Chapitre 1 Chapitre 2 Chapitre 3
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ARTIE P
La matrice constitutionnelle et européenne et les acteurs des politiques sociales
Les bases constitutionnelles des politiques sociales La dimension européenne du droit des politiques sociales Les acteurs publics nationaux et locaux des politiques sociales
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Les bases constitutionnelles des politiques sociales Le droit des politiques sociales repose sur une base constitutionnelle dont les e origines remontent à la Constitution de la II République et dont l’effectivité pour rait être renforcée grâce à la création, par la loi constitutionnelle de juillet 2008, d’une question préjudicielle d’inconstitutionnalité permettant, en cas de réponse positive du Conseil constitutionnel, d’abroger une loi contraire à l’ordre constitu tionnel.
CHAPITRE 1
La notion de « République sociale », qui figurait déjà dans le Préambule de la Constitution de 1946, constitue la « matrice » des politiques sociales ainsi que l’ont montré les professeurs Borgetto et Lafore dans leur ouvrage sur la République sociale publié en 2000. La notion de Constitution sociale permet, quant à elle, d’étudier la distinction entre les bénéficiaires des prestations sociales et invite à analyser le rôle central joué, dans ce domaine, par le principe d’égalité. Depuis le milieu des années 1990, la notion d’équité est souvent invoquée par les acteurs des politiques sociales pour justifier une intervention visant à corriger les effets inégali taires du principe d’égalité. La notion de dignité a reçu, quant à elle, une onction constitutionnelle en 1994 et constitue, à l’évidence, l’un des principes fonctionnels des politiques sociales.
1La république et la constitution sociales ■La République sociale a) La normativité problématique de la notion de République sociale er L’article 1 octobre 1958 dispose que «de la Constitution du 4 La France est une République (...) sociale». La question se pose, dès lors, de savoir si cette norme a reçu une pleine application en servant de référence au contrôle de constitutionnalité exercé par le Conseil constitutionnel. Or, si
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L’ESSENTIEL DUDROIT DES POLITIQUES SOCIALES
F. Monera a bien montré, dans sa remarquable thèse, comment le Conseil constitutionnel a ancré la notion de République sociale dans l’ordre constitutionnel français (L’idée de République dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, LGDJ, 2004), force est de constater que les gardiens de la Constitution n’ont jamais censuré de loi au motif qu’elle serait contraire au caractère social de la République. En 1997, les gardiens de la Constitution, saisis de la loi instituant une prestation spécifique dépendance (PSD) dans l’attente d’une allocation personnalisée d’autonomie, ont jugé que la création de cette prestation sociale dont la gestion est confiée aux départements n’était pas contraire au caractère social et égalitaire de la République dans la mesure où les conditions d’accès à cette aide sociale versée par le département devaient être fixées par le pouvoir régle mentaire de façon uniforme sur l’ensemble du territoire français (97387 DC,Cons. const, déc. nº 21 janv. 1997, loi tendant, dans l’attente du vote de la loi instituant une prestation d’autonomie pour les personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins spécifiques des personnes âgées par l’institution d’une prestation spécifique dépendance). Soucieux d’assurer le respect de l’égalité sociale, le Conseil constitutionnel précise, dans cette importante décision, que le législa teur doit « prévenir par des dispositions appropriées la survenance de ruptures caractérisées d’éga lité dans l’attribution de la PSD, allocation d’aide sociale qui répond à une exigence de solidarité e nationale » (97387 DC précité, 11 Décision nº considérant). Les gardiens de la Constitution restent donc prudents à l’égard de la juridicité et de l’effectivité de la notion de République sociale. Pourtant, la place occupée par celleci dans le corpus constitutionnel n’interdit pas aux juges de s’appuyer,a priori, sur cette notion pour exercer leur contrôle de constitutionnalité. Il n’est pas interdit de penser que le Conseil constitutionnel consacrera, un jour, un principe fonda mental reconnu par les lois de la République en matière sociale qui servirait de norme de réfé rence permettant de protéger les droits sociaux. En pratique, le Conseil préfère utiliser des raison nements plus techniques. Par exemple, il a annulé, en mars 2006, l’article 31 de la loi nº 2006339 du 23 mars 2006 pour le retour à l’emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux au motif que cette disposition ayant pour objet de fixer, jusqu’au 31 décembre 2008, le régime des heures supplémentaires dans les entreprises de vingt salariés au plus est issu d’un amendement dépourvu de tout lien avec ce projet de loi lors de son dépôt sur le bureau de la première assemblée saisie (2006534 DC du 16 mars 2006, Loi pour leCons. const, déc. nº retour à l’emploi et sur les droits et devoirs des bénéficiaires de minima sociaux). Il a également annulé, sur ce motif, dans sa décision nº 2009578 DC du 18 mars 2009, plusieurs dispositions furtivement glissées dans le projet de loi sur la mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.