Pourquoi on jette les oranges à la mer comme ça ?
148 pages
Français

Pourquoi on jette les oranges à la mer comme ça ? , livre ebook

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Description

Dire "je" à la place de l'autre. Mon père est aveugle à la fin de sa vie. Pour l'occuper, mais aussi pour apprendre quelque chose de lui, je lui offre un magnétophone, des cassettes et lui demande de se raconter. En échange, je lui promets d'écrire un livre. Il se prête au jeu et, quinze ans plus tard, je tiens ma promesse. Et je dis "je" à la place du père.

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Publié par
Date de parution 06 septembre 2014
Nombre de lectures 4
EAN13 9782336354125
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Collection Récits
JeanGuillaume COSTE
Pourquoi on jette les oranges à la mer comme ça?
Récit
Pourquoi on jette les oranges à la mer comme ça ?
Rue des Écoles Le secteur « Rue des Écoles » est dédié à l’édition de travaux personnels, venus de tous horizons : historique, philosophique, politique, etc. Il accueille également des œuvres de fiction (romans) et des textes autobiographiques. Déjà parus Leonetti (Xavier) et Lejeune (Gontran),Réformer la France et l’économie territoriale, 2014. Lemeyre (Cécile),Les mots de ma psy, 2014. Gordon (Gino),Ça fait deux jours, 2014. Beaumont (François Jean),La Consigne, 2014. Faribault (Thierry),Le Bal des muets, 2014. Blanchet (Marie-Pierre),Intrépide Marie Chaussette, 2014. Texier (Nadine),Je suis myopathe… mais je me soigne !, 2014. Duriot (Pierre),La Croisade des chiens de guerre, 2014. Sireygeol (Robert),Chemin des pas perdus, 2014. Narèce (Francine), François-Élie (Mandy),De l’olympisme au handisport, 2014. Malka (Jean),Le désir d’apprendre, 2014. Martory (Yvon),Le Syndrome de Blas, 2014. Ces douze derniers titres de la collection sont classés par ordre chronologique en commençant par le plus récent. La liste complète des parutions, avec une courte présentation du contenu des ouvrages, peut être consultée sur le site www.harmattan.fr
Jean-Guillaume COSTEPourquoi on jette les oranges à la mer comme ça ? * Récit
© L’Harmattan, 2014 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Pariswww harmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-03703-5 EAN : 9782343037035
I - VerzeIlle
e vîs e jour en , un  décembre, jour des Saîns J ïnnocens, dans un peî vîage du Sud de a France, Verzeîe, à queques kîomères de Carcassonne, au mîîeu des vîgnes. « Vérrrzéîé » dîsaî-on car ou e monde paraî e paoîs (on ne dîsaî pas encore « ’occîan »). e rançaîs éaî a angue des erés, des journaux e de ’însîueur quî ’împosaî à ’écoe avec oue ’auorîé que uî donnaî une badîne de coudrîer ongue e Lexîbe. es vîgnerons quî consîuaîen a quasî-oaîé de a popuaîon avec e caeîer-cordonnîer, a couurîère, e curé, ’épîcîer, e orgeron e e mare d’écoe ne paraîen que e paoîs e a vîe s’écouaî au ryhme des ravaux des vîgnes, des vendanges e des vînîIcaîons. es paysans éaîen soîdaîres e ous un peu cousîns. D’aîeurs, nombre de amîes poraîen e même nom : « Cose » es un paronyme rès répandu dans cee régîon oue en coeaux. Pour se dîsînguer es uns des aures au I des sîèces, ceraîns on ajoué à eur nom ceuî de eur épouse. Au peî cîmeîère du vîage, es caveaux de amîe se ressemben e se succèden, sobres e massîs monumens de granî sombre, oujours Leurîs : amîes Cose- Sec, Cose -Doa, Cose ec. Deux aées se rejoîgnen sous es grands arbres de Judée, e un monumen aux mors se dresse à ’enrée avec sa îse împressîonnane de « héros mors pour
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a parîe ». Tou au ond, au bou de ’aée de droîe, e dernîer caveau es ceuî de ma amîe, « Famîe Cose Guîaume ». Guîaume es e prénom de mon grand-père e de mon père. ï es ceuî de mon Is. Moî, on m’a bapîsé Eîenne Denîs maîs on m’a oujours appeé Denîs. e caveau de amîe se îen soîaîre à ’exrémîé du cîmeîère, un peu en dehors de a bordure des grands cyprès comme pour marquer sa dîférence e sa îberé. à, conre e mur d’enceîne, poussen des yuccas sauvages e son remîsées de vîeîes croîx de one ouvragée e des pîerres ombaes dépacées. Dans mon vîage, e cîmeîère n’es pas un îeu sînîsre e rîse: on pare de nos mors comme on pare de nos voîsîns, on va eur rendre vîsîe réguîèremen e a promenade du cîmeîère es e pus souven ’occasîon de bavarder e d’échanger des nouvees, ou en rempîssan e broc pour arroser es panes ou en arrachan es herbes oes auour de a sépuure. On évoque, en parcouran es aées, es avenures ou es déboîres de ’un ou de ’aure, comme on e aîsaî de son vîvan en passan devan sa maîson. - « Tîens, voîà a panhère !» Me conIaî en sourîan Germaîne, ma marraîne, en passan devan a ombe de a amîe de ouîs, e boucher. ï avaî éé son « Iancé » avan a Grande Guerre, puîs son aman quand e beau ouîs avaî épousé une emme pus rîche, a « panhère ». Germaîne éaî resée « vîeîe Ie »,ou comme sa sœur Marîe e beaucoup de jeunes emmes à cee époque. Ces deux sœurs uren à vraî dîre ’essenîe de ma amîe avec ma ane Escouroux, eur voîsîne au vîage, quî m’avaî recueîî e éevé. Je n’aî pas connu ma mère, more en couches, e je ne saîs rîen d’ee, ou rès peu de choses, comme sî queque secre ou
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queque aue avaî dîsparu à jamaîs avec cee jeune emme qu’on me dî rès bee e rès pauvre. Je n’aî pas beaucoup connu mon père non pus dans mon enance car, mobîîsé pendan a guerre de , î avaî ensuîe émîgré au Maroc dans ’espoîr de vîvre aux coonîes une vîe meîeure. Mon père, je e revîs brîèvemen en  à a démobîîsaîon. ï avaî aî a guerre dans un régîmen de zouaves avec e grade de sous-oicîer. De  à , sans aucune permîssîon, î avaî servî aux coonîes, dans e Sud agérîen e en Tunîsîe. ï m’envoyaî de emps en emps des cares posaes de Gabes, d’Ager ou de Tunîs, avec des paysages de pamîers e de mînares quî me aîsaîen rêver. Je me rappee qu’en , j’avaîs aors  ans, î m’avaî même envoyé un peî cosume de Zouave avec sa vese beue, son grand panaon rouge e sa chéchîa à pompon. Ma marraîne me ’ajusa e je e poraîs de emps en emps à a sorîe de ’écoe pour épaer mes peîs camarades. Mon père ne revîn qu’épîsodîquemen à a démobîîsaîon, e emps de conIer à sa sœur, Madame Escouroux, son Is unîque e a gesîon de ses bîens. es coonîes uî avaîen donné e goû du arge e î reparî pour e Maroc où on uî avaî proposé un ermage.
Madame Escouroux éaî a veuve d’un juge de paîx de Carcassonne, juge « rouge » para-î, don e rère éaî évêque dans a même vîe. On îmagîne es joues rarîcîdes enre e juge îbre penseur e e préa aors que e déba sur a séparaîon de ’égîse e de ’Ea dîvîsaî déjà a France. Ma ane éaî un curîeux méange de reîgîon presque supersîîeuse e d’esprî îberaîre quî caracérîse cee régîon. C’éaî une ore e grande emme brune au vîsage sévère, oujours cheveux îrés en deux bandeaux symérîques,e en robe sombre maîs quî m’aîmaî comme une mère e me proégeaî d’auan pus que j’éaîs orpheîn. Au ond
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d’une des proondes poches de ses vases e ongues jupes, ee gardaî oujours sur ee un peî carne de marocaîn caîr dans eque ee noaî en paoîs, en rançaîs e paroîs en aîn, queques ormues magîques, recees e prîères, remèdes rès eicaces conre es însoaîons, es mîgraînes, es verrues e ous es peîs maux de a vîe. es gens du vîage venaîen paroîs a consuer avec déérence e ee dîspensaî ses soîns docemen conre de menus présens : boueîes de banquee, gîbîers e pîèces de charcuerîe, car, bîen sûr, chaque amîe uaî e cochon une oîs ’an e aîsaî provîsîon de saaîsons. e harîco de Pamîers que ’on roquaî ou acheaî au marché de Carcassonne, es produîs du poager, es èves, es pommes de erre, es choux e es omaes ’éé, es ruîs des vergers, es poues, es canards, es apîns de a basse-cour, e gîbîer (souven braconné) e es poîssons du oque, a rîvîère quî descendaî des Corbîères, consîuaîen, avec e cochon sacrîIé dans chaque maîson, oue a rîchesse cuînaîre du pays. es Leurons de cee cuîsîne éaîen e cassoue mîonné aux sarmens de genês épîneux e e ameux canneonî graîné don Marîe, ee-même Ie de cuîsînîère, avaî e secre. e gîgo d’agneau éaî réservé pour es banques e repas d’excepîon andîs que es beîgnes e es oreîees égayaîen es goûers en pérîode de carnava.
e carnava resaî un momen parîcuîèremen esî pour es enans du vîage quî chanaîen e dansaîen devan chaque maîson, cosumés e masqués pour récoer rîandîses e bonbons. Germaîne, ma marraîne, éaî a couurîère de Verzeîe : ee me conecîonnaî chaque année e pus beau cosume du carnava, avec es chues de ses dîférens ravaux. Je me souvîens du pus beau de ous,
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un grand cosume de Pîerro banc, ampe e soyeux avec de gros pompons noîrs. Je devaîs avoîr dîx ou onze ans quand je us errassé par une bronchîe quî me coua au î avec une ore Ièvre. e pronosîc médîca éaî rès pessîmîse e ma ane, Germaîne e Marîe passèren une nuî enîère à me veîer en conecîonnan à a hâe e cosume noîr de mon enerremen. Au peî maîn a Ièvre avaî desserré son éau e je revîns enemen à a vîe. Pendan ma convaescence, e médecîn m’avaî prescrî une cure d’escargos que je devaîs manger crus. J’apprîs, magré mon dégoû, à débusquer es îmaçons e ong des aus e à es gober aussîô. Quan au cosume de mon enerremen, je e poraî pour aer à ’écoe, ce quî I de moî pour un emps ’écoîer e pus éégan du vîage ! Germaîne e Marîe, resées céîbaaîres à a In de a Grande Guerre, conînuèren à vîvre ensembe dans eur maîson amîîae, à ’enrée du vîage. e rez-de-chaussée quî servaî aureoîs d’aeîer à eur père menuîsîer éaî maînenan ransormé en saon e aeîer de couure. Avan cea, eur père y enreposaî es panches e es ouîs. ï y conecîonnaî égaemen es cercueîs. On m’a raconé que, orsqu’un décès survenaî dans e vîage, î se meaî aussîô au ravaî e enraî dans e cercueî pour oîser exacemen a dîmensîon des panches en comparan sa aîe à cee du déun qu’î connaîssaî bîen. Cee maîson, au bou d’un peî jardîn Leurî ou en ongueur ombragé par un gros Iguîer, devîn ensuîe cee des demoîsees couurîères habîées oujours de a même açon, comme des sœurs jumees, car Germaîne conecîonnaî eurs vêemens par deux dans es mêmes îssus. Germaîne aîaî e cousaî. Marîe ’aîdaî en aîsan a peîe maîn e assuraî a cuîsîne e es âches ménagères. Passé eur cerîIca d’éude, ees avaîen dû se
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