratiepar«le haut»initiéeparunesélectionde
3
personnes, constituantune aristocratie , etune démocratie
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par«lebas», relevantdel’initiative dubas peuple,
d’autrepart.
Selon les tenantsdelapolitiquepar«le bas»
(tendancelargementdominante), aumoment oùlaville
devient lelieuoùse concentrent leshommes,letravailet
les systèmesd’organisation,l’intérêtdelapolitiquepar
«le bas»reposesur le fait qu’ellepermetderéintégrer les
préoccupationsdes populations périphériquesdans la
réflexion politique. Selon J.-M.Ela, «ilconvientde
rejoindrel’Afrique dans les lieuxd’invention où,sans
2
Au-delà delatensionentrele «haut» et lbae «s», des positions
plus nuancées proposent lerenforcementet l’extensiondetous les
liens sociauxàla base,tandis quelesdirigeants severraientcontrôlés
et limitésdans leursactions ;c’était le compromis trouvépar les
participantsàla Conférencenationale duBénin.Cf.R.M.Afan,La
participation démocratique enAfrique.Ethiquepolitique et
engagement chrétien, Fribourg,
EditionsUniversitaires,2001,p.8083.
3
Envisager la démocratiepar lhae «ut»serait la considérercomme
l’affaire des intellectuelsetdeshommesaupouvoir.Cf.T.Bakary,La
démocratie par le haut enCôte d’Ivoire, Paris, L’Harmattan,1992,p.
37-41.
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Cette perspectivevise àsaisir lejeuintime des relationsentreles
différentsacteursdusystèmesocial, dupointdevue desacteurs
subordonnés plutôt que celuidupouvoir.Maisen restituant leur rôle
auxintermédiairesentrelesacteurs:laproblématiquepar le bas
conduit quasiautomatiquementàuneprobl&