Histoire d un enfant trouvé
101 pages
Français

Histoire d'un enfant trouvé , livre ebook

101 pages
Français

Description

Ouvrage des éditions Clé en coédition avec NENA

« La grande famine » qui frappe le pays en 1905, laisse Ngoye, orphelin de ses parents. Devenu un « moana-wa-za », un enfant de la famine, il est recueilli par Mboula, un riche commerçant philanthrope qui le traite comme son fils, au grand dam de son épouse qui ne voit en Ngoye qu'un « esclave ». Après la mort de Mboula, un drame se produit : Le demi-frère de Ngoye, Issombo, trouve la mort, empoisonné. Ngoye est suspecté et accusé. Il sera acquitté par un tribunal de sages.
Cet ouvrage traite du destin de l'homme devant la vie et de sa difficile condition.

« Histoire d'un enfant trouvé » de Robert Zotoumbat explore également l'une des thématiques majeures, sinon le coeur même de toute la littérature africaine : La figure de l'orphelin, que l'on retrouve tant au niveau de la littérature orale que de la littérature écrite des productions littéraires africaines

. Robert Zotoumbat est né à Mékambo au nord -est du Gabon en août 1944. Il étudie, puis travaille comme enseignant dans les établissements protestants. Son roman « Histoire d'un enfant trouvé » est considéré comme le premier roman gabonais.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 3 310
EAN13 9782370151575
Langue Français

Extrait

Extrait
1. Présentations

Le soleil avait déjà disparu à l’horizon depuis plus d’une heure. Les pilons s’empressaient dans les cuisines pour le repas du soir. La nuit était tombée et les hangars avaient repris leurs habituelles activités. Les amis se rendaient leurs dernières visites en attendant ce long et doux sommeil qu’on prend après une longue et dure journée de travail. Nous étions d’ailleurs au début de la saison sèche, période la plus fatigante pour les hommes, car ces derniers préparaient les plantations pour la prochaine saison des pluies.

Il était vingt heures quand je sortis de chez moi pour faire ma visite quotidienne à quelques-uns de mes amis. Je ne manquais jamais cette randonnée car les histoires que nous nous racontions nous rappelaient notre enfance; c’était un grand plaisir pour nous de faire revivre ces souvenirs autour d’un beau feu de bois.

Je ne rencontrai personne dans la cour sauf les enfants que le soir avait réunis pour vaquer à leur principale occupation : le jeu. Un merveilleux clair de lune ajoutait une gaieté lumineuse à leur excitation. Je passai quelques minutes à les envier; cela me rappelait cette période où je ne pensais pas à la vieillesse. Qu’ils étaient joyeux ! Au moins ici, dans ce village, on sentait la vie; les idées modernes, comme on les appelle, n’avaient pas entièrement brisé les traditions locales. Il m’est arrivé de constater avec amertume qu’ailleurs, les enfants ne se livraient plus aux jeux qui avaient été ceux de notre génération. En effet, beaucoup de jeunes gens les considèrent comme périmés, n’appartenant plus au monde civilisé (civilisé, civilisation ! A-t-on jamais dit que les enfants des mondes plus civilisés ne pratiquent plus les jeux qu’ont inventés leurs grands parents.) Les soirées n’ont plus d’éclat aujourd’hui. La seule danse qui reste est le cha-cha-cha, et le boléro…au son d’une boîte à disques qu’ils appellent électrophone. La « Magnala » a disparu, « l’Ekota » aussi{1}. Oh ! Comme je me rappelle ces soirées où filles et garçons chantaient ensemble, dansant au rythme d’un tambour dont le son vous faisait dormir sur l’épaule d’une jolie fille. Je revois ces jeunes filles, torses nus ruisselantes d’une sueur fine d’où émanait la bonne odeur d’une pommade d’huile de palme dont elles s’étaient ointes pour la circonstance; je les revois qui se déhanchent gracieusement à vous arracher le cœur; je revois leurs seins qui se dressent contre ma poitrine, me réchauffent. Oui ! Mon Dieu, que ne suis-je plus jeune ! Elles dansaient presque nues, dévoilant publiquement leur beauté ou leur laideur, et non pas comme les filles d’aujourd’hui dont les robes et les jupes, bien que multicolores et bien cousues, cachent toutes les malformations physiques. Si les filles sont ainsi couvertes des pieds à la tête, comment les jeunes gens d’aujourd’hui arrivent-ils à faire leur choix ?


C’était avec nostalgie du passé que je continuai mon chemin. Certains enfants étaient accourus autour de moi dès qu’ils m’avaient aperçu, qui, s’enquérir de ma destination – quel curieux !–, qui, pour se renseigner sur tel ou tel jeu.

J’entrai chez Nganga, l’un de mes meilleurs amis, bien qu’il fût un peu plus âgé que moi. C’était un homme d’environ cinquante-cinq ans, mais sa robustesse était telle qu’il était le meilleur travailleur du village. Il était complètement allongé dans sa chaise-longue faite de liane, les yeux levés vers le toit de ce hangar qui en avait tant vu (le même depuis la mort de son père, survenue huit ans auparavant, et qu’il n’avait pas réparé pour ne pas perdre le dernier souvenir qui lui en restait). Il était si occupé à tirer sur sa pipe qu’il ne remarqua pas ma présence. Je toussai; il se retourna souriant.

— Oh ! c’est toi ! comment ça va, mon cher ? puis il bâilla largement.
— Ça va comme d’habitude; mais tu sembles très fatigué : tu as beaucoup travaillé aujourd’hui ?

— Tu sais, mon dos ne colle plus ces jours-ci. En plus de l’abattage, j’ai à tisser des pailles pour renouveler le toit de ma maison.

Comme il finissait de parler je vis entrer un petit vieillard aux cheveux grisonnants, aux yeux brillants, au regard vif et à la démarche aisée. Il portait un pull rouge au col nettement plié et un pantalon kaki. Aux pieds, une paire de babouches marron que j’enviais. À son habillement, je reconnus qu’il devait avoir occupé une place dans notre société. Je lisais à travers l’expression de sa physionomie une intelligence remarquable.

— Tiens, je te présente Ngoye, le camarade dont je te parle souvent. Il est venu me rendre visite et il compte rester avec nous quelques semaines, et me désignant, voici mon ami Honko, un ancien interprète dans l’administration coloniale.
— Ho ! ho ! m’écriai-je, c’est Ngoye ! je vous connais de nom, car Nganga m’a souvent parlé de vous. Je suis content de faire votre connaissance.
Il me sourit amicalement et me tendit la main que je sentis sèche et rugueuse. Nous échangeâmes quelques mots, puis nous commençâmes notre bavardage de tous les soirs.

Au cours de l’entretien qui suivit, j’eus le sentiment que ce nouvel ami devait avoir mené une vie assez mouvementée, car il aimait parler d’évènements mystérieux. Je prenais grand plaisir à l’entendre, mais je voulais en savoir plus de cet homme; aussi, à la fin, l’invitai-je à venir déjeuner chez moi le jour suivant.
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents