Coraline & Pierre: Cauchemar!
82 pages
Français

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Description

La suite des aventures de Coraline & Pierre... (4ème volet)
La réalité n'est pas toujours aussi noire qu'on la perçoit parfois.
Pierre va en faire l'expérience...

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Publié par
Publié le 22 mai 2012
Nombre de lectures 136
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Loudé Mallorca
Est-il encore utile de vous rappeler que mes histoires sont pures fictions ? Que si vous y trouvez une ressemblance avec votre oncle Antoine ou votre tante Enerstine, ce n'est dû qu'au hasard ? Non ? Vous le savez déjà ? Bon ! Bonne lecture, alors...
La première chose que fait Jeanine Lamour en se levant en ce matin de décembre, est comme d'habitude, -après un tendre sourire à son mari Edouard- d'aller jeter un coup d'oeil par la fenêtre du pavillon qu'ils occupent, quelque part dans la banlieue Lilloise... -Tiens ?!, lance-t'elle, alors qu' Edouard est toujours couché sur le lit, il neige ! Le jardin est tout blanc... -J'espère que Renaud est au moins à l'abri !, termine-t'elle, dans un murmure, les yeux baissés. -Je le lui souhaite de tout coeur, en tout cas!, répond-il, en redressant son mètre quatre-vingt. -Qu'avons-nous fait, Edouard ?, recommence-t'elle. Où nous sommes-nous trompés dans notre éducation ? Pourquoi est-il... Sa phrase se termine dans un sanglot étouffé. -Je ne sais pas, ma chérie, fait Edouard en entourant de son bras les épaules nues de celle qui est son épouse depuis vingt-cinq ans maintenant. -Je ne sais pas !, répète-t'il, plus bas, comme pour lui-même. -Où peut-il bien être ? Que fait-il ?, reprend Jeanine. Mon garçon... Mon tout petit garçon... -Allons, allons, ma chérie, soupire Edouard. Combien de fois déjà avons-nous eu cette discussion... Nous ne pouvions plus tolérer sa façon d'être. Ce n'était plus tenable ! Tôt ou tard, il nous aurait créé les pires ennuis ! -Tu as raison, bien sûr !, fait-elle en se retournant vers lui. Mais quand même... Il aurait pu nous donner des nouvelles, de temps en temps... Au moins nous faire savoir si il allait bien. -C'est lui qui a choisi de partir..., reprend Edouard. Couper les ponts et faire sa vie, comme il disait... -Oui, soupire-t'elle. Mais quoi qu'il fasse, il reste notre fils, non ? -Bien sûr ! Et il le restera toujours..., approuve son mari pensif, tout en se frottant distraitement, du bout des doigts, sa naissante barbe matinale. Notre seule faute est, je le crois sincèrement, de l'avoir trop gâté... De toujours avoir cédé à tous ces caprices... Il l'a rejoint près de la fenêtre et un court moment, serrés debout l'un contre l'autre, ils contemplent en silence la neige qui tombe. -Allez, viens ! Secouons-nous ! Cela ne sert à rien de ressasser le passé. Qui sait ? Il nous reviendra peut-être un jour, fortune faite... -A la douche et petit déjeuner ! Ensuite, je te fais des œufs « à la coque » ?, reprend-il, sur un ton volontairement enjoué, en se dirigeant vers la salle de bain. Quelques vingt minutes plus tard, alors qu'ils entament les œufs qu'il a cuits juste à point, comme Jeanine les aime, elle aperçoit par la fenêtre de la cuisine, la silhouette fantomatique du facteur, perdue au milieu des virevoltants flocons qui tombent d'abondance maintenant. Il lui fait un grand geste amical du bras. -Mince ! Il est tôt , aujourd'hui !, constate-t'elle. -Et apparemment, malgré la neige, il t'a bien vu !, sourit son mari. Il va encore pouvoir aller raconter à ses collègues qu'il a vu Madame Mesclin à poil, ce matin ! -Bah !, répond Jeanine. Ce n'est ni la première ni la dernière fois : Je suis née nue et je vis nue, c'est tout !* Et je te signale, juste en passant, que tu es dans la même tenue que moi ! -Oui, tu as raison ! Mais couvre-toi quand même pour aller chercher le courrier... Je ne tiens pas spécialement à occuper mes prochains jours à soigner tes poumons... Même si je les trouve très beaux !, termine-t'il, avec un clin d'oeil malicieux. -Je crois que j'ai une autre idée, fait Jeanine. Et si tu allais le chercher toi-même, ce courrier ? -Ouais ! Je me doutais bien que tu allais dire cela... J'y vais ! Mais c'est bien parce-que c'est toi !, soupire Edouard, faignant un air accablé en se levant.
*Oui, tout le monde vit le plus souvent possible à poil dans mes histoires ! Et alors ? N'ayez jamais honte de votre corps, qu'il soit jeune, vieux, gros ou mince... C'est votre tenue de naissance... La plus belle qui soit ! C'est vous, tout simplement ! ************ 1
-Accusé, levez-vous !, lance, depuis l'estrade du fond de la salle, la voix sèche du Président du tribunal. Jusqu'ici assis sagement sur le banc des accusés, entre deux policiers, Renaud Mesclin s'exécute. La tête lui tourne un peu et ses oreilles bourdonnent... S'il ne comprend pas les premières phrases prononcées par son juge, la dernière lui parvient distinctement : - vous condamne à six mois de prison ferme ! ... Il encaisse le coup debout... Dignement... Très dignement... Rien sur son visage, si ce n'est un tic nerveux qui fait battre sa joue gauche, ne laisse paraître des émotions qu'il ressent. -Six mois ! Je l'ai bien mérité !,se dit-il.Etce n'est pas cher payé, encore ! Quelques minutes plus tard, tandis que le fourgon cellulaire l'emmène vers Ittre, petit village rural du Brabant Wallon où se trouve désormais sa résidence pour les mois à venir, il pense encore : -J'ai beaucoup de chance ! C'est une occasion unique de me racheter ! Dorénavant, je le jure : Fini les c...ries ! Je vais devenir honnête ! Et me trouver un boulot : Un vrai ! La première chose qu'il fait au lendemain de son arrivée à la prison modèle d'Ittre, est de s'inscrire comme travailleur volontaire à l'atelier d'emballage. -Cela m'occupera et me rapportera un peu d'argent pour améliorer mon ordinaire...,se dit-il, en paraphant le document ad-hoc. Au soir du vendredi de sa première semaine de travail, même si la solde est loin d'être mirobolante, il a gagné un peu plus que le nécessaire pour s'offrir ce dont il rêve depuis son arrivée : Un bloc à écrire et un stylo à bille ! Il en ressent une joie profonde, presque enfantine : C'est la première fois de sa vie qu'il obtient quelque chose en travaillant! Ce même soir, après le repas, au lieu de se rendre à la « salle commune » pour y suivre les programmes télé, comme il en a pourtant le droit, il s'assied devant la petite table fixée à même le mur de sa cellule, juste en face de son lit et à côté de la toilette métallique, pour s’atteler à une tâche qu'il s'est promis d'exécuter sitôt qu'il s'en sentirait capable : La rédaction de deux lettres. L'une est destinée à ses parents et l'autre... à Magali, cette jeune fille qui a tant souffert par seule sa faute à lui, Renaud Mesclin! Du moins par la faute de l'ancien Mesclin : Le mauvais ! Car le nouveau Mesclin a compris bien des choses... Et en très peu de temps ! Entre-autres qu'il était réellement amoureux d'elle... et qu'il a tout gâché par sa propre bêtise ! Rien que de penser à la manière dont il s'est comporté avec elle, il sent un immense dégoût de lui-même l'envahir... Avec application, presque en tirant la langue comme un écolier studieux, il tente de leurs expliquer, par des mots qu'il peine à coucher sur le papier, ce qui s'est passé... Comment et pourquoi il a atterri dans cette prison... Combien il regrette ses actes... Comment, dès sa sortie de ces murs, il mettra tout en œuvre pour devenir « quelqu'un de bien » ! Quelqu'un dont ses parents pourront être fier... Quelqu'un à qui une jolie Magali pourra pardonner... Un jour peut-être. Il termine celle destinée à ses parents par un « Je veux que vous sachiez que j'ai réellement changé et qu'à partir de cette minute, je vais tout faire pour vous en convaincre... J'ai compris tellement de choses ces derniers jours... Je vous embrasse bien fort si vous m'y autoriser encore, mes très chers Maman et Papa. Votre fils : Renaud». Celle qu'il enverra à Magali se termine par un « Je sais qu'il te sera impossible de le croire, mais je t'aime toujours. Tu as été pour moi mon seul et unique amour, je te le jure ! Je souhaite sincèrement que nos routes se recroisent un jour pour que je puisse te prouver que j'ai changé. Renaud ». Ensuite, relisant sa prose, il se rend compte des lacunes de son instruction...
2
-Ces torchons sont bourrés de fautes d'orthographe !,songe-t'il, en colère contre lui.Si seulement j'avais été plus attentif à l'école... d'envoyer cela comme cela ! Demain samedi, j'yPas question passerai la journée si il le faut, mais je vérifierai chaque mot dans le dictionnaire de la bibliothèque !
*******
-Tu vois, Pierre, ce qu'il te faut encore pour devenir un vrai majorquin... C'est un bateau !, me dit très sérieusement Pedro, un soir de ce même mois de décembre où nous discutons de tout et de rien, assis à la table de l'immense cuisine, comme nous le faisons si souvent quand je suis sur l'île. -Un... Un bateau ? Mais que veux-tu que je fasse d'un bateau ? Je n'y connais rien, moi, en bateaux... -Toi peut-être pas, me répond-il, mi-figue, mi-raisins. Mais moi... Oui ! -Je te vois venir... Tu voudrais que j'achète un truc pareil pour que toi, tu puisses t'amuser... -Pas du tout !, me répond-il, avec toute la sincérité d'un politicien en campagne, me semble-t'il. Mais si tu veux vraiment t'intégrer, tu te dois d'avoir ce type d'engin ! Nous, les Majorquins, sommes avant tout des marins... Ne l'oublie pas ! -Tu parles !, fais-je en riant. Des marins... Explique-moi alors pourquoi tous vos guides touristiques expliquent que les natifs sont d'abord et avant tout des cultivateurs ? -Pfff !, fait-il, en balayant mon objection d'un geste de la main. Justement, c'est pour les touristes, cela ! -Et je suppose que, si tu m'en parles, c'est que tu as déjà trouvé le fier navire de tes rêves ? -Moi ? Pas du tout ! Ce que j'en dis, c'est manière de parler... C'est tout ! Réfléchis un peu : Comment veux-tu connaître parfaitement ton pays d'adoption, comme tu dis, si tu n'as pas l'opportunité de le découvrir loin de la foule de vacanciers de tous poils qui colonisent notre belle île, l'été ? Pouvoir débarquer sur une plage où presque personne n'a jamais mis les pieds car inaccessible autrement que par la mer... Cela ne te dit rien ? -Evidemment, vu comme cela..., approuve-je, rêveur. Mais avant que je ne puisse manipuler convenablement un bateau, j'aurai la même barbe que le Père Noël, termine-je, en riant. -Pas forcément ! Je peux t'apprendre, si cela te tente... -Apprendre quoi ?, fait Cora, les sourcils en accent circonflexe, en nous rejoignant dans la grande pièce. -Figure-toi que notre beau-père (Voir les précédents « Coraline & Pierre ».) me voit bien en capitaine !, lui, fais-je, en lui souriant. -Huuummm !, fait-elle, rêveuse. Moi aussi ! Je t'imagine déjà, debout, nu et intégralement bronzé, à la barre de ton voilier, défiant les éléments en furie... -Ben oui, tiens !, fais-je d'un ton volontairement désabusé. -Et je devrais aussi, tant qu'à faire, me laisser repousser cheveux et barbe, me mettre un bandeau sur l'oeil et me coltiner, sur l'épaule, un perroquet nommé « Jaco »?, termine-je, en souriant malgré moi, imaginant mon nouveau « look ». -Hooo... Oui !, s'exclame Cora, à peine rieuse. -Ha... C'est vrai que cela t’irait drôlement bien, papa !, font d'une seule voix, comme à leur habitude, Caroline et Magali, nos deux filles qui nous ont rejointes sans que je ne les entende arriver. -Silence, les basses !, fais-je, sans même me retourner, en faisant d'énormes efforts pour garder mon sérieux. Quand les grands parlent, les enfants bien élevés se taisent. -Heu... Papa ?, commence Caroline. T'es au courant que nous sommes en 2011 ? Quasi en 2012 ? Que le temps des fessées est bel et bien passé de mode et que nous n'avons plus vraiment l'âge, Mag et moi, d'en prendre ? -Hé bien, c'est un tort !, fais-je en me levant brutalement de ma chaise. Et vous allez l'apprendre à vos dépens... 3
J’attrape chacune des filles par un bras, l'air sévère, et je les attire contre moi. -Comment voulez-vous que je sévisse, avec deux merveilleuses filles comme vous ? Deux paires de bras m’enserrent, tandis que quatre lèvres déposent un bisous sur chacune de mes joues... -Encore !, mendie-je, sur un ton de supplique, juste avant que les lèvres de ma Cora ne s'écrasent sur les miennes. -Quel charmant tableau !, annonce Dominique, femme de Pedro et maman de Cora, en arrivant à son tour dans la pièce. Vous fêtez quoi, au juste ? -Rien de spécial, lui répond Cora, en s'éloignant un peu de moi. Le simple fait d'être ensemble... C'est tout ! -Vous avez parfaitement raison !, approuve ma belle-maman, en s'approchant de son Pedro qui n'a pas bouger de sa chaise. Cela nous arrive souvent, à nous aussi !, continue-t'elle, en entourant les épaules de son homme de son bras nu. -Bon ! Résumons-nous !, commence Pedro, les sourcils froncés, en proie visiblement à une profonde réflexion : Coraline, Caroline, Magali, Dominique, Pierre et moi... Six ! Il en manque, non ?, termine-t'il, en tournant vers nous un regard interrogatif. -Méchant !, font en arrivant ses deux filles, Joana et Magdaléna. Nous t'avons entendu ! - ¡ doy una broma, las chicas! ¡ Usted sabe bien que jamás le olvidaré!  (Je blague, les filles ! Vous savez bien que je ne vous oublierai jamais!) Mon espagnol ayant progressé à une vitesse stupéfiante, je peux lui répondre dans sa langue : - ¿ un barco, cómo? ¿ Viste cuánto somos? ¡ Es un yate que haría falta! (Un bateau, hein ? Tu as vu à combien nous sommes ? C'est un yacht qu'il me faudrait!) - ¿ por qué no?, ( Pourquoi pas?) me répond très sérieusement Pedro. Que ce soit ici, à Mallorca où en Belgique, c'est comme cela que je passe mes meilleures soirées : Quand toute ma « tribu » est réunie...
**********
-Mazarine ?, interroge l'inspecteur principal Daniel Dubois, en se tournant vers sa collègue et amie, une jolie brune assise à son bureau, à deux mètres de lui. Notre petit dealer... Celui que l'on a serré hier... Il est toujours chez nous ? -Ah non ! Il a été transféré en détention provisoire... Ordre du magistrat ! -Ah mince ! J'avais encore deux ou trois choses à lui demander... On sait où il est ? -A Ittre, Daniel ! Papy et moi l'y avons conduit nous-même !, intervient l'inspecteur Luky, un autre membre de la petite unité spéciale commandée par Daniel. -Cela, c'est une bonne nouvelle... Quasi à côté de chez nous ! Bon ! Maza, je te laisse veiller sur la boutique... Je monte à Ittre le voir... -Bien, chef !, lui répond celle-ci, en se fixant en un garde-à-vous d'opérette. -Heu... Chef ? Ces deux-là, dit-elle encore, en faisant un effort pour réprimer la violente envie de rire qu'elle sent arriver, je les laisse jouer aux cartes, comme ils en ont l'habitude ? -Bah, lui répond Daniel. A leurs âges, que veux-tu qu'ils fassent d'autre ? Il a juste le temps de s'éclipser dans le couloir qui mène vers le parking extérieur pour éviter la boulette de papier que Papy vient d'envoyer dans sa direction... -Tu sais ce que l'on te dit, mon âge et moi?, entend-il encore crier derrière lui, tandis qu'il s'engage en riant sur les marches du perron extérieur. -Quelle équipe !,songe-t'il, en souriant, tout en tournant la clé de contact de sa Mini rouge. Moins de dix minutes plus tard, sa voiture rangée sur le vaste parking extérieur de la moderne prison, il se met en route à pied vers le corps de garde, à gauche de la première grille. Sitôt les imposantes enceintes franchies, un gardien qui, contrairement à leur réputation, s'avère très sympathique, l'introduit dans une vaste pièce dont l'aménagement n'est pas sans lui rappeler une salle de bistrot. 4
Un grand comptoir métallique occupe tout le mur du fond, juste devant une grande fresque aux motifs indéfinissables, tandis que diverses chaises, tables, billards américains et table de tennis meublent le reste de l'espace. Murs, sol et plafond peints en blanc, assurent aux lieux une bonne répartition de la lumière en provenance directe de grandes baies vitrées. Ne serait-ce les épais barreaux disposés serrés devant ces baies, on pourrait se croire n'importe où... sauf dans une prison ! Il faut dire qu' ici, on mise beaucoup sur la réinsertion des détenus et quoi de mieux qu'une telle salle pour ré-apprendre la vie en société ? L'entretien de Daniel avec son « client » dure une petite dizaine de minutes. Il referme son carnet de notes, se lève et se dirige vers la sortie. Il a déjà la poignée de la porte en main quand celle-ci s'ouvre grand devant lui ... Surpris, Daniel recule d'un pas pour passer entrer le nouvel arrivant. Un bref moment, les deux hommes face-à-face, se dévisagent en silence... Par réflexe, Daniel a contracté tous ses muscles, prêt pour une éventuelle -mais improbable en ces lieux- bagarre... -Bonjour, inspecteur !, fait timidement Renaud, en baissant les yeux. -Salut, Renaud !, répond Daniel. Tu as été transféré ici ? -Comme vous voyez, inspecteur ! Depuis mon procès..., répond-il, les yeux toujours dirigés vers ses chaussures. -Tu ne m'appelles plus par mon prénom ?, interroge encore le jeune inspecteur. -Je... Je peux ? -Pourquoi pas ? Nous nous connaissons bien... Même si nous ne sommes pas du même côté de la barrière. -Merci, Daniel !, balbutie Renaud. Tu sais, je... J'ai compris beaucoup de choses depuis mon arrestation, continue-t'il. Je... L'inspecteur ressent un sentiment confus devant ce garçon soudainement timide. Il n'a vraiment plus rien du dealer arrogant et sûr de lui que j'ai connu... Il en est presque pathétique... On dirait un gosse prit la main dans le pot de confiture... -Tu veux en parler ?, lui demande-t'il, après un bref coup d'oeil à sa montre. Et durant une grosse heure, assis à une table face à lui, Renaud explique combien il regrette ses actes et comment il est fermement décidé à s'en sortir dès qu'il aura purgé sa peine... L'inspecteur, formé à la psychologie par l'académie de police, se garde bien de l'interrompre. Tout au plus se borne-t'il à approuver, cela et là, les bonnes résolutions du détenu. Un gardien vient annoncer qu'il va être l'heure du repas et Daniel se lève. -Tu... Tu reviendras me voir, Daniel ?, lui demande Renaud, avec dans les yeux la même expression de détresse qu'un noyé accroché à sa bouée. -Je ne pensais jamais dire cela à quelqu'un que j'ai mis derrière les barreaux, Renaud, mais...oui ! Je reviendrai... Au moins pour m'assurer que tu restes dans le même état d'esprit... -Merci, Daniel !, termine Renaud, en lui tendant une main que Daniel serre. J'espère pour lui qu'il s'en tiendra à ses bonnes résolutions,songe Daniel, en enclenchant la première de la Mini.
******* Je coupe la connexion Internet d'avec mon Léon de vice-président au moment précis où Pedro entre dans mon bureau... -Tu fais quoi, aujourd'hui ?, m'interroge-t'il. -Rien de spécial... Peut-être un tour à Villa Luna ; il y a longtemps que je n'ai plus vu Maria... -Oh, au diable, Maria !, me fait-il. Elle attendra bien encore peu avant de te voir. J'ai beaucoup mieux à te proposer... 5
-Ah ? Quoi donc ?, fais-je, en le regardant, surpris. -Tu as dis oui, j'espère ?, font exactement en même temps, comme d'habitude, Caroline et Magali, tout en faisant irruption à leur tour dans la pièce. -J'ai dis « oui » à quoi ?, fais-je, interloqué. -A la ballade en bateau, tiens !, me répondent-elles. -La... La ballade en bateau ? Quelle ballade ? Quel bateau ? -Je t'explique, Pierre..., commence Pedro, un vague sourire aux lèvres. Tu m'as bien dit que tu n'avais jamais fait le tour de l'île « sobre un barco », no ? Dans sa précipitation à m'expliquer son projet du jour, il mélange allègrement le français et l'espagnol... -Heu... Oui, j'ai bien dit cela, mais... -Hé bien, c'est ton jour de chance ! J'ai un bateau ! Nous pouvons y aller dès maintenant ! -Y... Y aller ? Mais où ? Et puis, d'où sors-tu un bateau, toi ? -Un vieux pote qui me prête le sien !, me répond-il, sans sans s'avancer davantage. -Je suppose que je n'ai pas le choix ?, fais-je avec un regard rieur en direction de mes filles, tout en songeant :rien d'autres à faire de toute manièreNous n'avons ...Cora et sa mère seront au « Condor » toute la journée... A leurs mines, je comprend qu'elles seraient fort déçues par un « non » de ma part... -C'est bon... Je m'incline face à la majorité, fais-je, en soupirant. Nous partons quand ? -Il est 9h30, dit Pedro en consultant sa montre d'un bref coup d'oeil. Le temps d'arriver au port et de faire les vérifications d'usage... Nous devrions y aller tout de suite... -C'est parti... -Laisse-moi le temps de retrouver Joana et Magdaléna et je suis prêt !, annonce Pedro, en riant. -Habillez-vous chaudement quand même, dit-il encore, en sortant de la pièce. Le vent de décembre n'est vraiment pas chaud ! Dix minutes plus tard, le portail automatique de la maison se referme silencieusement derrière nos deux voitures : Direction Cala d'or et son petit port de plaisance, pas très éloigné de chez nous. Je ne tiens pas à passer pour une « poule mouillée » devant mes filles, mais je ne suis pas trop rassuré : Je n'ai jamais mis les pieds sur un bateau de ma vie et je crains un peu le « mal de mer »... Bah ! On verra bien !, philosophe-je, en enclenchant la troisième de la GTI de Cora. Moins d'une demi-heure après avoir quitter la maison, toujours l'un suivant l'autre, nous franchissons la grille de la zone portuaire, gardée par deux hommes bien bâtis, en uniforme bleu. Pedro leur dit quelques mots et nous continuons jusqu'au parking réservé aux propriétaires de bateaux. Les différents embarcadères, en été noirs de monde, sont déserts en cette saison. -Et voilà, me fait mon beau-père, en venant ouvrir la portière de la GTI. Nous y sommes... Bien que le soleil soit bien présent, je réprime un léger frisson en descendant de voiture : Il ne doit guère faire plus de 17 à 18°! -Allez ! Venez !, nous lance un Pedro visiblement heureux comme un gosse qui sait qu'il va recevoir un nouveau jouet. C'est le troisième, là-bas !, termine-t'il, en nous désignant un engin assez grand, blanc immaculé...qui ne m'inspire qu'une une confiance limitée. Tu n'as pas l'air rassuré, Pierre !, reprend-il, d'un ton taquin. --Si, si ! Tout va bien ! J'ai hâte de te voir manœuvrer ce... ce truc !, répond-je, crânement, tout en me demandant dans quelle galère -c'est le cas de le dire- je me suis laissé embarquer. -« Florida », lis-je sur la coque de l'engin amarré, proue tournée vers la mer. A vue de nez, ce joli jouet doit mesurer dans les 10 à 15 mètres... -Belle bête, non ?, nous fait Pedro, aussi fier que si ce rafiot était le sien. Je dois reconnaître que, bien qu'assez méfiant vis-à-vis de ce machin flottant, je suis de son avis : C'est un beau bateau ! Tout blanc, donnant une impression de force tranquille, il a une ligne assez fière, haute sur l'eau d'après ce que je peux en juger. 6
-A bord, les jeunes !, nous fait Pedro, très « Commandant Stubing » de la « Croisière s'amuse », ce vieux feuilleton télévisé des années '80. Je vais vous faire visiter ! -Vous êtes à bord d'un ancien chalutier de pêche, commence-t'il, construit en 1936 ! C'est vous dire s'il connaît la mer, mon paquebot ! Je sursaute. 1936 ? Mais il a l'âge de mon grand-père, ce barlu ! -Montez, voyons !, insiste-t'il, au vu de nos hésitations. Il n'y a pas de monstres à bord... -Tu ne nous a jamais parlé de ce bateau, papa ?, fait Magdaléna, surprise de découvrir son père en « vieux loup de mer ». -Il y a beaucoup de choses que vous ne savez pas à mon sujet, mes filles !, répond-il, énigmatique. J'ai... vécu, avant de connaître votre mère ! -Nous sommes ici dans le poste de pilotage, nous annonce-t'il, tandis que nous parvenons, après avoir gravi quelques marches, dans ce que je décrirais comme une pièce, assez petite, dont les parois s'ornent de multiples fenêtres rectangulaires, assez grandes. Les filles, après un rapide coup d'oeil, déclarent que cette partie de la visite ne les intéressent pas et s'en vont seules vers l'avant. -Le gouvernail, poursuit Pedro, imperturbable, et les écrans de contrôle... Ici, la radio, le GPS... -Tu le connais sur le bout des doigts, ce bateau !, constate-je. -Comme si je l'avais fait !, me répond-il, sans rire. Nous redescendons l'échelle, suivons une coursive extérieure le long de la coque et entrons par l'arrière dans le coeur de l'engin. -Le salon !, me fait mon beau-père. J'en reste sans voix... -Mais... Mais c'est splendide !, m'extasie-je, en découvrant une belle et vaste pièce, meublée de profonds fauteuils de cuir fauve et de meubles en acajou brillants. -Qu'en penses-tu, Pierre ?, me fait mon cicérone. -Impressionné ! Je ne pensais pas trouver tout cela sur un bateau !, fais-je, admiratif. Il ouvre une porte, à droite, au fond du salon et nous passons dans une luxueuse salle-à-manger, digne de figurer dans n'importe quel appartement haut-de-gamme... La visite se poursuit par les deux cabines dont une renferme un authentique lit pour deux personnes ; l'autre se contentant de couchettes superposées et nous terminons par la cuisine aussi bien achalandée que celle de l'appartement de Cora, à El Arenal. -Et là, derrière les deux portes dans le fond, me dit-il encore, en me les désignant de son index tendu, il y a une salle de bain et une salle de douche... J'en suis « baba » ! -Côté moteurs, reprend-il, j'y ai fait mettre deux Mercedes diesel et... -Tu y as fait mettre deux moteurs ?, l’interrompt-je. Ce bateau est donc... à toi ? -Non. Rassure-toi... Il l' a été... Autrefois ! J'ai dû le vendre peu avant la naissance de ma première fille..., continue-t'il, rêveur tout-à-coup. Pour faire plaisir à ma femme... Il laisse passer un silence, perdu dans de vieux souvenirs... -Quand je l'ai acheté, reprend-il, tout le monde m'a pris pour un fou ! C'était une épave à peine flottante... J'ai mis deux ans à le remettre en état... Je l'écoute sans l'interrompre, interloqué. Jamais je n'aurai pu pensé, quand j'ai fait sa connaissance, (Voir Coraline & Pierre : L'amour triomphe toujours ») que le barman du « Condor » puisse être un authentique « Loup de mer »... -Mais assez parlé de ma vie ! On s'en va !, reprend-il soudain, d'un ton ferme. Viens, je remonte au PC... -PC ? -C'est comme cela que j'appelais le poste de pilotage, autrefois : Le PC, pour « poste de commandement », continue-t'il, en gravissant déjà les marches qui y mène à grandes enjambées.
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Il tourne légèrement la barre de droite à gauche, semblant tester sa résistance à vide, puis calibre le GPS en moins de temps qu'il ne t'en faudrait pour dégrafer le soutien-gorge de ta partenaire. Il pousse en position « On » deux commutateurs rouges, placés juste en-dessous du micro de la radio et m'annonce, en tournant légèrement la tête vers moi : -C'est parti !, tout en écrasant son pouce sur un bouton-poussoir vert, à gauche de l'écran du GPS. Immédiatement, un grognement sourd jaillit des profondeurs du bateau : Les moteurs tournent... Pedro se concentre un bref moment sur les différents cadrans qu'il a sous les yeux... -Pression d'huile, ok ! Charge, ok ! Je vais larguer les amarres !, dit-il encore, en quittant la pièce. De par la position sur-élevée du poste de pilotage par rapport au reste du bateau, je peux aisément apercevoir nos quatre filles en grande discussion à l'avant. Magali à vraiment l'air de bien s'amuser: Elle a pris la même pause que Kate Winslet, l'actrice qui incarnait Rose, dans le film « Titanic ». Elle se tient debout derrière le bastingage, bras tendus à l'horizontal : Je suis certain -bien que je ne puisse l'entendre- qu'elle doit dire aux autres « Je suis le roi du monde »... -On va rire, Pierre !, me fait Pedro, en me rejoignant avec un petit sourire énigmatique aux lèvres. Dans cinq-dix minutes tout au plus, tu vas voir ces jeunes personnes galoper vers l'arrière plus vite que le vent... Il remonte un levier à mi-hauteur de sa course et lentement, nous nous éloignons du quai. Nous passons doucement entre plusieurs embarcations de différentes tailles et couleurs, soigneusement amarrées à leurs emplacements. Certaines sont recouvertes d'une épaisse bâche en attente de l'été prochain... Le chenal s'élargit et nous cinglons maintenant droit vers la sortie du port. Vers la pleine mer... Jusqu'ici, je ne ressentais qu'une légère vibration, à peine perceptible, du plancher sous mes pieds. Pedro, d'un geste sûr, remonte brutalement la manette de tout-à-l'heure vers le haut... Le bateau se met à osciller devant en arrière et je comprend maintenant à quoi servent les espèces de grosses poignées métalliques fixées ici et là, tout au long des cloisons... Nous prenons doucement de la vitesse... Soudain, un cri perçant jaillit de l'avant du bateau. Je suis déjà prêt à bondir mais Pedro m'arrête d'un geste. -Regarde !, fait-il, hilare. Qu'est-ce que je t'avais dit ? Au travers des vitres du PC, je vois passer une Magali trempée, qui se dirige au triple galop vers l'arrière... Elle est suivie des trois autres, littéralement pliées en deux de rire... -Quand on sort du port, Pierre, m'explique Pedro, le bateau a toujours tendance à piquer un peu du nez... A cause des courants... Tu comprends ? -Et quand il pique, il embarque toujours un peu de mer... Voilà pourquoi ta gamine est trempée..., termine-t'il, en riant franchement de la blague qu'il vient de faire aux filles. La côte est assez loin derrière nous, maintenant... Nous voguons sur une mer relativement calme. -Je vais voir comment les filles trouvent la ballade, annonce-je, en descendant déjà les quelques marches qui conduisent à la coursive extérieure. -Je vais arriver aussi, ne t'inquiète pas !, me répond Pedro. Dès que nous serons un peu plus éloigné, je vais brancher ce bon vieux Georges... Je m'arrête net. -Tu vas venir à l'arrière ? Avec nous ? Mais... Mais qui va tenir la barre ? -Ben, Georges, bien entendu ! Le pilote automatique... -Le... ? Le pilote automatique ? Parce-qu'il y a un pilote automatique sur ce fringant navire ?, l interroge-je, ébahi. ' -ÉBien sûr qu'il y en a un ! Qu'est-ce que tu crois... tonnamment pour quelqu'un qui n'a jamais mis sur un bateau, tangages et roulis ne me gênent absolument pas... 8
J'ai immédiatement trouvé mon équilibre et je n'ai même pas besoin des poignées de maintien disposées çà et là... Je retrouve les filles appuyées sur la rambarde arrière qui suivent des yeux la traînée d'écume blanche que nous laissons dans notre sillage. -Alors, les Miss ? Comment vous trouvez la promenade ? -Humide !, me répond Magali, les cheveux trempés et défaits. -Géniale !, m'assurent les trois autres. -Et toi, Pierre ?, s'enquiert Magdaléna. -Ma foi, j'aime assez!, convins-je. Ton père avait raison, Magda : L'île est tout-à-fait différente vue de la mer... -N'est-ce-pas ?, fait ce dernier, en surgissant dans mon dos. Magali, va dans une des salles de bain, au bout de la coursive bâbord, là, à l'intérieur. Tu y trouveras certainement un sèche-cheveux... -Heu... Ba... Bâbord ?, répond celle-ci, les sourcils levés. -A gauche !, rit Pedro. Bâbord, gauche... Tribord, droite ! -Nous sommes tranquilles pour un petit moment, maintenant !, nous assure-t'il. Nous naviguons parallèle à la côte, la mer est on ne peut plus calme et le bateau se dirige tout seul... Au fur et à mesure que nous avançons, Pedro nous commente « son » île... Il est intarissable et a une anecdote pour chacun des endroits qu'il nous désigne de son doigt tendu. ...et là-bas, nous dit-il, c'est Cala Deja ! Un ancien port de pêche désormais livré aux touristes... Du -moins en été... Il y a quelques années a eu lieu ici une spectaculaire saisie de drogue... De petits rigolos avaient retrouvé les vieilles galeries que la mer a creusée dans la montagne... Ils les utilisaient pour y stocker leur saloperie... Derrière la crique que vous voyez, il y en a une autre, tout-à-fait invisible si on ne le sait pas et... -Holà ! Mais je parle, je parle... Vous avez vu l'heure ? -Heu, non !, fais-je surpris, totalement pris par le récit qu'il est en train de nous faire. -Il est temps de faire demi-tour si nous voulons rentrer assez tôt. Tu m'accompagnes là-haut, Pierre ?, fait-il, en me désignant le pc d'un coup de menton. -Et nous ? Que faisons-nous, papa ?, interroge Joana. -Je vous conseille de rentrer dans la cabine, Mesdemoiselles !, leur répond-il. Je vais pousser un peu c'te barcasse, pour voir si elle répond toujours aussi bien que de mon temps et cela risque de secouer un peu ! Vous pouvez visionner un film, si vous voulez : Il y a un écran plat dans le placard devant le canapé et normalement, il devrait y avoir des DVD dans l'armoire, juste à côté. Quelques minutes plus tard, quand nous sommes seuls dans le poste de pilotage, il se tourne vers moi... -Prend la barre, Pierre ! Je vais déconnecter Georges... -Moi ? Mais, je... -Moussaillon, quand le capitaine commande, on ne discute pas !, me fait-il en riant, mais d'un ton ne tolérant aucune réplique. -Bon..., soupire-je, en empoignant la grande roue des deux mains. Mais à tes risques et périls... -N'aie pas peur ! Je vais t'expliquer... Pour commencer, on va faire demi-tour à gauche. Tourne la barre doucement... Je lui obéis docilement et tourne doucement la barre à « bâbord », comme il dit. Et vous savez ce qui se passe ? Je vous le donne en mille : Ce bête bateau, au lieu de répondre à ma commande..., se met à virer à droite, en direction de la côte ! -Je crois bien que j'ai oublié de te signaler une petite chose, me fait mon « professeur », en éclatant de rire devant mon air effaré. Sur ces vieux navires, la barre se tourne encore à l'opposé de la direction que l'on veut prendre...
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