Le Pré aux coccinelles
217 pages
Français

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Le Pré aux coccinelles , livre ebook

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Description

Quand Erica découvre que son mari la trompe, c’est tout un monde, créé par 30 ans d’union conjugale et professionnelle, qui s’effondre. Comment continuer? Comment reconstruire sa vie? Comment se reconstruire? Et comment réagir face à Chris, le nouveau voisin qui souffle le chaud et le froid? C’est un nouveau monde qui s’ouvre devant elle, habité par des amis fidèles mais aussi par des adeptes de la pédophilie. Un monde de joies et de combats, qui invite à un engagement sans faille.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2013
Nombre de lectures 9
EAN13 9782826002826
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Extrait
Chapitre 1

Sur le grand terrain en friche, la construction de la maison allait de l’avant, malgré la pluie printanière. Le toit ayant heureusement été posé avant l’hiver, les finitions allaient bon train à l’intérieur. Electriciens, plombiers, peintres, divers monteurs et installateurs s’affairaient sous la régie du bureau d’architecture. Les fenêtres venaient d’être posées. C’était le dernier moment pour exprimer des souhaits, procéder à de petites modifications. Ensuite, cela n’allait plus être possible sans occasionner de grandes dépenses.
L’architecte se tenait sur la porte où le ferronnier d’art posait le lourd battant en fer forgé de la porte d’entrée principale, quand une grosse voiture blanche aborda avec une extrême prudence la piste de chantier qui, partant d’un chemin forestier, arrivait pour l’instant seulement au pied de la grue. Plus tard, les travaux terminés, se profilerait une allée qui suivrait en douceur la dénivellation d’un pré en pente planté d’arbres et aboutirait devant la porte de la maison. Pour l’instant, ce n’était que des amas de terre et de gravats, de la boue, parsemés de puissantes machines de chantier.
La berline patinait à la montée, soulevant des jets de boue qui éclaboussaient la carrosserie. L’architecte fit la moue. Le client allait arriver à nouveau de mauvaise humeur et ça ne l’arrangeait pas du tout. Il y avait comme toujours du retard, des imprévus à lui faire avaler. Celui-ci s’attendait à ce que la construction soit livrée «clés en mains» dans les délais. Chose impossible humainement… et pourtant, son chef au bureau d’architecture s’obstinait à le laisser croire au moment de la signature du contrat. Fichu boulot! Pris entre le marteau et l’enclume, l’architecte responsable de la direction des travaux recevait des coups des deux côtés. D’abord, il y avait le client qui, souvent, se faisait des illusions, devait recompter ses sous plusieurs fois, obtenir des crédits auprès d’une banque, spéculer, espérer. Et qu’il fallait interpréter, rassurer, conseiller, calmer et surveiller aussi parfois. Ensuite, les plans qui devaient plaire, convaincre, concilier les moyens avec les goûts et les lois en vigueur. Et pour finir, le pire: obtenir de la part des entreprises diverses des devis fiables et complets et surveiller attentivement le déroulement des travaux. Souvent, il avait l’impression de construire un puzzle, chaque pièce devant être placée au bon moment. L’électricien a besoin du plombier, celui-ci du maçon et du plâtrier. Les entreprises de construction s’arrachent les demandes d’offre, spéculent sur les extras pour se rattraper d’un devis trop bas, font jongler leurs meilleurs éléments entre plusieurs chantiers essayant sans grand succès de contenter tout le monde simultanément. Et la direction des travaux transpire sous le regard toujours plus méfiant et impatient du client. La meilleure partie, c’est lorsque les maçons sont encore seuls, ou presque, sur le chantier. Là, ça va vite et bien, quand l’ingénieur suit avec les plans d’armature. Ensuite, les discussions sans fin commencent…

La luxueuse voiture blanche (devenue grisâtre) parvient à rejoindre le haut de la colline et se gare à côté de son propre véhicule, un tout-terrain adapté au métier. Les portières s’ouvrent. L’architecte voit d’elle en premier lieu ses longues jambes fines couvertes d’un jean noir. Ses jambes sont bottées, heureusement, car il y a des flaques de boue à l’endroit où elle posera les pieds. Son imperméable gris à capuchon enveloppe sa silhouette tandis qu’elle se dirige vers lui.
Elle est encore belle, bien qu’elle n’ait plus 20 ans depuis longtemps. Elle porte bien ses 49 ans. Il le sait, car il a en main les documents qui l’indiquent: c’est elle, la propriétaire du terrain qu’elle a hérité au décès de son père. Erica Braun-Bindella est une rousse naturelle. Ses cheveux parsemés de fils gris sont relevés en un chignon élégant qui lui va bien car il fait ressortir ses yeux verts légèrement en amande, ses pommettes hautes. Son regard est parfois un peu distant. Dommage, car elle est très belle quand elle sourit… comme maintenant.
– Buongiorno, architetto!
– Buongiorno, signora Braun, dit-il en répondant à son sourire.
Il redevient sérieux en voyant s’approcher monsieur Braun. Ses chaussures de ville sont tachées de boue, il peste en se battant contre un parapluie qui refuse de s’ouvrir.

– Ne dites pas bonjour. Pourquoi faut-il qu’il pleuve chaque fois que je dois venir voir ce chantier? Le Tessin n’est-il pas le Sonnenstube, le salon ensoleillé de la Suisse? Pourquoi n’est-ce pas encore terminé? J’ai autre chose à faire que de venir perdre mon temps à cause de votre incapacité.
Braun regarde avec dégoût les murs encore sans peinture dans le vestibule.
– Pourquoi n’est-ce toujours pas peint? Nous devions emménager à Pâques, je vous rappelle notre accord.
L’architecte fait une grimace derrière le dos de son client et lui répond en dialecte suisse allemand qu’il se doit de maîtriser, la plus grande partie de la clientèle provenant de l’autre côté du Gothard.

– Les appareils sanitaires sont arrivés avec beaucoup de retard. Nous ne pouvions pas les installer, donc impossible de poser les prises électriques; le carrelage arrive en dernier, juste avant le peintre, c’est une chaîne…
– Vous touchez une grosse commission pour que cette chaîne ne s’interrompe pas et que tout soit terminé dans les délais. Je paie immédiatement les factures que vous m’envoyez, n’est-ce pas? Le reste, c’est votre problème. Compris?
– Oui, monsieur Braun, vous avez raison. Je vous montre l’avancement des travaux? Vous pouvez encore me dire où vous désirez les prises électriques…
– Voyons ça, puisqu’il le faut!

Martin Braun est un petit homme, nerveux, athlétique. C’est un gymnaste qui a même gagné des médailles par le passé dans des compétitions d’anneaux. La cinquantaine avancée, il est encore très actif, son commerce marche bien. Il est parti de rien. Après un apprentissage de vendeur dans un magasin de meubles, il s’est investi à tel point dans son métier que son employeur l’a pris comme associé. Un magasin avec vitrine au centre de la ville, deux, trois succursales; maintenant, c’est un homme riche qui peut se permettre une grosse berline allemande et se faire construire une magnifique maison de campagne au Tessin. Erica et lui se sont connus en Suisse alémanique, à Bâle, là où la fille du pépiniériste est venue faire un séjour linguistique, 30 ans auparavant. Ce fut le classique «coup de foudre». Elle n’est plus rentrée au Tessin où son père l’attendait pourtant, désireux de lui remettre son affaire. Elle s’est vite habituée à vendre des meubles plutôt que des plantes, contribuant sans aucun doute au succès commercial de son mari par ses manières courtoises, convaincantes, son bon goût, tandis que lui était plutôt brusque et impatient, avec un sens aigu des affaires. Une grossesse tardive, après 10 ans de mariage, avait réveillé leur envie d’enfant ensevelie sous les activités. Mais une fausse couche qui avait mal tourné avait étouffé dans l’œuf toutes leurs prévisions. Les médecins avaient été formels: Erica n’avait plus d’espoir d’être mère.

Les années avaient passé sans qu’on s’en aperçoive. Le père avait rejoint sa femme au cimetière du petit village entre Ascona et Ponte, presque sur le delta de la rivière. La pépinière avait fermé ses portes. Les plantes les plus petites avaient été bradées, les bâtiments démolis, à l’exception de l’immense serre froide où passaient l’hiver divers agrumes, palmiers, bougainvilliers que les clients laissaient en pension.
Martin et Erica Braun avaient décidé de construire une grande maison de campagne sur ce terrain, pour venir y habiter à l’âge de la retraite qui approchait à grand pas et, d’ici là, pour les vacances. L’architecte avait savamment construit la maison d’après la serre et non, comme d’habitude, en commençant par la maison pour ensuite ajouter une véranda. Le résultat était une villa très particulière en forme de L enserrant sur deux côtés la serre qui devenait une gigantesque véranda sur la hauteur de deux étages. La maison était un véritable labyrinthe, car les travaux n’étant pas encore terminés, plusieurs passages où étaient prévues des armoires murales étaient encore ouverts. Martin Braun ne manquait jamais de s’énerver, car il confondait continuellement les pièces, les entrées, les escaliers… L’architecte se trompait parfois lui aussi: une fois, il risqua de sauter d’un balcon du premier étage, se croyant au rez-de-chaussée.
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