1 CHAPITRE L es sources normatives des finances publiques
À la manière de la pyramide de Kelsen, les normes applicables à la matière budgétaire s’apprécient en fonction de leur valeur juridique qu’elles soient constitutionnelle, orga nique, législative ou encore réglementaire. Pour l’essentiel, ces normes permettent d’identifier les voies et actions des finances publiques : –au travers du positionnement de ce principe essentiel qu’est le consentement à l’impôt ; –par la détermination et la répartition institutionnelle des pouvoirs financier et budgétaire ; –par l’appréciation des dispositifs normatifs et leur influence sur la matière budgétaire.
1 LES FONDEMENTS CONSTITUTIONNELS DES FINANCES PUBLIQUES
Chaque sphère financière publique trouve un fondement juridique dans la Constitution du 4 octobre 1958 et, par renvoi, dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) du 26 août 1789.
A La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen
La DDHC inspire, au travers de trois articles, la matière budgétaire. Ces dispositions font toujours partie de notre droit positif en dépit de leur ancienneté. La déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 fait, en effet, partie du bloc de consti tutionnalité. Très explicite, la Constitution du 4 octobre 1958 précise en son préambule que : «le peuple français proclame solennellement son attachement aux droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946».
Article 13–Nécessité«Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, et répartition; elle doit être égalementune contribution commune est indispensable équitable de l’impôtrépartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés». — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — —
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— — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — — Article 14–Principe du«Tous les citoyens ont le droit de constater, par euxmêmes ou par leurs consentement àreprésentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir l’impôtlibrement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée». Article 15«La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration».
Se référant à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen pour exercer son contrôle de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a consacré la valeur constitu 1 tionnelle de ce texte . Cette décision conduit à intégrer la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dans le bloc de constitutionnalité.
B La Constitution du 4 octobre 1958
À ces trois articles, il convient d’ajouter les dispositions spécifiques contenues dans la Constitution de 1958 qui intéressent la matière financière.
1) Les compétences du Parlement Sonarticle 34réaffirme la compétence du Parlement pour adopter les lois de finances, les lois de financement de la Sécurité sociale ainsi que les lois de programmation pluriannuelle des finances publiques. Il rappelle également le principedu consente ment à l’impôten évoquant la compétence du Parlement pour fixer l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature. Sonarticle 39exprime le principe de priorité de l’Assemblée nationale dans le vote des dispositions législatives y compris financières : «les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale sont soumisen premier lieuà l’Assemblée nationale». Cette priorité trouve son origine dans le principe du consentement à l’impôt tel que doit l’exprimer la représentation nationale–dont la chambre basse est la première manifestation.
2) Les modalités de vote des lois financières L’article 40de la Constitution limite lepouvoir d’initiative et d’amendementdu Parlement en matière de diminution des ressources ou d’aggravation d’:une charge «les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique». Enfin,l’article 47enserre le Parlement dans de strictes limites de temps pour l’adoption deslois de financespuisqu’il ne dispose que d’un délai global de 70 jours pour adopter ou rejeter le projet de loi de finances, délai audelà duquel ce projet sera mis en vigueur par ordonnance (ce qui ne s’est jamais produit depuis 1958) : «Le Parlement vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique. —— 1. Cons. const., 27 décembre 1973, Taxation d’office, 51 DC.
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Si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée en première lecture dans le délai de quarante jours après le dépôt d’un projet, le gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours. Il est ensuite procédé dans les conditions prévues à l’article 45. Si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de soixantedix jours, les disposi tions du projet peuvent être mises en vigueur par ordonnance. Si la loi de finances fixant les ressources et les charges d’un exercice n’a pas été déposée en temps utile pour être promulguée avant le début de cet exercice, le gouvernement demande d’urgence au Parlement l’autorisation de percevoir les impôts et ouvre par décret les crédits se rapportant aux services votés. Les délais prévus au présent article sont suspendus lorsque le Parlement n’est pas en session.» Il en va de même avecl’article 471relatif à l’adoptiondes lois de financement de la sécurité socialelequel prévoit que : «Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité sociale dans les conditions prévues par une loi organique. Si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d’un projet, le gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours. Il est ensuite procédé dans les conditions prévues à l’article 45. Si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de cinquante jours, les dispositions du projet peuvent être mises enœuvre par ordonnance. Les délais prévus au présent article sont suspendus lorsque le Parlement n’est pas en session et, pour chaque assem blée, au cours des semaines où elle a décidé de ne pas tenir séance, conformément au deuxième alinéa de l’article 28.»
3) Le rôle dévolu à la Cour des comptes Ces dispositions peuvent se compléter du nouvelarticle 472introduit à l’occasion de la révision constitutionnelle de juillet 2008 : «La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l’action du gouverne ment. Elle assiste le Parlement et le gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l’évaluation des politiques publiques. Par ses rapports publics, elle contribue à l’information des citoyens. Les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière.»
4) L’autonomie financière des collectivités territoriales Peuvent également être citésl’article 72de la Constitution–en ce qu’il pose le prin cipe de libre administration des collectivités locales–et son corollairel’article 722 (issu de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003) : «Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi. Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures.
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La loi peut les autoriser à en fixer l’assiette et le taux dans les limites qu’elle détermine. Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales repré sentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise enœuvre. Tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exer cice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’aug menter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déter minées par la loi. La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collec tivités territoriales.» Les aspects essentiels des finances localessont ainsi retracés par cet article 722 C : –l’autonomie financière des collectivités locales–notamment au travers de la notion de ressources propres et de leur part déterminante dans l’ensemble des ressources dont les collectivités bénéficient ; –la libre disposition, par ces collectivités, de leurs ressources ; –la compétence fiscale dévolue aux collectivités locales–compétence exercée dans un cadre législatif précisé ; –l’obligation pour l’État, d’accompagner tout transfert de compétences, des ressources qui leur étaient, jusqu’alors, consacrées ; –le recours à la péréquation afin d’assurer l’égalité entre les collectivités locales. La libre administration des collectivités locales suppose, en effet, qu’elles disposent d’une autonomie financière, dont la Constitution a érigé les contours, qui implique une liberté fiscale–mais liberté surveillée ainsi que le prévoit l’article 34 de la Constitution. Il revient, en effet, au seul législateur, de fixer les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures. Cette compétence législative s’entend, bien évidemment, également des impôts locaux. Enfin doit être citél’article 53de la Constitution qui prévoit qu’une loi est nécessaire pour ratifier les traités engageant les finances de l’État : «Les traités (...) qui engagent les finances de l’État (...) ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi».
2 LES DISPOSITIONS ORGANIQUES
Les lois organiques ont vocation à préciser le contenu de la Constitution. En raison de leur importance, ces lois sont adoptées selon une procédure particulière (art. 46) et soumises obligatoirement au contrôle de constitutionnalité exercé par le Conseil constitutionnel. En matière financière, trois lois organiques viennent préciser le contenu de la Constitution.
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er A La loi organique relative aux lois de finances du 1 août 2001
er La Loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1 août 2001 apporte les préci sions nécessaires en vue de l’adoption des lois de finances par le Parlement. Y est égale ment précisé le rôle de ce dernier dans le contrôle de l’exécution de ces lois. C’est d’ail leurs à cet effet que l’article 47 de la Constitution renvoie, en son premier alinéa, à une loi organique la détermination des conditions de vote des projets de loi de finances : «Le Parlement vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique». Cette Lolf remplace un précédent texte organique en date du 2 janvier 1959, adopté en e période d’installation des institutions de la V République. Un texte qui a rencontré de nombreuses limites : dispositions inconstitutionnelles, inapplicables ou incertaines dans leur interprétation. Autant d’éléments qui seront évoqués dans la suite de ces dévelop pements et qui permettent de comprendre pourquoi il était devenu nécessaire de modi fier ce texte de 1959. Avec les dispositions de la Lolf, deux perspectives doivent être appréhendées. L’objectif a été, en effet, clairement ciblé par les parlementaires, auteurs de la Lolf (proposition de loi organique) derénover le pouvoir financier du Parlementet d’améliorer la gestion publique.
B La loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale du 2 août 2005
Les finances sociales sont également précisées au moyen d’un texte organique : initiale ment, une loi du 22 juillet 1996 précisant les modalités d’adoption des lois de finance ment de la sécurité sociale, ellesmêmes créés à l’occasion de la révision constitution nelle de février 1996. Ce nouveau champ de compétences alors dévolu au Parlement constituait une réponse à la crise financière que rencontrait alors la sécurité sociale. Ainsi que l’exprimait Alain Juppé devant le Parlement réuni en congrès : «Permettre au Parlement de se prononcer chaque année sur le financement de la sécurité sociale est à la fois une nécessité démocratique et la condition de l’instauration d’un équilibre durable de notre système de protection sociale (...) Pour construire ce nouvel équilibre, il est essentiel que le Parlement puisse voter chaque année une loi de financement de la sécurité sociale». Cette loi organique de 1996 a été remplacée par un texte du 2 août 2005 qui s’inscrit dans la logique initiée par la Lolf et tend à introduire une logique de performance au sein des finances sociales.
C La loi organique relative à l’autonomie financière des collectivités locales du 29 juillet 2004
La Constitution, en son article 722, a posé les bases d’une autonomie financière des collectivités locales–renvoyant à une loi organique le soin d’en préciser les modalités.
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Dans ce cadre, la loi du 29 juillet 2004 a identifié les contours de cette autonomie au moyen des notions de ressources propres et de part déterminante. En effet et par principe, l’autonomie financière des collectivités territoriales ne saurait supporter une dépendance excessive de ces collectivités à l’égard des dotations qui leur sont versées par l’État. Il convient donc d’en limiter le poids au sein des budgets locaux. e C’est dans cette perspective que s’alinéa de linscrivent les dispositions du 3 ’article 72 2 de la Constitution en ce qu’elles prévoient que les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales doivent représenter, pour chaque caté gorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources. Telles qu’elles sont définies par la loi organique du 29 juillet 2004, «les ressources propres des collectivités territoriales sont constituées du produit des impositions de toutes natures dont la loi les autorise à fixer l’assiette, le taux ou le tarif, ou dont elle détermine, par collectivité, le taux ou une part locale d’assiette, des redevances pour services rendus, des produits du domaine, des participations d’urbanisme, des produits o financiers et des dons et legs»–Loi organique n 2004758 du 29 juillet 2004 relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales, prise en application de l’article 722 de la Constitution, article 3 (art. LO 11142, CGCT). A contrario, ne peuvent ainsi être assimilés à des ressources propres les emprunts (ressources non définitives donnant lieu à remboursement), les ressources perçues à raison des compétences transférées à titre expérimental (et donc, par définition, provi soires) ou encore les transferts financiers entre collectivités d’une même catégorie (au risque de les comptabiliser deux fois). Très concrètement, l’appréciation de cette autonomie se formalise au travers de ratios distincts : –60,8 % pour les communes et les établissements publics de coopération intercom munale (EPCI) ; 2 –56,8 % pour les départements et 39,5 % pour les régions . Si ces ratios venaient à ne plus être respectés, une procédure de rétablissement de cette autonomie financière, dont les détails ont été fixés dans la loi organique de 2004, doit être enclenchée.
3 LA JURISPRUDENCE CONSTITUTIONNELLE
En application des dispositions de l’article 61 de la Constitution, le Conseil constitu tionnel est chargé d’exercer un contrôle de constitutionnalité sur les lois qui lui sont soumises. C’est dans ce cadre que le Conseil constitutionnel a apporté une importante contribution en termes de compréhension des règles et principes du droit budgétaire et des finances publiques.
—— 2.www.dgcl.interieur.gouv.fr/Publications/Rapports/rapport_2006/rapport.pdf
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A L’apport du contrôle de constitutionnalité à la matière financière
Les lois financières que sont les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale peuvent, au moment de leur élaboration, être soumises au contrôle de constitu tionnalité exercé par le Conseil constitutionnel. Par sa jurisprudence, ce dernier a contribué à préciser les contours de cette matière, éclairant, par ses décisions les incons titutionnalités, imprécisions et problèmes d’interprétation rencontrés dans l’application de l’ordonnance du 2 janvier 1959. Ainsi en atil été dans la détermination : 3 –;(cf. Chapitre 4, 1, A.) des catégories de lois de finances 4 –du contenu des lois de finances (cf. Chapitre 4, 1, B.) ; –de l’interprétation à donner aux articles 40 de la Constitution, 42 de l’ordonnance du 2 janvier 1959 et 47 de la Lolf (cf. Chapitre 4, 1, C.) ; –ou encore de la portée juridique qu’il convient d’accorder aux verbes « voter » et 5 « adopter » (cf. Chapitre 4, 1, C) ; 6 –(cf. Chapitre 4, 1, A.), idendu régime juridique des lois de finances rectificatives tique à celui des lois de finances initiales ; 7 –de la distinction entre services votés et mesures nouvelles (cf. Chapitre 4, 1, C.). Il serait toutefois réducteur de limiter l’apport du contrôle de constitutionnalité à la matière financière aux seuls contrôles effectués par le Conseil constitutionnel sur les lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale. La démonstration est évidente avec la décision concernant laLoi relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme(283 DC du 8 janvier 1991) à l’occasion de laquelle le Conseil constitutionnel a consacré un nouvel objectif à valeur constitution nelle propre à la matière financière : la maîtrise des dépenses de santé, objectif au nom duquel le droit de propriété peut subir des atteintes. À l’inverse, il n’est pas sans intérêt de signaler que le contrôle de constitutionnalité porté sur les lois financières a conduit le Conseil constitutionnel à rendre des décisions de portée conséquente dont l’illustration peut être faite avec la décision concernantla loi de finances pour 1974(51 DC du 27 décembre 1973) à l’occasion de laquelle le Conseil constitutionnel a reconnu, pour la première fois, le principe d’égalité devant la loi.
B Le contrôle de constitutionnalité des lois financières
Conformément aux dispositions de l’article 61 al. 2 de la Constitution, les lois peuvent être déférées au Conseil constitutionnel, avant leur promulgation, par le président de la —— 3. Cons. const., 30 décembre 1979,Loi autorisant la perception des impôts et taxes existants, 111 DC. 4. Cons. const., 24 juillet 1991,Loi portant diverses dispositions d’ordre économique et financier, 298 DC. 5. Cons. const., 24 décembre 1979,Loi de finances pour 1980, 110 DC. 6. Cons. const., 3 juillet 1986,Loi de finances rectificative pour 1986, 209 DC. 7. Cons. const., 30 décembre 1974,Loi de finances pour 1975, 53 DC.
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République, le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs. Les interventions du Conseil constitutionnel à l’égard des lois de finances se sont faites plus pressantes à compter de 1974, c’estàdire depuis que 60 députés ou 60 sénateurs se sont vus reconnaître, avec la révision constitutionnelle du 29 octobre 1974, la possi bilité de saisir le Conseil constitutionnel. Depuis, et s’agissant des lois de finances initiales, la quasitotalité d’entre elles ont été soumises au contrôle de constitutionna lité. Seules y font exception les lois de finances pour 1989, 1993 et successivement celles pour 2007, 2008 et 2009. En la matière, les députés et sénateurs sont désormais les principaux (et les seuls depuis 1980) auteurs de saisine du juge constitutionnel. En revanche, parmi les lois de finances, les lois de règlement sont celles qui mobilisent le moins le prétoire constitutionnel. Seules les lois de règlement concernant les budgets 1981, 1983, 1989, 2005 et 2008 ont été soumises au contrôle du Conseil constitutionnel. S’agissant des lois de finances rectificatives, de 1960 à 2013, 96 collectifs budgétaires ont été adoptés et 35 d’entre eux ont fait l’objet d’un contrôle de constitutionnalité. Parmi ces différentes lois contrôlées, deux ont été censurées dans leur totalité, la loi de finances pour 1980 par une décision du 24 décembre 1979 et la loi portant règlement définitif du budget de 1983 par une décision du 24 juillet 1985. La première de ces censures a bien évidemment causé le plus de difficultés au gouver nement en raison de la nécessité de respecter le principe de l’annualité budgétaire et a été solutionnée au prix d’une application singulière de l’ordonnance du 2 janvier 1959. Saisi, le Conseil constitutionnel exerce ses compétences selon la procédure d’urgence. Il ne dispose, dans ce cas, que d’un délai réduit à huit jours (ce délai n’est toutefois pas impératif).
4LE DÉCRET RELATIF À LA GESTION BUDGÉTAIRE ET COMPTABLE PUBLIQUE
L’exécution budgétaire s’effectue sur la base d’un décret en date du 7 novembre 2012 relatif à lagestion budgétaire et comptable publique(GBCP). Il remplace un précé dent règlement, leRèglement général sur la comptabilité publique(RGCP) en date du 29 décembre 1962. Ces dispositions ont vocation à préciser : –le rôle des acteurs de l’exécution budgétaire que sont les ordonnateurs et les comptables publics ; –les règles d’exécution des opérations de dépenses et de recettes. Le RGCP pouvait être présenté comme la traduction comptable des dispositions budgé taires contenues dans l’ordonnance du 2 janvier 1959. Cette dernière ayant été er remplacée par la Lolf du 1 août 2001, il devait donc très logiquement être procédé au remplacement du RGCP. Il aura fallu patienter plus de dix ans avant que le pouvoir réglementaire ne rende sa copie.
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Est désormais comblée une lacune importante, le RGCP était, de fait, devenu obsoles cent. En effet, laDirection Générale des Finances Publiques(DGFIP), en tant que supérieur hiérarchique des comptables chargés de la tenue des comptabilités publiques, avait dès 2004 préconisé à ses comptables de nouvelles règles de contrôle (hiérarchisé et partenarial, cf. Chapitre 6) de la dépense publique. Jusqu’alors, le contrôle exercé par les comptables était un contrôle systématique de la dépense publique. Avec la Lolf, les responsabilités se sont déplacées en permettant aux gestionnaires publics de rendre compte des résultats qu’ils ont obtenus. En parallèle, il a été envisagé par la DGFIP d’alléger/de moduler les contrôles exercés par les comptables qui s’opèrent désormais en fonction de la nature et du montant de la dépense (dépense ponctuelle ou récur rente, dépense de faible ou important montant). Un nouveau cadre comptable imposé aux comptables publics en l’absence de tout fondement juridique. Et une difficulté certaine alors que le RGCP n’avait toujours pas été modifié, celle de l’application de ces schémas de contrôle dépourvus de base légale et de leurs implications devant le juge des comptes.