Le Kenya dans la 3è révolution touristique
238 pages
Français

Le Kenya dans la 3è révolution touristique , livre ebook

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Description

Le tourisme ne constitue plus au début du XXIè siècle une pratique exclusivement occidentale; de nouvelles populations urbaines des pays du "Sud" en font l'apprentissage. Les pays émergents sont engagés dans une 3è révolution touristique. Le tourisme national des Kényans, à l'intérieur du pays, ne cesse de croître. Ce tourisme sera-t-il de nature à favoriser la compréhension entre les groupes ethniques, capable de provoquer fierté, unité, construction d'une culture nationale ? (Articles en français et en anglais).

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Date de parution 01 avril 2014
Nombre de lectures 28
EAN13 9782336342726
Langue Français
Poids de l'ouvrage 10 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1050€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le tourisme ne consïtue plus au début du XXI siècle une praïque exclusivement occidentale ; de nouvelles populaïons urbaines des pays du « Sud » en font l’apprenïssage. Les pays émergents, depuis le dernier quart du XX siècle, sont engagés dans une 3 révoluïon tourisïque. Leur forte croissance économique entraîne la consïtuïon de classes moyennes urbaines, à l’origine, à l’intérieur de leur pays, d’un tourisme domesïque (Brésil, Chine, Inde, Indonésie, Afrique du Sud, Kenya…) beaucoup plus important en flux que les arrivées de touristes internaïonaux. Lieux et praïques des touristes naïonaux et internaïonaux ne se recoupent pas systémaïquement. Le Kenya a reçu 1,2 million de touristes internaïonaux en 2010. Le secteur tourisïque contribue à la formaïon de 12% du PIB, à 18% des exportaïons, à 11% des emplois formels et à 16% de ceux du secteur informel. A l’intérieur de ce secteur d’acïvité, le tourisme naïonal des Kényans, à l’intérieur du pays, ne cesse de croître (30% des recees tourisïques en 2010). Ce tourisme intérieur concerne, en priorité les spectacles animaliers (safari), en seconde posiïon les praïques balnéaires, enfin la visite des sites mémoriels de son groupe d’appartenance mais aussi de ceux des autres groupes ethniques. L’essor de ce tourisme des racines, en pleine expansion, résulte de la métropolisaïon rapide du pays, de l’enracinement urbain croissant des populaïons, ce qui entraîne un fort quesïonnement idenïtaire au sein de la classe moyenne. Toutes les minorités revendiquent une part du passé naïonal et une reconnaissance nouvelle. Ce tourisme mémoriel intérieur, voulu ou refusé selon les groupes humains, sera-t-il de nature à favoriser la compréhension entre les groupes ethniques, capable de provoquer fierté, unité, construcïon d’une culture naïonale ? Quel sera le rôle du tourisme domesïque dans la construcïon naïonale du Kenya ? En parïculier, sorïra-t-on de l’ethnicité vers davantage d’idenïté et de cohésion naïonale ?
les relaîons ville/tourisme, autour des quesîons d’environnement, de protecîon de la nature et des formes alternaîves de mise en tourisme des territoires. Il s’intéresse aux interrelaîons entre le fait tourisîque et les sociétés locales (Afrique subsaharienne, centrale, orientale, bassin méditerranéen). Il parîcipe à plusieurs programmes de recherche, sur la contribuîon du tourisme mémoriel et patrimonial, dans la construcîon des idenîtés naîonales, dans les pays d’Afrique de l’Est. Il a notamment codirigé La Mariïmité aujourd’hui(Édiîons l’HarmaTan, 1996) et l’Empreinte du tourisme (Édiîons l’HarmaTan, 2006). Il enseigne la géographie du
Sous la direction de Jean RIEUCAU
LE KENYA e DANS LA 3 RÉVOLUTION TOURISTIQUE Audelà du safari
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   Jean RIEUCAU MariePierre BALLARIN, Damiannah KIETI, Christian THIBON, Jean RIEUCAU   La plage publique de Nyali Beach au nord de Mombasa (Kenya). Photographie : Jean RIEUCAU (avril 2011).             !    "  #$#$  %&'$(IRG) Université de Lyon Lumière Lyon 2 (5, avenue PierreMendèsFrance 69676 Bron Cedex) et de"( )*++ , -. . # / Université de Lyon (18, rue Chevreul 69362 Lyon Cedex). Il a bénéficié du concours de l’     (IFRA) de Nairobi, du SCACde  au Kenya, de la! "#de Eldoret (Kenya).
$    0 1
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 (2(  0 1 (direction J. Rieucau)2 &  3 $  2&3L’Harmattan, Paris, 1990, 320 p. (direction J. Rieucau, G. Cholvy)2 2&/       &     44 , L’Harmattan, Paris, 1992, Tome 1, 310 p., Tome 2, 411 p. $# 5/        )67/ 2& /  5'    '), Habilitation à diriger des Recherches en Géographie, Université MontpellierIII, 1995, 347 p. (direction F. Péron, J. Rieucau)2 ! 8, L’Harmattan, Paris, 1996, 356 p. (direction J. Rieucau, J. Lageiste)2'  3      , l’Harmattan, Paris, 2006, 342 p. (direction J. Lageiste, J. Rieucau), « La plage : Un territoire atypique »,(&'  /l’Harmattan, Paris, 2008, n° 67, 143 p.
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78  A% 4:(  1     555555555555555555555555555555555555555555555555 9> Bernard CALAS < 4141 <1%1<(4A1(3( 55555555555 9) Joseph Kariuki Muriithi 1(  ( 1<.( 33(  " = 55555555555555555555555555555555 9B Bonface ODIARA KIHIMA  %  . 4C5 3(   3 1 5555555D+) Corneille Emmanuel SEMINEGA
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Le tourisme au Kenya ? Le sujet paraît limité : les visiteurs étrangers n’y sont guère attirés que par les immenses savanes où les safaris font découvrir la faune africaine et par la belle façade maritime sur l’océan Indien. Les touristes connaissent aussi Nairobi, une des grandes métropoles africaines, parce qu’ils sont passés par son aéroport ; quelquesuns ont visité les hautes terres et leurs riches plantations en direction du Mont Kenya. Les mieux informés savent que le pays est riverain du lac Victoria, mais la région, très peuplée, n’est guère fréquentée. De ce grand pays, on ne connaît guère que la bande étroite qui court de Monbasa à Nairobi et au lac Victoria  un cinquième de l’ensemble, au mieux. Estce étonnant ? Non : le voyageur venu de loin goûte les grandes plages bordées de cocotiersou le retour à la nature que l’on effectue depuis les &d’où l’on part, à l’aube, découvrir les animaux sauvages. Au Kenya comme ailleurs, la fortune touristique internationale dépend des zones où l’imaginaire occidental trouve à se satisfaire : celles où s’épanouit le tourisme des 4 S)$/ $/ $  $5*, l’une des composantes fondamentales des vacances de masse ; celles, de tradition plus aristocratique et nées de la chasse aux grands mammifères, dont le colonisateur britannique a fait une des spécialités de l’Afrique méridionale et orientale. Le propos de Jean Rieucau et des auteurs qu’il a réunis est différent : une troisième révolution touristique est en cours, comme en témoigne le gonflement rapide des flux de visiteurs au cours des dernières décennies. Ce ne sont plus seulement les peuples dont le niveau de vie est depuis longtemps élevé, Européens et NordAméricains, qui parcourent le monde. La globalisation et la montée de classes moyennes dans les pays émergents bouleversent les fréquentations. Dans les pays où la clientèle était, jusqu’il y a peu, exclusivement européenne ou nordaméricaine, le nombre des Asiatiques, des SudAméricains et des Africains ne cesse de croître. Partout, le tourisme intérieur pratiqué par les nationaux tend à l’emporter ou l’emporte déjà de beaucoup sur les mouvements internationaux.
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Le Kenya constitue un laboratoire idéal pour qui veut comprendre cette mutation : l’économie du pays se développe de manière soutenue, même si l’aisance ne bénéficie encore qu’à une fraction de la population. Le nombre de ceux qui disposent de loisirs et d’assez d’argent pour voyager ne cesse d’augmenter. Vers où se dirigent ces nouveaux touristes ? C’est toute la question. L’exemple européen, introduit par le colonisateur britannique – mais aussi par des Scandinaves, précocement attirés par le pays, comme le rappelle%  de Karen Blixen , pèse beaucoup. Les milieux coloniaux ont montré les plaisirs que l’on peut tirer de la baignade et des activités nautiques en bord de mer. C’est à leur initiative qu’ont été créés les grandes réserves naturelles et les parcs nationaux sans lesquels les safaris seraient impossibles. S’approprier des habitudes étrangères ne va pas sans problème. Pour le safari, l’adaptation est relativement facile, maintenant que le but est de ramener de belles photos plutôt que des trophées de chasse. Mais pour les plaisirs de la plage ? Les femmes peuventelles se mettre en tenue de bain et s’exposer ainsi au regard de tous ? Certainement pas en bikini ! En maillot une pièce, oui, mais dans les milieux les plus affranchis seulement. La difficulté tient aussi à ce que la population kényane est très hétérogène : une quarantaine d’ethnies pour une population de quarante millions d’habitants, et trois souches linguistiques, bantoue, nilotique et couchique, sans compter la petite minorité d’IndoKényans, ellemême très diverse de langue et de religion. C’est ce groupe qui a le plus emprunté au colonisateur, celui qui participe le plus volontiers aux safaris et fréquente le plus communément les plages de l’océan Indien. Les autres ethnies hésitent. Aucune tradition locale ne les incite aux bains de mer – même chez les tribus de langue swahilie installées au bord de l’océan. Le safari est en un sens tout aussi exotique pour elles, mais il leur rappelle les spécificités du milieu africain où elles vivent. Pour le colonisateur, la création de réserves d’où la population indigène était exclue soulignait combien la terre africaine, qui n’avait vu s’épanouir aucune grande civilisation de l’écrit, restait proche des origines. Cela donnait aux Européens autant de droits à l’exploiter et à la peupler qu’aux Africains, et gommait l’histoire de ceuxci : la présence indigène perdait sa légitimité. Par un retournement curieux des choses, c’est en allant observer la nature sauvage que les nouvelles bourgeoisies africaines confirment maintenant leur africanité. Ce qui pousse souvent les touristes à se déplacer, ce sont en effet les questions que pose leur identité : entrer en contact avec des groupes différents fait sentir ce en quoi on est singulier ; retrouver ses racines, visiter les lieux où son peuple a imprimé sa marque, modelé le paysage et imaginé ses mythes constitue une expérience complémentaire. Le tourisme est identitaire. C’est bien là le problème pour un pays comme le Kenya : chaque tribu dominait un espace, ou un ensemble d’espaces ; chacune se caractérisait par son genre de vie, par les bases de son économie, par les cultes qu’elle rendait au sol et aux
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ancêtres, et par les rituels qui accompagnaient les âges de la vie et la mort. Ces traditions n’ont cependant pas la même force dans tous les groupes. Les Luo de la région du lac Victoria ont une haute idée de leurs spécificités et possèdent des lieux sacrés qu’ils révèrent, mais ne parlent pas aux autres ; les Kikuyu, à l’étroit sur leurs terres, ont profité de la colonisation pour essaimer, et de la scolarisation pour embrasser des carrières modernes. Le sentiment qu’ils ont de leurs racines est moins fort. À l’opposé, les coutumes et croyances fort originales des Masai, ce peuple d’éleveurs de haute taille et de langue couchique, ont bénéficié de la large publicité que leur ont valu le tourisme de safari et les médias modernes. Ce groupe compte cependant à peine 3 % de la population totale, même s’il contrôle les immenses étendues semiarides ou arides du Nord et de l’Est du Kenya. Qu’estce qui, dans tout cela, est proprement kényan ? Le tourisme mémoriel est un des premiers à se développer chez les peuples qui accèdent à l’aisance et aux loisirs. Il tient une place important au Kenya. Favorisetil la création d’une conscience commune à tous les Kényans ? Non, car il n’y a pas eu, dans le pays, de grand homme fédérateur et qui ait incarné, au moment des luttes pour l’indépendance, les aspirations de l’ensemble de la population. La révolte des MauMau est liée aux Kikuyu ; c’est d’elle qu’est né le parti nationaliste qui a mené, sous la direction de Jomo Kenyatta, à l’indépendance, acquise en 1963. Mais la lutte reste trop marquée par l’ethnie kikuyu pour fédérer l’ensemble des tribus. Dans une société aussi multiculturelle que l’est le Kenya, que faire alors pour éviter que le tourisme mémoriel ne s’oppose à la formation d’une conscience nationale ? Assurer à tous les groupes l’accès aux lieux de souvenir qui leur sont chers. Les autorités qui conçoivent et mettent en œuvre le développement touristique au Kenya ont choisi cette option. Elle est difficile à mettre en œuvre tant les sources de l’identité et les lieux qui la symbolisent diffèrent d’un groupe à l’autre ; elle a des effets inégaux, tant varient les attitudes des groupes à l’égard de leurs traditions. À travers l’analyse du tourisme au Kenya, c’est donc à la construction de la conscience nationale d’un pays de création récente que l’on assiste, à ses difficultés et à ses hésitations. Audelà de la troisième révolution touristique, c’est de la lente gestation de la modernité  ou de la postmodernité – africaine que l’on est témoin.
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