A l aube du droit pénal utilitaire
197 pages
Français

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A l'aube du droit pénal utilitaire , livre ebook

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Description

Le droit pénal connaît aujourd'hui une crise majeure qui met en jeu notre propre conception de la société et surtout de l'homme. Sous l'influence de la doctrine utilitaire, le droit pénal réduit le délinquant à n'être qu'un consommateur des crimes, incapable de moralité et irresponsable, qui doit être invité à ne plus récidiver, car inciter coûte moins cher que punir. A l'aube du droit pénal utilitaire, les statistiques supplantent l'idée même de justice au profit d'une véritable économie politique du pouvoir de punir.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2011
Nombre de lectures 100
EAN13 9782296801837
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

A L’AUBE DU DROIT PENAL
UTILITAIRE
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-54250-1
EAN : 9782296542501

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Eric GILARDEAU


A L’AUBE DU DROIT PENAL
UTILITAIRE


L’Harmattan
DU MEME AUTEUR


L’ordre public dans la jurisprudence civile d’après les arrêtistes, ANRT, 2004


Au crépuscule de la justice pénale,
Questions Contemporaines, L’Harmattan, 2011
Introduction
Le droit pénal connaît aujourd’hui une crise majeure et sans précédent. Une crise qui met en jeu au-delà de la justice pénale, notre propre conception de la société et surtout de l’homme. Cette crise n’est pas née subitement. Elle est directement liée à l’introduction progressive dans le droit pénal des principes mêmes de la doctrine utilitaire. Les épigones de Bentham aux XX e et XXI e siècles sont parvenus, en effet, à soumettre l’ensemble de la législation pénale à la logique du calcul utilitaire. D’essence économique, le calcul utilitaire fait de l’ homo criminalis un homo oeconomicus dont on peut manipuler l’intention délictuelle. Le calcul utilitaire contribue ainsi à brouiller le sens et la portée du droit pénal par un recours systématique aux concepts économiques de coût, d’avantage, de valeur et d’intérêts destinés à remplacer les principes de responsabilité et d’imputabilité morales héritées du Siècle des Lumières. Partant, le calcul utilitaire est à l’origine d’une crise sans rémission qui se présente sous deux aspects principaux.
Tout d’abord, une crise d’identité que traverse le droit pénal contemporain. Les praticiens, qu’ils soient magistrats, avocats, chroniqueurs judiciaires et associations d’aide aux détenus ou aux victimes ne s’entendent plus sur la nature et la fonction de ce droit. Pour certains, le droit pénal doit seulement "prévenir", "protéger" ou "amender" ; pour d’autres "neutraliser" et "rétribuer" ; pour d’autres encore, "éduquer", "réinsérer" ou "apaiser le corps social", quand ce n’est pas "venger" ou "indemniser" la victime. Ces professionnels du droit ou spécialistes ont d’autant moins de chance de s’entendre qu’ils ne sont pas toujours d’accord avec eux-mêmes. Sans que l’on s’en aperçoive, les finalités, qu’une même personne attribue au droit pénal, varient fréquemment au gré des circonstances, des crimes et des criminels. Les utilitaristes ont introduit, en effet, dans le droit pénal l’idée délétère que la peine devait servir à autre chose que sanctionner. Perdus entre des buts différents et contradictoires, les hommes du droit, comme les justiciables, ne distinguent plus le sens des finalités de la loi pénale.
Crise juridique ensuite qu’explique également cette intrusion du calcul utilitaire dans notre système pénal. L’utilitarisme apporte une limite aux critères traditionnels de justice pour soumettre le droit pénal aux prescriptions des valeurs et des concepts économiques. Le juge, voire le législateur, sera chargé dans chaque cas d’effectuer ce calcul, c’est-à-dire une application concrète de l’utilité par une pesée mathématique entre les intérêts en présence : intérêt particulier et intérêt général. Le magistrat prendra en considération, comme le ferait tout agent économique, la diversité des valeurs en concurrence pour déterminer le niveau le plus efficace donc le plus rentable de la sanction au profit de l’intérêt général. Le droit est désormais appelé à devenir une économie politique du pouvoir de punir.
Les modèles d’attitude et de comportement "utilitaristes" ont été, en effet, étendus au droit pénal. Préparés de loin en loin, ceux-ci déterminent la représentation utilitaire du délinquant qui prévaut aujourd’hui dans notre notre droit criminel. " Ce sont nos sociétés d’Occident qui ont, très récemment, fait de l’homme un « animal économique », écrivait Marcel Mauss en 1922, (…) L’homo oeconomicus n’est pas derrière nous, il est devant nous ; comme l’homme de la morale et du devoir ; comme l’homme de la science et de la raison. L’homme a été très longtemps autre chose ; et il n’y a pas bien longtemps qu’il est une machine, compliquée d’une machine à calculer " {1} .
Ce regard prophétique que Marcel Mauss posait dans la première moitié du XX e siècle sur la conception à venir de l’homme est aujourd’hui une réalité banale de notre société de consommation. Mais ce que l’on sait moins, c’est que l’ homo oeconomicus est également devenu une réalité du droit pénal contemporain. L’ homo criminalis, le délinquant, apparaît, en effet, comme la forme la plus achevée de l’ homo oeconomicus moderne. Mû, selon les utilitaristes, par le souci de la rentabilité de ses délits, excellent calculateur des profits et des pertes, l’ homo criminalis serait un véritable consommateur des crimes.
Mais, contrairement à ce que pourrait laisser supposer l’épithète d’ homo oeconomicus, l’homo criminalis n’est en aucune façon le maître de ses actes, il n’est tout au plus qu’un enjeu des stratégies de la politique criminelle. Présenté, comme un être au comportement stéréotypé et conditionné par des appétits purement matériels, l’ homo criminalis est soumis par les utilitaristes à des analyses qui s’apparentent beaucoup plus aux études financières et économiques que criminelles. La doctrine utilitaire finit par dissoudre ainsi progressivement le profil du délinquant dans la masse abstraite de la loi des grands nombres pour devenir une simple donnée des statistiques.
L’esprit du criminel se confondrait, dès lors, avec une obsession, celle de l’optimisation de son bonheur matériel. " Le mot « bonheur », corrige aussitôt Jeremy Bentham, ne fera pas aussi bien l’affaire que le mot bien-être. Non seulement il semble exclure totalement du décompte la douleur sous toutes ses formes, mais il semble exclure que les plaisirs qui ont été éprouvés, quels qu’ils soient, l’ont été à un degré très haut et en quelque sorte suprême " {2} . Cette précision du maître à penser de la doctrine utilitaire est importante. Bentham est, en effet, à l’origine de l’avènement du modèle de l ’homo oeconomicus dans la législation pénale. Pour le jurisconsulte anglais, la douleur et le plaisir sont donc les maîtres incontestés des décisions de l’homo criminalis.
Mais qu’est-ce que le bien-être de l’ homo criminalis ? La réponse de Bentham est simple. " Pour ce qui est du bien-être, il faut prendre en compte la qualité aussi bien que la quantité. La quantité dépend de la sensibilité générale, la sensibilité au plaisir et à la douleur en général ; la qualité dépend de la sensibilité particulière : c’est-à-dire du fait qu’un homme soit plus sensible au plaisir ou à la douleur provenant de telle ou telle source, que de ceux qui proviennent de telle ou telle autre " {3} . Mais, le bien-être ne sert pas seulement à mesurer les plaisirs et les douleurs, il est aussi le motif et le but de toutes nos actions et plus particulièrement ceux du délinquant. " Le bien-être, précise Bentham, est directement ou indirectement sous une forme ou sous une autre le sujet de toute pensée et l’objet de toute action de la part de tout être connu, sensitif ou pensant, il en est constamment ainsi et l’on ne peut donner de motif raisonnable pour qu’il en soit autrement " {4} .
L’homme étant un être entièrement soumis aux sensations sur le mode binaire des plaisirs et des peines, l’objectif d’un gouvernement digne de ce nom consistera à utiliser le calcul subjectif que le délinquant sera appelé à faire pour réaliser son bien-être. Le législateur pourra ainsi manipuler les esprits, s’il sait appliquer à bon escient l’arithmétique des plaisirs et des peines. " L’utilitarisme vise seulement à rendre nettement positif le bilan qui résulte du décompte des plaisirs et des douleurs &quo

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