La lecture à portée de main
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Publié par | L'Harmattan |
Date de parution | 01 juin 2009 |
Nombre de lectures | 167 |
EAN13 | 9782296232952 |
Langue | Français |
Poids de l'ouvrage | 4 Mo |
Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
PREMIÈRE PARTIE
INTRODUCTION
1.1 Discussionpréliminaire
L’un des traitslesplusfrappantsde l’écrivain Platon est son
choixd’oblitérer sa propre présence dans sesécrits, de faire parler
sespersonnagesens’effaçantderrière eux. Ce choixnetientpas,
dans sa motivation intime, à quelque convention littéraire ayantcours
chezlesGrecsetfaitfi de l’usage duje, courantdansla littérature
1
grecque à partird’Hésiode .À l’exception desLettres, dont
l’authenticité a donné lieuà devifsdébats, Platon ne parle jamaispar
sa proprevoix, etquand il mentionne cependant son nom –très
2
rarementd’ailleurs–, il le faitenseservantdesespersonnages.
Parmi cespersonnages, Socrate occupeune placetrèsprivilégiée.
On nesaitpasquand etdansquellescirconstancesprécisesPlaton l’a
rencontré;lesdeuxpetiteshistoirescharmantes racontées surce
sujetparDiogène Laërce (III.5) n’ontpas, fortprobablement,
beaucoup derapportavec laréalité historique etconstituentplutôtles
piècesd’un «récitmythique d’origine »qui exprime l’hommage
renduparla postérité à cetterencontre qu’elle appréciaitcomme
cruciale. Platon lui-même a dûla considérercomme décisive pour sa
vie;qu’onrappelle à cetégardsa caractérisation de Socrate mise
dansla bouche dujeune Phédon : « l’homme dontnouspouvonsdire
qu’entretousceuxdesontempsqu’il nousfutdonné de connaître il
futle meilleur, eten outre le plus sage etle plusjust(e »Phédon,
3
118a13-15);oucelle exprimée directementdans une œuvre de
vieillesschee :« monr vieil ami Socrate, que je ne crainspasde
e
proclamerl’homme le plusjuste desontemps» (VII
Lettre,324d9
1
P.Friedländer,Plato.I : An Introduction,trad. H. Meyerhoff, London, Routledge
& Kegan Paul, 1958, p. 126.
2
Le nom de Platon estmentionné dansl’Apologie,34a1 et 38b5;àremarquerque
lesdeuxpassagesinsistentpour signalerentoute clarté la présence de Platon dansle
tribunal aujourduprocès:++EST(UQ3 +(1+0s >(=14*… « dontPlaton quevoilà est
le frère [d’Adimante] »,>(=14* SZTST…, « maisPlaton quevoici… ».Laréférence
fugitive à Platon danslePhédon, 59b10,sertà expliquerpourquoi ils’étaitabsenté du
dernierentretien de Socrate avecsesdisciples.
re
3
Latraduction estde L. Robin,Platon,Œuvres complètes, IV, 1partie, Paris, Les
BellesLettres, 1930.
10
LA PIÉTÉ CHEZ PLATON
4
e2Mai) .sau-delà de cesappréciations,son hommagerenduà
Socrate consiste entoutpremierlieudansla décision de le faire
revivre dans son œuvre, quitémoigne de manièresingulière de
l’influence qu’il asubie deson maître etdesareconnaissance envers
lui. Constituantcomme la contrepartie de l’absence dujede l’auteur,
la figure de Socrate estaucœurdes textesplatoniciens. Il estprésent
dans touslesDialogues, à l’exception desLoisetde l’Epinomis
(l’authenticité de ce dernier texte étantdiscutable), etil estle
personnage principal dansla plupartd’entre eux.
Un bon motditque la date la plus sûre de la biographie de
Socrate estcelle desa mort. En fait, il estplusexactde dire que le
Socrate historique est, à plusieurségards, etnonseulement sous
l’aspectdesa biographie, objetde conjectures. Celui qui, à la
différence desesprédécesseurs, netraitaitpasdans ses recherchesde
l’ensemble de la nature, mais recherchaitl’universel dansle domaine
de1> ?.%'=(Aristote,Métaphysique, I.6.987b1-4), qupi «rimus
philosophiam devocavit» (Cicée cæloron,Tusculanae, V.4) et
auquel l’exégèse modernes’accorde à attribuer, ensuivantla pensée
desAnciens,unrôle fondamental et une démarche profondément
novatrice dansl’histoire de la philosophie,reste encore, après
vingtcinqsiècles,une figure controverséesousl’aspectdesavie, desa
personnalité, desa pensée. Celas’explique en bonne partie parle fait
qu’il n’arien écrit, maisaussi pard’autresaspectsdontil convientde
traiterici en bref.
Socrate n’aimaitpoint sortird’Athènes, oùil avécu 70annéeset
oùil a dûêtreun personnage bien connu,si l’on faitconfiance aux
écritsdesesdisciplesqui le décriventcommeun philosophe de la
rue, prêtàs’entreteniravec qui ilrencontrera. Pourtant, à l’exception
duportrait,sivif, mais si controversé, dupersonnage misenscène
parAristophane danslesNuées, les référencesécritesà Socrate
antérieuresàsa mort, appartenant toujoursà Aristophane ouà
d’autrespoètescomiques,sontpeunombreusesetpeuinstructives.
Ellesne peuventaucunement rendre compte,seules, de lastature du
personnage dontl’image fut reçue parla postérité.
Enrevanche, la condamnation duphilosophe a donné lieuàune
polémique passionnée entresesdéfenseurset sesdétracteurs, dontle
re
4
Latraduction estde J. Souilhé,Platon,Œuvres complètes, XIII, 1partie, Paris,
LesBellesLettres, 1931.
INTRODUCTION
11
résultatle plus remarquable futl’apparition d’unevéritable littérature
apologétique, connue en premierlieuparlesécritsde Platon et
5
Xénophon .Ultérieuresetextérieuresà ce débatpolémique, les
référencesà Socrate dansplusieurs textesaristotéliciens s’ajoutent
aux témoignagesdesdeuxdisciplesmentionnésci-dessuspour
compléterletableaudes sources socratiquesessentiellesdu
e
IVsiècle; si l’on compte aussi Aristophane, on peutparleren
somme de quatresourcesde première main concernantSocrate.
Il convientpourtantdesignalerque letémoignage le plusample
d’AristophanesurSocrate (lesNuées) estprofondémentdépendant
desconventionsdugenre comique et reflète en outreson attitudetrès
critique enversl’impactdescertainsphénomènesintellectuelsdansla
société deson époque;or, l’expression de cette attitude estbien
discutable, aussi longtempsqu’ellese donne pourcible Socrate pour
des raisonsqui n’ontpasbeaucoup affaire avec laréalité historique.
Quantauxécritsde Platon etXénophon, leurportée apologétique
explicite et trèsappuyée est, en elle-même, de nature àsusciterdes
doutesau sujetde leurhistoricité. À partcela, les témoignagesdes
deuxdisciplesdifférent sousdiversaspectsconcrets, et, au-delà de
leurcaractère apologétique, dansleuresprit ;celas’explique parla
perception différente de Socrate qu’ontlesdeuxauteurs(en fonction
desinformationsdontilsdisposentet surtoutde leurmanière
d’assumer son message) etparlesintentionsqui lesguidaientdans
leuressai de défendre la mémoire de leurmaître. Mentionnonsaussi
qu’Aristote, né en384 etarrivé à Athènesen367, n’a pasconnu
directementSocrate, etquesesinformations, qui n’ontpasde portée
apologétique,sontenrevanche entièrementdépendantesd’autres
témoignages ;d’autre part, ellesdoivent toujoursêtre considérées
dansla perspective desintentionsde l’auteur.
Notonsenfin que lesallusions, lesmentionsfugitivesetmême
e
lesécritsplusamplesau sujetde Socrate datantduIVsiècle (Platon,
Xénophon etAristote exceptés) etdes siècles suivantsne peuventpas
aideràreconstituer une image de Socratesensiblementdifférente de
celle qu’on peut se faire à partirdesquatresourcesquiviennent
d’être brièvementdiscutées. Ces référencescontribuentà enrichirla
légendesocratique età perpétuerla figure d’un personnage auquel la
postérité n’a jamaiscessé des’intéresser.
5
Etdans son ensemble, malheureusement,trèsmal connue.
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LA PIÉTÉ CHEZ PLATON
Enrevenantau témoignage platoniciensurSocrate, il faut
soulignerl’imbricationsingulière desdeuxaspectsenraison desquels
l’essai de distinguerentre la penséesocratique etla pensée
platonicienne danslesDialoguesestparticulièrementdifficile : le fait
que Socrate n’arien écrit, qui nousmetdansl’impossibilité de
confronterles témoignagesqui le concernentautrementqu’entre eux,
etle faitque dans une œuvretrès vaste etextrêmement riche de
contenu, Platonrefusesystématiquementde parlerenson propre
nom, faisantde Socrate, dansla plupartdescas, le personn