Quais d'exil

Marie Theulot

Description

Perla: un nom qui évoque un beau collier, un bijou dont on prend grand soin, la grâce, une vie facile et heureuse. Mais, lorsque vous êtes une jeune Juive et que vous habitez Vienne en 1938, au moment de l’annexion de l’Autriche au Reich, le tableau s’assombrit subitement. Ostracisme. Insultes. Humiliations. Danger de mort. Une seule solution: fuir, et vite. Mais où? Comment?
Les opérations Kindertransport ont permis à de nombreux enfants d’échapper à l’enfer. Souvent, malheureusement, c’est définitivement qu’ils ont été séparés de leurs parents. Sera-ce le cas de Perla? Comment va-t-elle vivre cette page d’histoire, de son histoire?
A découvrir dans ce roman touchant de vérité et de tendresse, préfacé par Marek Halter.

Sujets

• Philosophie et théologie

Informations

• Publié par: Editions Ourania
• Date de parution: 01 octobre 2012
• Nombre de lectures: 33
• EAN13: 9782889135684
• Langue: Français

Extrait

Extrait


Kindertransport. Une émigration peu connue, quasiment inexistante dans les livres d’histoire… Une formidable opération humanitaire pour les uns, une goutte d’eau dans un océan de haine pour les autres. Un sursaut humaniste pour un dédouanement de conscience après le lamentable échec de la conférence d’Evian en juillet 1938, où les représentants de trente-deux pays, en refusant officiellement d’augmenter leur quota de réfugiés, ont signé l’abandon du peuple juif aux mains des nazis, avec pour conséquence 1 500 000 enfants assassinés pendant la Shoah. De décembre 1938 à septembre 1939, la Grande-Bretagne a accueilli 10 000 enfants de la Grande Allemagne.

Devant la froideur de ces chiffres, ce roman fictif écrit sur la base de témoignages véritables n’a qu’une seule prétention: raconter la tragédie d’un de ces enfants déracinés, séparés de l’amour de leurs parents pour survivre sur une terre d’exil. Je considère pour ma part comme une grâce de ne jamais avoir été confrontée à ce dilemme infernal: laisser partir un enfant chez des étrangers afin de le mettre à l’abri de violences qui pourraient lui être fatales ou le garder à mes côtés au milieu de la tourmente… Je n’arrive pas à répondre à cette question. Parmi ces enfants, quelques-uns, à l’exemple d’Inge Pollak ou de Lore Segal, petites filles réfugiées de Vienne et arrivées sur le sol britannique en 1939, ont eu besoin de raconter leur vécu, de confier leurs émotions. Ces écrits de la terre d’exil, journaux, lettres, etc., qu’ils aient été rédigés en situation ou a posteriori, sont autant de témoignages poignants où la force des mots est sidérante. Cet exutoire de l’écriture a joué également le rôle de rempart contre l’injustice des événements qu’ils ont subie. Force est de constater, pour le lecteur, que la maturité forgée dans la souffrance et la peur fait réfléchir et s’exprimer ces enfants de manière à peine croyable. «Il me semble que j’ai le droit, comme tous les autres enfants juifs, d’être fière d’avoir traversé autant d’épreuves à seulement douze ans. Je crois que nous avons tous mûri, que nous sommes devenus plus intelligents et plus sensibles. Plus tristes, aussi, malheureusement», écrira Inge Pollak, un soir de révolte et de tristesse.

Il est difficile de connaître avec précision la destinée de chacun de ces jeunes réfugiés durant la guerre. Il semble pourtant évident que leur sort, suivant les familles qui les ont accueillis, a dû être très inégal. Néanmoins, une chose est certaine: tous les jeunes qui ont bénéficié des opérations Kindertransport ont eu la vie sauve. Et pour illustrer ce constat, il me vient à l’esprit une image surgie de nulle part: l’histoire d’un petit garçon qui se promène au bord de la mer après une tempête ravageuse. Des milliers d’algues sont échouées tout le long du rivage. Consciencieusement, il les rejette à la mer l’une après l’autre sous le regard sarcastique d’un bien-pensant:

«Tu perds ton temps! Il y en a beaucoup trop. Tu n’y arriveras jamais!»

«Si, répond le petit garçon, ça vaut le coup pour celles que je rejette à la mer.»

C’est ça, le Kindertransport, avec les limites que l’on a le droit de critiquer ou de déplorer. Personnellement, cette parabole des temps modernes me questionne sévèrement: «Est-ce que dans des temps difficiles je ferais preuve de la même détermination que ce petit garçon, comme l’ont fait certains Français et Françaises pendant les années noires?» Quel soulagement de pouvoir banaliser le bien en constatant les actes de solidarité de ces gens ordinaires qui, par leur courage ou par leur silence, ont préservé sur notre sol la vie de plus de 60 000 enfants juifs! Ce qui n’a pas empêché que 11 000 autres soient arrêtés et déportés. Certains Français ont été distingués pour leurs actes de bravoure en recevant le titre de Justes parmi les Nations; d’autres, qui ont pris les mêmes risques, demeureront des héros anonymes. Tous sont l’honneur de la France et de l’humanité et sont la preuve vivante qu’il n’y a pas de fatalité face aux dérives du poison qu’est le racisme sous toutes ses formes de discrimination. Il paraît que l’histoire bégaye mais ne se répète pas… J’aimerais en être persuadée, au regard d’un relent nauséabond des années 1930 qui nous avertit que le combat pour la dignité humaine n’est jamais gagné d’avance. «L’Histoire est constituée d’une longue chaîne de responsabilités, individuelles et collectives, et […] c’est à chacun de nous de la faire avancer», a souligné Simone Veil dans la préface de mon précédent roman Le plongeon interdit.

A chacun d’être vigilan.