L âme et l abîme dans la mystique féminine carmélitaine
188 pages
Français

L'âme et l'abîme dans la mystique féminine carmélitaine , livre ebook

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188 pages
Français

Description

Dieu est un abîme, l'âme ne l'est pas moins. Ce recueil d'études porte sur le croisement de ces deux réalités. Comment l'énigme de l'une se réfléchit dans le mystère de l'autre et agit sur elle, par quoi chacune s'assure de l'autre dans le don de soi et l'hospitalité, voici les interrogations auxquelles tente de répondre cet essai sur quatre figures de la mystique carmélitaine : Thérèse d'Avila, Thérèse de l'Enfant-Jésus, Elisabeth de la Trinité et Edith Stein, ainsi que la romancière Gertrude Von Lefort.Š

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2011
Nombre de lectures 28
EAN13 9782296466784
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’âme et l’abîme dans la mystique féminine carmélitaine
THÉOLOGIE PLURIELLE Collection dirigée par Jad Hatem Madalina Vârtejanu-Joubert,Folie et société dans l’Israël Antique Anca Manolescu,Nicolas de Cues ou l’autre modernité Bernard Forthomme,Sainte Dympna et l’inceste. De l’inceste royal au placement familial des insensés. Jad Hatem,Extase cruciale et théophorie chez Thérèse d’Avila —,Hallâj et le Christ ,Gloire de l’Un. Philoxène de Mabboug et Laurent de La la Résurrection ,Le Sauveur et les viscères de l’être. Sur le gnosticisme et Michel Henry ,Mystique et philosophie mêlées ,Élément de théologie politique—,Charité de l’infinitésimal.Variations leibniziennes ,Majnoun Laylâ et la mystique de l’amour
Jad HATEML’âme et l’abîme dans la mystique féminine carmélitaine
Thérèse d’Avila, Thérèse de l’Enfant-Jésus, Élisabeth de la Trinité, Gertrude von Lefort, Édith Stein
© L’Harmattan, 2011 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-55428-3 EAN : 9782296554283
« Le cœur humain est un abîme inconnu à lui-même ; celui qui l’a fait en pénètre seul le fond » (Christine de Suède,L’Ouvrage du loisir,§ 602). « Si elle tombe… ma foi, elle a peut-être des ailes qui s’ouvriront tout à coup pour la soutenir sur l’abîme » (George Sand,Narcisse,V). « Qu’est-ce que cet abîme en nous où gît tout notre passé ? / Ou bien est-ce seulement detonêtre, de ta? » voix que je me souviens (Karin Boye). « Et je vais à tâtons le long des nuits sans bord » (Marie du Saint-Esprit).
À Jean Sleiman
CHAPITRE I VOIR LA VÉRITÉ. L’AUTHENTICITÉ DE L’EXPÉRIENCE MYSTIQUE SELON THÉRÈSE D’AVILA « Les lumières se rendent où l’affamé les voit » (René Char). Le problème de la foi se pose dans la théologie mystique d’une façon tout ensemble originale et aiguë. Certes le mystique lui-même approche d’abord la question dans sa valence commune. Il croit en Dieu avec la communauté à laquelle il appartient (credimus Deo) et il peut traverser des périodes de perplexité à ce sujet. À l’instar des autres croyants, il admet que Dieu s’est révélé et que ses paroles sont véraces, tout en se demandant si tout ce qui est donné pour parole divine est authentique — auquel cas, il est appelé à croire Dieu et ses promesses toujours dans le cadre de la communauté (credimus Deum). Dès lors qu’on fait intervenir la dimension du particulier, telle religion, s’ajoute la nécessité de croire dans la véracité du médium : que tel homme est prophète (et tel autre pas). Un corollaire est ici requis du fidèle : il est invité à admettre que le 7
prophète a été un bon canal, entendre le plus passif possible, de la parole transmise. Il y a également des religions, que je dirai dominées par l’idée d’une théophanie anthropomorphe, où il est prié de reconnaître que Dieu a pris la forme du serviteur, soit par emprunt restituable (hindouisme de la Bhagavad-Gîtâ, druzisme, nusayrisme, par exemple), soit par assomption définitive (christianisme). Certains mystiques répugnent à s’inscrire dans la particularité, optant pour une religiosité supra-confessionnelle. Leur foi en Dieu plane dans la généralité et ne prend pas appui sur les prestations d’une religion positive. Dans ce cas, la profession de foi est susceptible d’acquérir un contenu original, comme d’énoncer que l’attestation qu’il n’y a d’autre dieu que Dieu relève de l’exotérique alors que l’ésotérique enseigne, à l’intention de l’élite, que la véritable et ultime formule décline qu’il n’y a que Dieu. Le virage ainsi initié du monothéisme au théomonisme s’explique par l’expérience mystique elle-même dans la mesure où elle a livré accès au sentiment océanique. Que l’homme soit en Dieu et que son agir fasse partie intégrante de la vie même de Dieu, cela les mystiques, dit Schelling, le 1 tirent de leur sentiment le plus intime . Que le mystique opte pour la généralité ou inscrive l’explication de l’événement prodigieux dans la particularité (un peu comme Nicolas de Flue a été conduit à soutenir que c’était de la Trinité qu’il avait eu la vision, alors que sa première relation avait fait état 2 d’un visage humain courroucé ), il ne lui faut pas moins
1.Recherches sur l’essence de la liberté humaine, SW VII, p. 339-340. 2. Cf. Jung,La Vie symbolique, Paris, Albin Michel, 1989, p. 112. 8
attester d’abord son expérience comme telle, non pas qu’il doive y croire, car elle ne requiert pasen elle-même,en tant quevécu, un acte de foi. Mais il lui revient d’en identifier la source et d’authentifier, le cas échéant, son contenu si elle élève quelque prétention à passer pour un mode éminent de la connaissance de Dieu ou un jaillissement inopiné de l’éternité dans le temps. Doit-il, par exemple, donner du crédit aux données sensibles qui lui fournissent des informations sur une réalité supposée que les autres personnes présentes à ses côtés ne perçoivent nullement ? Ce qu’il a vu et entendu dans les profondeurs de son affectivité, a-t-il été produit par autre chose qu’elle-même ? Quel sens accorder à la quiétude dans laquelle l’âme est comme surnaturellement plongée ? Dans tous ces cas, la perplexité est de mise. Une base catégorique est requise sans quoi tout sens serait la proie de l’hypothétique, toute énonciation demeurerait sous la condition d’une inconnue. Écoutons ce que dit Thérèse d’Avila : « L’âme, tant qu’elle n’a pas une longue expérience, se demande avec anxiété ce qui a eu lieu. Était-elle dans l’illusion ? Etait-elle endormie ? Est-ce une faveur de Dieu, ou bien n’est-ce pas le démon qui s’est transformé en ange de lumière ? Mille doutes l’assaillent, et il est bon qu’elle les ait, car notre nature 1 peut nous tromper alors quelquefois » . L’incertitude est évidemment plus grande encore pour les compagnons du sujet s’il lui venait à l’idée de révéler sa condition et de penser à la transformer en message. J’en reste pour le moment à mon propos initial et voudrais mettre en évidence la situation où l’expérience
1.Le Château intérieur, V, i, 5. Édition utilisée : Sainte Thérèse de Jésus,Œuvres complètes,tr. Grégoire de Saint-Joseph, Paris, Seuil, 1948. 9
se produit à une telle profondeur qu’elle pourrait exclure de soi la possibilité de ne pas lui accorder confiance et crédit. J’ai choisi celle de la vision et de l’audition du Christ. Le mystique est amené à délimiter les champs de l’hallucination, de la vision du Christ ou de celle de son Antagoniste qui le singe. Je suspends ici le regard extérieur posé sur la matière, celui du théologien, du savant en science des religions ou du médecin, et ceci en faveur de l’approche phénoménologique. Néanmoins, le jugement du confesseur (ou du maître spirituel) est à prendre en considération dans la mesure où il influe sur la compréhension que le sujet a de son expérience. De surcroît il a le souci et de l’âme de ce dernier et de l’impact sur la collectivité que son dire peut avoir. C’est qu’un auto-discernement est requis qui doit conduire à une discrimination et, éventuellement, à un acte de foi. Il ne suffit pas que le personnage qui se dit le Christ profère les paroles de la vie éternelle, il faut encore qu’il porte en lui-même cette vie éternelle. Et il y a évidemment deux façons de ne pas la porter : si l’apparition émane des vapeurs de l’esprit humain par une sorte de faiblesse de l’imagination (« elles se figurent, dit Thérèse, voir clairement tout ce qu’elles pensent. Si elles avaient eu une véritable vision, elles 1 comprendraient leur erreur sans l’ombre d’un doute » ) et si c’est le démon qui a emprunté les traits et la voix du Sauveur. Je mets de côté la situation où l’individu feint 2 et même celle où il se ment . Dans le premier cas, il est évident qu’il n’y a pas de vécu. Bien qu’avec moins de sûreté, on pourrait juger de même en ce qui concerne le
1.Le Château intérieur,VI, ix, 9. 2. Les deux cas ont évidemment été repérés par Thérèse (Vida, XXV, 8). 10
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