Lumières orientales et Orient des Lumières
187 pages
Français

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Lumières orientales et Orient des Lumières , livre ebook

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Description

Les 17e et 18e siècle européens avaient été relativement accueillants à la philosophie et à la littérature orientales, à la science arabe, à l'Islam et au christianisme oriental. Au contraire, le 19e siècle européen, entre conquêtes et colonisations, a ouvert une ère d'incompréhension et de mépris dont nous portons encore aujourd'hui les stigmates. En s'inscrivant en faux contre ce fracas d'intolérance, il convient de redonner la parole aux penseurs des Lumières orientales de la Renaissance arabe ou Nahda du 19e siècle sans oublier leurs précurseurs du haut Moyen-Age.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2010
Nombre de lectures 235
EAN13 9782296447509
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Lumières orientales et
Orient des Lumières
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-13171-2
EAN : 9782296131712

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Sous la direction de
Nicole Hatem et Annie Ibrahim


Lumières orientales et
Orient des Lumières


Eléments pour un dialogue


L’Harmattan
Présentation
La virulence de nombreux débats autour de « l’orientalisme » européen ne surprend guère dès lors que l’on prête attention aux trois significations que recouvre cette notion :
Le sens le plus commun est celui d’une discipline de recherche appliquée soit au domaine général de l’Orient soit aux domaines particuliers de la philologie, de l’ethnologie, de l’histoire…
L’Orient mythique appartient à un orientalisme de l’imaginaire, convaincu d’une différence ontologique radicale entre deux humanités et deux parties du monde, qui fut et qui reste le vivier de magnifiques productions artistiques de tous ordres.
L’orientalisme désigne enfin une autorité politique déployée en institutions diverses par lesquelles l’Occident – et en particulier l’Angleterre et la France qui vont nous occuper ici – a exercé sa domination matérielle et idéologique.
Quelle que soit la signification privilégiée, l’orientalisme est loin de sa seule existence formelle, née semble-t-il d’une suggestion missionnaire de Raymond Lulle de créer une série de chaires de langues « arabe, grecque, hébraïque et syriaque à Paris, Oxford, Bologne, Avignon et Salamanque » {1} . En effet, son existence concrète mêle une multitude de contenus aussi hétéroclites que l’immense corpus de textes savants et le commerce des épices !
Les enjeux philosophiques liés à cette polysémie ne peuvent prendre sens que dans un effort de contextualisation. Les évènements historiques qui ont produit un effet philosophique sur la problématique envisagée ici sont bien connus {2} . Après une longue série d’échanges commerciaux, de conflits et de guerres, la conquête de l’Égypte en 1798 marque une rupture irréversible. Alors que la deuxième moitié du dix-septième siècle et le dix-huitième siècle européens avaient été relativement accueillants à la philosophie et la littérature orientales, à la science arabe, à l’islam et au christianisme oriental, le dix-neuvième siècle, entre conquêtes et colonisations, a ouvert une ère européocentriste d’incompréhension et de mépris dont nous portons encore aujourd’hui les stigmates.
Pourtant, la conscience de soi de l’Europe a toujours su, plus ou moins confusément, se rapporter comme à ses sources aux rivages méditerranéens auxquels nous limitons ici l’aire géographique de « l’Orient » : des côtes barbaresques d’Afrique du Nord à la Sublime Porte, en passant par les Échelles du Levant, quel voyageur-philosophe n’a pas tenté de chercher ses origines ? De ce fait, si les Lumières orientales désignent au sens strict la pensée de la Renaissance arabe – ou Nahda – du dix-neuvième siècle, la philosophie et la science arabo-musulmanes du haut Moyen-Âge témoignent de La lumière orientale transmise en latin à l’Europe savante. L’averroïsme, par exemple, n’est-il pas une source essentielle des interrogations philosophiques et théologiques sur les relations entre foi et raison ?
Il n’y a certes pas en Orient un occidentalisme des Lumières qui serait après tout la juste réplique de l’orientalisme des Lumières en Occident ! Entre autres études, celle d’Edward W. Said sur L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident {3} et celle d’Albert Hourani sur La pensée arabe et l’Occident {4} , ont mis l’accent sur la ténacité du « dogme » idéologique orientaliste et s’inscrivent en faux contre le stéréotype du « choc des civilisations ». C’est dire la difficulté persistante de rendre compte d’un certain effort de compréhension, voire d’approche scientifique, mis en œuvre, non sans ambivalences et contradictions, par le dix-huitième siècle des Lumières. C’est dire davantage encore la difficulté de penser l’autonomie de la Renaissance arabe du dix-neuvième siècle.
Invitation à la vigilance, notre problématique philosophique peut s’ordonner selon deux axes :
1. Comment penser le modèle de l’échange entre Lumières orientales et occidentales ? Quelle réciprocité entre la fameuse Bibliothèque orientale de d’Herbelot parue en 1697 et la non moins célèbre relation d’un voyage en France par le dignitaire ottoman Mehmet Efendi, abondamment commenté par le Paris de la Régence, Le Paradis des infidèles {5} ? N’est-ce pas se fourvoyer que chercher la conciliation, l’harmonie, l’image en miroir ? Ne faut-il pas préférer l’hypothèse d’une connexion qui n’exclue pas la fécondité d’un dialogue antagonique ?
2. Comment ne pas réduire les Lumières orientales de la Renaissance arabe à une transposition de la libre pensée européenne du dix-huitième siècle et des idéaux de la Révolution Française ? Le concept d’une histoire de la transmission devrait accréditer la mise en présence d’une même rationalité que risque de démentir l’étude comparée des textes et contextes.
La pluralité de la philosophie européenne des Lumières n’est plus à démontrer : des Lumières modérées, pessimistes ou sceptiques, aux Lumières radicales, du déisme au matérialisme, se déploie un éventail de dispositifs théoriques multiples, parfois contradictoires, fussent-ils tous ralliés à la commune bannière de l’éclairement. Pour ce qui nous occupe ici, cette pluralité se traduit par les ambiguïtés, les incohérences, les revirements théoriques des interprétations et jugements sur la civilisation et la culture de l’Orient, des Arabes, des « Turcs », de l’Islam. Montesquieu est sans doute le paradigme de cette pluralité des sens de l’éclairement à l’intérieur d’une seule et même œuvre dans sa relation à cet étranger familier qui a tant compté pour le développement de sa philosophie {6} . Les discours sur le monde oriental et sur l’Islam sont partagés entre ceux qui s’efforcent de connaître et de comprendre et le manifestent par des écrits plutôt bienveillants et ceux qui multiplient les stéréotypes insultants. Il convient donc de relire les articles du Dictionnaire de Bayle et de l ’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert ainsi que les multiples parutions soupçonnées de « mahométanisme », mais aussi Volney et bien d’autres pour y étudier de nouveau et de près les modes d’argumentation, les références, les éléments qui font preuve, et les desseins avoués ou cachés des uns et des autres {7} . Par exemple, on peut sans doute accorder à John Toland la curiosité et la séduction qu’exerce sur lui l’image de l’Orient, voire celle du prophète de l’Islam, comme c’est le cas pour de nombreuses Lumières européennes, mais il est impossible de réduire son Nazarenus {8} à cette seule sympathie et à sa réputation de tolérance ! Dans ce cas précis en effet, l’Islam est une arme de choix pour discréditer un certain christianisme et défendre l’unitarisme des Sociniens. Partout se mêlent et s’imbriquent intérêts personnels, commerciaux, politiques, religieux, …mais la philosophie s’y construit.
La pluralité de la philosophie des Lumières orientales n’est pas moindre, au temps de la Renaissance arabe : divergences quant à la détermination du statut spéculatif de la raison qui y œuvre et de la liberté qui l’éclaire ; divergences quant à s’accorder sur le possible héritage de ces mêmes principes déjà conceptualisés par l’Europe des Lumières ; divergences quant à l’interprétation des enjeux de ses problématiques fondamentales. En annexe à son édition bilingue du Discours décisif d’Averroès {9} , Alain de Libera met en évidence les polémiques suscitées par le grand intérêt renouvelé au philosophe de Cordoue et par la résonance, dans le contexte de la Nahda , des débats anciens sur le rapport entre philosophie et religion, Raiso

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